Les créationnistes et autres négationnistes de tout poil prétendent utiliser des outils scientifiques que sont le doute et le débat pour imposer la présence de leurs affirmations non scientifiques. En réalité, pour essayer de nous tromper, ils détournent le sens de ces mots en les utilisant sans y mettre le contenu méthodologique qu’ils supposent.
Cet article fait suite à celui
sur science et religion
Dans le débat sur le
créationnisme sur la 5, ce qui m’a frappé, c’est la similitude de la posture
entre les créationnistes et les négationnistes des chambres à gaz,.
Etant dans une position minoritaire, les créationnistes demandent aujourd’hui simplement que leurs thèses soient enseignées à l’école, au coté de celle de Darwin sur l’évolution.
Comme dans le cas des chambres à gaz, c’est faire fi des études scientifiques ayant conduit à valider les thèses de Darwin, et de toutes les études qui ont permis d’avancer dans la compréhension des phénomènes en s’appuyant sur ces thèses.
L’argument classique du droit au
doute et au débat est évidemment posé avec mauvaise foi.
Le doute est en effet une
composante importante de la démarche scientifique. Mais il ne s’agit pas de
douter des théories en vogue ou de prétendre que l’avis des autres est par
définition sujet à caution
Il s’agit de s’astreindre à de la rigueur dans sa démarche méthodologique :
Est-ce que la manière dont j’ai
construit ou recueilli mes données n’est pas biaisée ?
Qu’est ce qui me le
prouve ?
Est-ce que les éléments de mon
raisonnement sont tous solides ?
N’y a t-il pas à une étape qui repose en réalité sur l’acceptation
implicite d’un fait ou d’une règle qui n’est pas démontrée ?
Ai-je formulé explicitement mes
présupposés s’il y en a ?
Ma théorie prend elle en compte
l’ensemble des données disponibles sur le sujet que j’étudie ou est elle
incompatible avec tel ou tel élément ?
Quels sont les risques d’erreurs ? quel est le niveau des incertitudes, s’il y en a ou la précision de mes données ? Est-ce compatible avec mes conclusions ?
Toutes ces questions amènent le
scientifique à éviter de se faire piéger par ses certitudes ou son
enthousiasme. Tout simplement, le chercheur doit pouvoir appliquer à ses
propres travaux la critique systématique qu’il pourrait faire des travaux des
autres.
C’est d’ailleurs un des avantages
du débat : le critique externe à l’avantage du recul. En soumettant mon
étude à une analyse critique, je peut recueillir des objections auxquelles je
n’ai pas pensé. Si ces objections sont formulées dans une démarche scientifique,
je dois les prendre en compte et démontrer en quoi elles n’infirment pas mes
conclusions.
²Le cas échéant, le débat autour
de deux théories opposées doit pouvoir déboucher sur la définition de
l’expérience ou de l’étude qui permettra de trancher entre les deux théories.Comme on le voit, on est assez
loin ici de l’idée de présenter deux théories comme équivalentes !
Le
créationniste ne cherche pas réellement à débattre avec le scientifique
disciple de Darwin pour savoir comment trouver la preuve qui ferait trancher
d’un coté ou de l’autre !
A contrario, il a un présupposé explicite (la Bible dit la vérité car c'est la parole de Dieu ) et un implicite dont les exégètes ont montré qu'il est faux : la Bible a un objectif historique (alors que l'objectif de la Bible est théologique; Quand Jésus dit une parabole, on comprend bien que le but n'est pas de nous raconter une histoire vraie, mais de nous faire comprendre un message théologique; Beaucoup de textes de la Bible sont en réalité de la même logique).
Pour avancer, la science a besoin que chacun n’ait pas à refaire toutes les expériences et études qui ont été faites avant lui. Elle a par contre besoin que ces études puissent être explicitées et défendues.
