Si le nombre des français qui se disent catholiques ou qui se déclarent pratiquants ne cesse de diminuer, la chute du nombre de prêtres, divisé par 3 en 30 ans, pose des problèmes complexes à l’Eglise française, qui augmente le nombre de ses autres permanents, très souvent des femmes, sans accepter pour l’instant de revoir les rôles de chacun.
Les grands dossiers de Sciences
Humaines consacrent deux pages à « la transformation par le bas de
l’Eglise Catholique » en commençant par chiffrer la baisse du nombre de
prêtres et de pratiquants puis en soulignant la montée des diacres relancés par
Vatican 2 (2100 aujourd’hui contre 650 en 1991) et des permanents laïcs (5000
en 2005 contre 800 en 1993) à comparer aux 12000 prêtres en activité en 2007.
L’article estime figée voire
fixiste la posture de l’Eglise face à cette évolution, puisqu’elle ne remet en
cause ni le rôle du prêtre, ni la contrainte du célibat et de l’appartenance au
sexe masculin pour l’entrée dans la prêtrise. Face aux changements qui se font
dans la réalité quotidienne, l’article se demande si la période de faible
conflictualité que connaît l’Eglise ne va pas être remise en cause, après avoir
pris comme exemple la naissance d’un comité de la jupe, après des paroles pour le
moins malheureuses (et à vrai dire scandaleuses) de l’évêque de Paris,
Monseigneur Vingt Trois.
L’article est plutôt descriptif et ses remarques sont plutôt modérées par rapport à ce qu’on peut trop souvent lire sur l’Eglise catholique, qui semble avoir le tort de ne pas faire ce que pensent pour elle de belles âmes qui n’en font pas partie !
Mardi 30 mars, ARTE diffusait un documentaire qui voulait démontrer que la pape actuel n’avait qu’un programme : fermer la page Vatican II et revenir sur les acquis de ce concile. Même le Monde, qui verse pourtant facilement dans ce discours, expliquait dans son supplément télé dominical que la réalité est probablement plus complexe.
En fait la réalité pourrait selon
moi se résumer, pour le pape actuel comme pour son prédécesseur, en « tout
Vatican II mais rien que Vatican II ».
Certains avaient espéré que d’autres réformes allaient suivre celles
faites lors du concile, par exemple en effet en ouvrant la prêtrise aux femmes
et aux hommes mariés. Il n’en a rien été, on peut le regretter ou l’approuver,
mais cela ne signifie pas pour autant que les responsables actuels ont sacrifié
Vatican II, dont les décisions font maintenant parties des pratiques
habituelles de l’Eglise.
Une Eglise dont les pratiquants
commencent, à tort ou à raison, à avoir le sentiment d’être dénigrés
systématiquement, par les médias comme par leurs concitoyens. Etre bouddhiste,
musulman ou croire à l’astrologie serait respectable mais pas être catholique.
Au point qu’on assiste à la dérive d’un prédicateur franciscain du Vatican,
Raniero Cantalamessa, qui compare les attaques contre l’Eglise aux aspects les
plus honteux de l’antisémitisme !
Actuellement, on observe une
campagne à propos de la pédophilie et du pape. Vendredi saint, le débat du
matin sur France Inter portait sur la pédophilie chez les prêtres catholiques.
Le lendemain du Jeudi saint, considéré comme la fête des prêtres parce que jour
de la Cène, la création de l’eucharistie. Même Henri Tincq, journaliste du
monde spécialiste de l’Eglise, qui ne passe pas pour un intégriste, a signé un
« appel à la vérité » qui déplore l’emphase et l’escalade médiatique
contre l’Eglise.
En faisant le silence pendant des
décennies sur les comportements de certains de ses clercs, l’Eglise a eu un
comportement scandaleux, inadmissible. Mais l’Education Nationale a fait
exactement la même chose : demande t-on pour autant à Luc Chatel de
démissionner pour cela ?
