Avec la crise économique, la dette publique de la plupart des pays est en train d’exploser. C’est en particulier le cas en France, où le déficit public a été de près de 8% du PIB en 2009 et pourrait être encore plus élevé en 2010. La crise grecque montre qu’une dette élevée peut avoir des conséquences dramatiques dans un pays.
Le dossier spécial de Sciences Humaines consacre deux pages au « casse tête de la dette ». L’article rappelle que le rapport Pébereau en 2005 reprochait aux différents gouvernements d’avoir depuis 25 ans laissé s’accroître la dette publique mais que certains avaient en réaction défendu les déficits dans une logique keynésienne. Avec le crise récente, il a paru urgent de laisser filer les déficits pour combattre la récession. Mais ensuite des voix se sont élevées pour s’inquiéter des conséquences de ces déficits sur la dette publique, les difficultés récentes de la Grèce à se financer justifiant leurs inquiétudes.
L’article rappelle que notre pays se finance sans problème et avec un niveau de taux d’intérêt (inférieurs à 3% actuellement) très raisonnable. L’exemple du Japon est là aussi pour montrer qu’un État peut supporter une dette deux fois plus forte que la notre en pourcentage du PIB. Après un mot sur les problèmes de l’euro face à la variation des situations économiques nationales, il conclu qu’il y aura certainement une pression générale en Europe pour mieux gérer les finances publiques.
L’article ne soulevant pas de questions particulières, je voudrais revenir ici sur trois points : la stratégie à mener face à la dette, l’évaluation de la politique du gouvernement actuel, la question de l’euro.
Sur la dette, il me semble qu’il est possible de poser une stratégie pragmatique reposant sur deux idées : d’une part, on ne peut accroître indéfiniment la dette en pourcentage du PIB, d’autre part, le déficit dépend de la conjoncture. La conclusion est simple : pour maîtriser la dette et se donner les moyens de laisser filer les déficits en période de récession, il faudrait réaliser des excédents dans les périodes positives. C’est la voie dans laquelle s’était engagé DSK entre 1997 et 1999, voie malheureusement abandonnée ensuite.
Si les taux d’intérêt à long terme sont égaux à la somme du taux de croissance et du taux d’inflation (c’est à peu près le cas actuellement), le paiement des intérêts de la dette est neutre sur l’évolution de la dette mesurée en % du PIB annuel. Dit autrement, avec un équilibre budgétaire hors intérêts de la dette, le déficit lié à ceux ci conduit à faire progresser le montant nominal de la dette du même montant que l’évolution nominale du PIB. En pratique, la dette en % du PIB est alors égale à la somme des déficits hors intérêts accumulés. Pour la faire baisser, il faut un excédent hors paiement des intérêts.
Mais il y a un risque d’augmentation des taux d’intérêts, qu’illustre le cas actuel de la Grèce. Dans ce pays, les taux d’intérêts à long terme se situaient en octobre environ un point (en %) au dessus des taux allemands. Depuis le début de l’année, ils se situent environ 3.5 % au dessus des taux allemands. Dans ces conditions, il faut comprendre que la dette s’emballe même si les finances publiques sont équilibrées hors paiement des intérêts, voire en cas d’excédent limité hors paiement des intérêts. (c’est d’ailleurs la situation de ceux qui ont utilisé un peu trop les crédits à la consommation : ils doivent dépenser nettement moins que leur revenu en dehors du paiement des intérêts pour ne pas tomber dans le sur endettement).
Sur la politique du gouvernement actuel, on notera en négatif les baisses d’impôts menées avec le bouclier fiscal et la baisse de la TVA sur la restauration et en positif la gestion globale depuis 2008. Le gouvernement s’est en effet efforcé d’accroître les dépenses conjoncturelles (en particulier les investissements) qu’il est possible de baisser une fois la croissance revenue, plutôt que des dépenses structurelles (par exemple l’embauche de fonctionnaires) qui ne peuvent être réduites. Sur le sujet, il a heureusement évité de suivre les conseils de la gauche. La politique de maîtrise des dépenses structurelles avec la RGPP va également dans le bon sens, même si les méthodes utilisées méritent discussion.
Quelques mots sur l’euro. Jean Pisani Ferry, économiste dont je pense le plus grand bien, écrivait il y a quelques temps dans Le Monde que les salaires espagnols avaient augmenté de 50 % quand ceux des allemands augmentaient seulement de 25% et soulignait qu’avec une monnaie commune, l’Espagne aurait le plus grand mal à restaurer sa compétitivité, une solution envisageable étant une baisse générale de plus de 10 % des salaires ! Inquiétant !
Mais il faut préciser que cet écart avec les salaires allemands concerne en moyenne l’ensemble de la zone euro, comme le montre le dossier du Monde de l’économie consacré à l’Allemagne le 30 mars : entre 1996 et 2010, le salaire nominal par tête a cru de 15 % en Allemagne et de près de 50 % dans le reste de la zone euro ! On sait bien sûr que l’Allemagne est entrée dans la zone euro avec un déficit de compétitivité, mais la désinflation compétitive pratiquée depuis est trop importante pour que cela soit anodin !
Ce que montre Alexandre Delaigue dans son article semestriel contre le mercantilisme : la posture allemande d’excédents n’est possible que parce que d’autres ont des déficits, donc elle ne peut être donnée en exemple à suivre par tous.
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