Le Monde titre ce soir sur les déclarations du chef économiste du FMI, Olivier Blanchard, suggérant de faire passer l’objectif d’inflation de 2 à 4%. Dans un entretien sur le même sujet, Jean Paul Fitoussi explique que « si un pays se trouve avec une cible d’inflation de 3% et un déficit de 2%, alors sa dette diminue ».
Je reviendrais peut être sur les propositions d’Olivier Blanchard, mais je voudrais réagir ici aux propos à mon sens discutables de Fitoussi.
Expliquons d’abord l’affirmation du président de l’OFCE. Prenons un pays qui aurait l’année N une dette de 50% du PIB, une inflation de 3% et un déficit de 2%. Admettons aussi que sa croissance soit de 2%.
L’année N+1, la dette est passée de 50 à 52% du PIB de l’année N. Par contre le PIB a augmenté en valeur courante de 5% (2% de croissance et 3% d’inflation) et se trouve donc à 105% du montant de l’année N. la dette se situe donc à 52/105, soit environ 49.5 % du PIB. Si elle n’a pas baissé en, valeur absolue, elle a baissé en pourcentage du PIB.
Notons que ce résultat est obtenu parce que la dette de départ était estimée à 50% du PIB. Si on avait pris 10%, on serait passé à 10+2 / 100+5, soit 11,4 % environ. En fait, avec les hypothèses prises, à 40 % du PIB la dette est stable, en dessous elle augmente et au dessus elle baisse. Si on répète l’opération pendant des décennies, la dette s’approche de 40%
Mais il y a une autre limite, majeure celle là, au raisonnement de Fitoussi, c’est l’impact de l’inflation sur les taux d’intérêt
Reprenons l’hypothèse précédente d’une dette de 50% et envisageons le cas du passage de 2 à 4% de l’inflation.
Avec une inflation à 2% et une croissance à 2%, on peut avoir des taux d’intérêt à long terme de 4% (les taux d’intérêt réels sont alors égaux au taux de croissance). Dans ce cas, le paiement de la dette se situe à 2% du PIB, soit exactement le montant du déficit. Si l’inflation passe à 4%, les taux d’intérêt à long terme vont passer à 6% et le déficit va passer à terme à 3% (le temps de renouveler les prêts). En fait l’opération n’aura pas permis d’atteindre le résultat promis par l’économiste.
Comme d’habitude, en modifiant une donnée et en pensant que le reste ne bouge pas, qu’on est « toutes choses égales par ailleurs », on raisonne de travers en économie.
On pourra cependant observer que pendant les trente glorieuses, on avait certes de l’inflation, mais des taux d’intérêt réels négatifs, ce qui soutenait la croissance. Et la dette était mangée par l’inflation. C’était vrai pour l’État mais aussi pour les autres emprunteurs, par exemple ceux qui accédaient à la propriété immobilière et remboursaient en monnaie de singe.
Il y avait aussi des perdants, ceux qui prêtaient ou déposaient leur argent en banque. Ce n’étaient pas que des millionnaires : au début des années 80, quand l’inflation flirtait avec les 15%, le taux versé par la Caisse d’Épargne était de 7%, soit un intérêt réel négatif de 8% environ
Il faut noter ici que le financement de la dette par l’emprunt obligataire est une méthode récente, mise en place par Raymond Barre. Auparavant, la méthode utilisée (faire marcher la planche à billets) était moins coûteuse pour les deniers de l’État.
Cette méthode avait cependant un inconvénient majeur : elle conduisait à une augmentation progressive de l’inflation. Celle-ci n’a en effet cessé d’augmenter tout au long des années 70 (aux variations conjoncturelles près). Or, si on peut défendre une inflation stable à 4% par exemple, une inflation qui ne cesse d’augmenter est très dangereuse pour l’économie. Et les propositions habituelles de l’OFCE vont dans le sens de cette progression continue de l’inflation.
Les commentaires récents