On ne se rend sans doute pas compte de l’évolution rapide de la société sur le sujet. Dans les années 70, la Jeunesse et Sports permettait aux responsables de centres de vacances ou de loisirs pour jeunes de vérifier que les animateurs qu’ils voulaient prendre dans leur équipe n’étaient pas sur la « liste noire ». Sur cette liste, des voleurs des pédophiles, des violents…Pourquoi la procédure ne consistait elle pas à vérifier le casier judiciaire des candidats ? Parce qu’à l’époque, la société toute entière n’envisageait pas d’emprisonner les pédophiles : on les mettait à l’écart.
Je ne vois pas pourquoi on interdit aux femmes l’accès à la prêtrise, mais je vois bien l’avantage à ce que les prêtres soient des hommes : les valeurs prônées par l’Eglise ne sont pas précisément celles de la glorification de la virilité, de la force. La glorification de l’amour est plus spontanément une valeur féminine. Le fait que ce soit des hommes qui défendent le discours est à ce titre important.
Quelques mots sur le diaconat.
J’ai un ami, marié, père de famille, et même grand père, qui a été ordonné
diacre il y a 15 ou 20 ans, dans un diocèse dont l’évêque pense manifestement
que c’est l’avenir de l’Eglise. C’est un homme de grande qualité, chaleureux,
qui donne certainement une bonne image de l’Eglise autour de lui. Son épouse a
participé à la formation qu’il a reçu pour être diacre mais n’a pas été
ordonnée (il n’y a plus de diaconesses) et son statut n’est pas simple (comme
c’est une femme de qualité, cela se passe bien malgré tout). A travers cet
exemple, je constate que cela ferait du bien d’installer dans la hiérarchie de
l’Eglise des hommes mariés, ayant fait ma preuve de leur qualité d’adultes,
mais que cela introduirait aussi des situations complexes !
Sur la conflictualité dans
l’Eglise en France, je suis frappé de voir à quel point les communautés
dispersées sur le territoire sont idéologiquement proches. J’ai déménagé
plusieurs fois et donc fréquenté plusieurs paroisses, sans compter celles de
membres de ma famille que j’ai pu approcher à l’occasion de vacances ou
d’événements religieux. Vatican II s’est installé, on observe des
comportements semblables d’un lieu à
l’autre, sur la liturgie ou sur le rôle des laïcs. Les communautés sont
vieillissantes, petites, mais unies et vivantes.
Pour conclure et revenir à l’article, souhaitons que les journalistes, qui pour la plupart n’ont qu’une connaissance vague de l’Eglise, ne la considère plus à travers le filtre de leur a priori, mais en essayant de comprendre ce qui se passe. Pour voir qu’effectivement, il règne à la base une faible conflictualité, le principal souci des paroissiens étant de pratiquer leur religion, c’est à dire de se réunir pour célébrer et prier et le reste du temps essayer d’aimer leurs prochain !
Il faut donc souligner l’intérêt
de l’entretien accordé au Monde le jour de Paques par l’évêque de Poitiers,
Albert Rouet. Celui ci note que l’Eglise peine à se situer dans le monde
tumultueux dans lequel elle se trouve. Il note l’existence d’un climat de
suspicion malsain, avec des courants qui passent leur temps à jouer la carte de
la dénonciation des paroles de tel ou tel évêque. Il voit aussi un courant
identitaire dans l’Eglise, qui pousserait au repli sur soi. Je pense que ces
courants sont d’autant plus virulents qu’il sont minoritaires.
Il vaut mieux lire ce que l’évêque dit du fonctionnement des communautés de son diocèse, bien dans la ligne de l’article des Dossiers de Sciences Humaines. Au coté de 200 prêtres (contre 800 il y a 70 ans !), s’activent 45 diacres et 10 000 personnes impliquées dans les 320 communautés locales. Mgr Rouet plaide pour des prêtres qui traitent les laïcs comme des adultes et non comme des mineurs, et pour une Eglise qui descende de sa montagne et aille humblement à la rencontre des hommes
PS : j’ai écrit cet article début avril mais j’ai voulu faire paraître mes papiers sur le dossier de Sciences Humaines dans l’ordre de celui-ci. J’espère que le lecteur ne m’en voudra pas !
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