Les dépenses de protection sociale représentent maintenant en France presque 30 % du PIB et continuent à augmenter plus vite que celui ci. Mais ce n’est pas que son coût qui remet en cause le système et oblige à trouver des adaptations : les changements de la société, en particulier au niveau de l’emploi, obligent à revoir les règles et modes de fonctionnement.
Les dossiers de Sciences Humaines donnent cette fois la parole à Anne Marie Guillemard, sociologue que j’ai connue comme spécialiste des seniors et qui vient de diriger un ouvrage collectif paru en 2008 « où va la protection sociale ?»
Quelques chiffres avant d’aborder le fond du discours de l’auteur. Au sein des dépenses de protection sociale, celles qui concernent la vieillesse sont celles qui augmentent le plus vite alors qu’elles représentent près de la moitié du total (près de 600 milliards d’euros) : 45,8 % en 2008. On comprend que ce dossier soit la priorité du gouvernement en 2010 !
La santé augmente également rapidement :+ 3.4% en 2008 et + 4.% en 2007.
Le risque chômage n’absorbe que 5.8% du total en 2008 : la baisse du chômage a permis entre 2004 et 2008 un équilibre global du système. Ce n’est évidemment pas le cas depuis, les recettes totales ne progressant plus que très modérément alors que les dépenses augmentent plus vite !
Au passage, notons que la CNSA qui gère ce qu’on appelle le 5ème risque (la dépendance) a un budget de 17 milliards d’euros, soit environ 3 % du total.
Anne Marie Guillemard développe deux idées dans son article.
La première, c’est que le système général de protection sociale a été conçu à un moment de plein emploi, où les trajectoires étaient assez simples : éducation, travail, retraite. L’évolution des modes de travail, les périodes de ruptures de carrière, les formations de reconversion obligent à adapter le système basé à l’origine sur une construction par catégorie professionnelle (ce qu’elle appelle le système bismarkien, par opposition au système de Beveridge basé sur l’impôt et non sur les cotisations sociales et la relation salariés/ employeur).
La deuxième, c’est qu’on ne s’oriente pas forcément vers un régime libéral pour faire face à la montée des dépenses. Un système uniquement protecteur, donnant des droits aux personnes, crée au final de la dépendance pour les populations et débouche sur des dépenses intenables. Un système purement libéral laisse de coté une partie de la population et ne correspond pas à l’histoire des pays européens. Les pays scandinaves et le Royaume uni s’orientent vers un système complexe qui essaie d’équilibrer sécurité et responsabilité, droits et devoirs de l’individu « assurant à l’individu les moyens de son autonomie et de sa responsabilité et lui ouvrant des marges de choix de vie »
On reconnaîtra ici la troisième voie chère à Tony Blair. Les règles du chômage, assurant une indemnité mais exigeant en contrepartie une recherche effective ou celles de la retraite, permettant de moduler le montant de ses pensions en fonction du moment du départ, participent à ce type d’idées.
Je me retrouve assez bien dans ce genre de proposition, dont on perçoit la difficulté à bien les positionner.
On notera ici que les difficultés d’ajustement aux évolutions du monde du travail sont accentuées par le caractère corporatiste de notre système de protection, qui se complique singulièrement quand les trajectoires sont multiples et heurtées. Le nombre moyens de systèmes dans lequel une personne a passé sa carrière est en augmentation, ce qui s’accommode mal de la multiplicité des systèmes.
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