La part des dépenses totales de santé dans le PIB de notre pays, est passé de 3.8 % en 1960 à 11.8 % en 2006, soit un triplement sur la période. Comme dans le même temps le PIB a été multiplié par 4 environ, cela signifie que les dépenses de santé ont été multipliées par environ 12. On comprend en lisant ces chiffres la permanence des « trous » de la sécurité sociale.
Les dossiers de Sciences Humaines donnent sur ce sujet la parole à Brigitte Dormont, spécialiste du domaine, sous le titre « un autre regard sur les dépenses de santé ».
Le discours de l’auteur est assez facile à résumer tant il est clair. Elle distingue d’abord l’objectif d’efficience de la dépense (pas de gaspillage des ressources utilisées) et celui du niveau optimal de consommation de soins.
Elle montre ensuite que l’augmentation des dépenses est due, non au vieillissement de la population ou à l’augmentation des coûts unitaires, mais au progrès technologique et à la diffusion des pratiques une fois celles ci bien maîtrisées, que ce soit l’opération de la cataracte ou la prothèse de hanche, pour reprendre ses exemples.
La continuation des progrès technologiques conduira dans les prochaines décennies à une progression de la part des dépenses de santé dans le PIB. Selon les hypothèses, celles ci pourraient être de 15% ou 21 % du PIB en 2050. Pendant le même temps, la croissance économique devrait permettre à la consommation hors santé de continuer à progresser, bien sûr moins rapidement que les dépenses de santé, puisque les scénarios sont bâtis sur l’hypothèse d’une croissance des dépenses de santé de 1 à 2 % plus rapide que le PNB
L’auteur entre alors dans le cœur de ce qu’elle veut démontrer : il y a une volonté générale de privilégier la santé dans les choix de consommation, toutes les enquêtes d’opinion le montrent. Mais Brigitte Dormont va plus loin et évoque une étude économique qui a essayé de chiffrer les avantages d’une priorité donnée à la santé. Pour prendre des décisions publiques dans de nombreux domaines, on utilise un concept appelé « valeur statistique de la vie ». Des auteurs américains ont utilisé ce concept pour valoriser les dépenses de santé et ont estimé qu’entre 1970 et 2000, les gains de santé et d’espérance de vie auraient ajouté chaque année à la richesse du pays une valeur équivalente à environ 32 % du PIB, soit plus du double du montant des dépenses de santé (15% en 2000 aux USA).
L’auteur conclue que s’il est utile de bien utiliser les sommes consacrés à la santé, on ne peut aborder la question du niveau de l’effort consenti en faveur de la santé uniquement en terme de prélèvement obligatoire : se pose aussi la question de l’effort désiré.
Deux remarques sur cet article plutôt convainquant.
D’abord, il faut rappeler que les progrès d’espérance de vie doivent peut être autant aux mesures d’hygiène (de vie et tout court) que des interventions médicales.
Ensuite, il y a un certain illogisme à considérer qu’il faut dépenser plus tout en refusant la dépense individuelle (qui se développe). L’argument de l’égalité en matière de santé est il est vrai à prendre en, considération (il y a un vrai risque de dégradation de la santé pour les couches sociales les plus pauvres), mais on a parfois l’impression que ce ne sont pas les plus pauvres qui le mettent en avant pour se scandaliser des contributions du type du forfait hospitalier ou autre.
Brigitte Dormont a publié Les Dépenses de santé. Une augmentation salutaire ? 2009
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