Les coupes budgétaires opérées dans l’Education Nationale sont en train de faire baisser la qualité des prestations et le niveau des élèves, nous démontre le Monde daté de ce jour, dans deux pages de « Contre-enquête ». Pourtant, les chiffres cités ne donnent pas vraiment cette image.
Cinq graphiques traversent le haut des pages de l’article.
Le premier montre, année par année, les postes créés (en 2002) ou supprimés (tous les ans depuis).10 542 postes créés en 2002, un total de 51 171 supprimés pour les huit années qui suivent.
Le deuxième montre l’évolution des effectifs d’élèves et d’enseignants, à partir d’une base 100 en 1995/1996, en primaire et au collège. Jusqu’en 2002, le nombre d’enseignants augmente alors que le nombre d’élèves baisse. Le ratio enseignants par élève augmente apparemment sur la période de 4% environ en primaire et de 11% au collège.
A partir de 2002, les effectifs enseignants et élèves baissent fortement au collège alors qu’en primaire, le nombre d’élèves et d’enseignants augmente légèrement. Au total, sur la période 2001/2002 à 2008/2009, le ratio enseignants par élèves baisse de 4% au collège et semble stable en primaire.
Sur l’ensemble des deux périodes, le ratio augmente de 7% au collège et de 4% en primaire.
Le troisième graphique donne l’évolution des effectifs du personnel d’éducation (hors enseignants, CPE et personnels de surveillance, emplois jeunes compris). Les effectifs partent de 97 725 en 2004, chutent à 88 0006 en 2005, remontent puis se retrouvent à 87 994 en 2008. Une baisse de 10% donc sur 2004/ 2005 mais une stabilité sur 2005/2008, et on se demande pourquoi il n’y a pas les années antérieures.
Quatrième graphique, les effectifs de l’Education Nationale, hors enseignement supérieur et établissements de formation. Les effectifs partent de 1 124 milliers en 2000, montent à 1143 milliers en 2002 mais ne sont plus que de 985 milliers en 2009, avec une baisse de 103 milliers de 2006 à 2008. On est bien sûr impressionné par une telle baisse : l’année 2004 étant quasiment au même niveau que 2002, on note une baisse de 127 milliers soit 11% sur 5 ans !
Rien dans le texte n’explique la différence avec le nombre de postes supprimés. Jusqu’à ce que le citoyen se souvienne qu’entre 2006 et 2008, il y a eu le transfert de dizaines de milliers d’ACOSS vers les régions. Le graphique est donc à écarter sous cette forme.
Le dernier graphique donne la dépense intérieure d’éducation (DIE mais encore ?) et la part dans le PIB de 1980 à 2008. La part dans le PIB se trouve à 6.5% en 1980, monte au tout début des années 80 puis baisse avec le plan de rigueur. Elle augmente fortement de 1990 à 1993 (plan Jospin de revalorisation des salaires, versé sans contrepartie de réforme), se stabilise ensuite à 7.5% puis redescend régulièrement jusqu’en 2008, à 6.6%
L’article ne commente pas les graphiques, et donne même des informations en contradiction, comme ces 50 000 postes qui ont disparu sur 3 ans (sans qu’on précise la période). Si on emploie le passé, il pourrait s’agir des trois exercices 2007, 2008 et 2009, mais le premier graphique donne 33 400 postes supprimés sur cette période.
L’article détaille par contre les moyens utilisés pour « enlever du gras » sur le mammouth : remplaçants ou profs en stand by mis sur des postes à l’année, vacataires pour remplacer les maladies (50 000 heures assurées ainsi, ce qui parait beaucoup mais doit représenter environ 70 postes !). Il continue avec la suppression de certaines options, la réduction du redoublement (apparemment marginale mais qui permet d’économiser une centaine de poste au collège et 1400 au lycée).
L’article parle ensuite de ce qu’il appelle l’attaque du muscle : réduction d’heures d’enseignements (petits grignotages qui représentent 10 000 postes) réduction de la scolarisation des moins de 3 ans soit 42 000 enfants en moins (mais il faut rappeler ici que le nombre d’enfants en maternelle est sans doute en hausse sensible), réduction du temps scolaire en primaire pour installer les heures d’aide individuelle et supprimer dans la foulée les enseignants du RASED, passage de 4 à 3 ans du cycle en lycée professionnel, suppression des stagiaires enseignants rémunérés.
Celui qui a regardé le deuxième graphique se dit que ces ajustements ont bien du compenser la baisse du ratio enseignants/ élèves, de 4% au collège. Il faut croire qu’il n’en est rien puisque l’article explique que la vie des établissements a changé, que les professeurs sont moins disponibles, puisqu’ils font maintenant des heures supplémentaires : 6% au collège et 12% au lycée.
A ce moment là, on ne comprend plus : les chiffres ne sont plus cohérents, la réduction de postes réelle mais limitée (environ 5% sur 8 ans) alors que les effectifs d’élèves baissent, ne peut se conjuguer en même temps avec une augmentation du nombre d’élèves par classe, une suppression des remplacements et des options, et une augmentation des heures supplémentaires !
En réalité, il est probable que certaines situations présentées par les critiques du fonctionnement antérieur (professeurs remplaçants jamais utilisés, options regroupant une demi douzaine d'élèves autour d'un professeur....) étaient en réalité très marginales au regard des effectifs globaux, comme les heures réalisées par des étudiants ou des retraités (50 000 par an!) le sont aujourd'hui.
De même, il est probable qu'on n'était pas à 0 heures supplémentaires il y a 5 ans! Il est également probable que la maternelle et le lycée sur lesquels on n'a pas d'information, ont vu leur effectif augmenter, la première du fait de l'augmentation des naissances, le second du fait d'un taux de scolarisation toujours en augmentation.
Je ne serais pas non plus surpris que la réduction des recrutements se fassent aux détriments des zones en croissance démographique, comme la Seine et Marne ou la Seine St Denis.
Alors qu’il y a très probablement des vrais problèmes, le parti pris de l’article (qui n’hésite pas à mélanger les périodes quand il analyse l’évaluation des niveaux scolaires ou à parler de cache misère quand on arrête d’avoir des enseignants payés sans activité pour un an, alors que ce problème est probablement très marginal), ce parti pris fini par enlever toute crédibilité à l’analyse d’ensemble, qui parait avoir été faite à sens unique. Encore que Le Monde aurait pu ne pas publier le graphique qui montre la baisse du nombre d'élèves.
Dommage, la question fondamentale de l'efficacité de l’Education Nationale et de ses moyens méritait mieux !
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