Si Mr Dupont, éminent chercheur spécialisé dans tel domaine particulier, propose une avancée dans son domaine, il doit expliquer sur quels faits il s’appuie, comment il a fait pour contrôler ces faits et comment sa théorie les explique. Tout chercheur du même domaine pourra venir discuter du bien fondé de sa théorie. Au bout d’un moment, la communauté scientifique s’accordera de fait sur le bien fondé ou non de sa théorie.
C’est ainsi que quand j’étais
étudiant, nos professeurs de géologie nous présentaient la théorie de la dérive
des continents (et tout ce qui va avec) comme une des théories possibles. Ils
expliquaient rapidement les autres théories concurrentes, en précisant que si
la première paraissait en train de gagner, ce n’était pas encore fait.
Aujourd’hui, un étudiant se
verrait probablement présenter cette théorie comme l’explication admise :
lui présenter les théories qui furent proposées auparavant et abandonnées
ensuite serait de la perte de temps.
Bien entendu, toute personne
désireuse d’en savoir plus peut aller consulter les nombreuses études sur le
sujet, les arguments échangés etc. Mais demander aux géologues de revenir sur
un point acquis n’est pas légitime.
De la même manière que personne ne remettra en cause les lois de Newton sur la chute des corps (dans ce cas pratique, les élèves de lycée sont invités à refaire les expériences, il est vrai plus faciles à réaliser en salle que l’observation des volcans !).
On pourrait objecter que la
science avance en remettant en cause ce qui semblait acquis auparavant.
C’est certes vrai, mais sans doute pas de la manière dont on l’imagine. Il faut en effet faire la différence entre ce qui est encore à l’état de théorie, qu’on cherche à démontrer ou infirmer et ce qui est démontré.
Par exemple, la théorie de la
gravité universelle de Newton a été démontrée autant de fois qu’il était
nécessaire. Elle était conforme au principe de relativité qui affirme que les
lois physiques s’appliquent dans tous les référentiels inertiels (je parle
joliment, non ? pour plus de précisions merci Wikipédia sur ce beau
principe et bonne lecture aux courageux !).
Par exemple, si je suis dans un TGV qui roule à 300 km/ h, et que je laisse tomber un objet, il me semble tomber à la verticale, alors qu’il suit le TGV, et donc il se déplace à 300km/h par rapport à la Terre, qui elle-même tourne sur elle-même, autour du soleil, lequel se déplace etc..
Les expériences de Maxwell sur
l’électromagnétisme ayant montré que la vitesse de la lumière est constante
quel que soit le repère (non, ne me demander pas comment on passe du magnétisme
à la vitesse de la lumière !) Einstein a été amené pour résoudre la
contradiction (si vous avez suivi laquelle, bravo !) a inventer la théorie
de la relativité générale.
Certes celle-ci remet en cause,
non seulement les lois de Newton, mais aussi leur base (là, je suis à peu près
sur de ne pas avoir bien compris). Mais aux faibles vitesses, les nouvelles
lois donnent les mêmes résultats que les précédentes
Enfin, faibles vitesses au regard
de la vitesse de la lumière. Par exemple, « seulement » 300 km / s
soit mille fois moins que la vitesse de la lumière, mais 3600 plus vite que
notre TGV.
Dit autrement, si la théorie d’Einstein révolutionne les lois de la
physique, on peut aussi dire qu’elles ne les changent qu’à la marge et on peut
continuer tranquillement à utiliser les lois de Newton pour les applications
courantes (c.a.d. 99% des applications, et 100% de celles dont a besoin le
pékin lambda !).
Un de mes neveux me disait il y a
quelques jours que les bouclistes avaient ces derniers temps marqué des points
contre les tenants des cordes, qui imaginent un monde à 11 ou 17 dimensions
pour expliquer quelques problèmes qui restent en suspens (ne me demandez pas
lesquels, là, je n’ai même pas cherché à comprendre).
Là, on se trouve en effet
en présence d’hypothèses et non de théories validées, et il y a un débat
légitime !
Mais on a bien compris que ni les négationnistes des chambres à gaz ni les créationnistes ne veulent réellement débattre : ils sont enfermés dans leur idéologie.
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