En commentaires à un article précédent, Vil Coyotte d’Optimum, cite un auteur qui voit dans les hautes rémunérations des patrons un moyen de motiver l’échelon inférieur puis toute la hiérarchie. La hiérarchie des salaires actuelles répond très imparfaitement à cette idée, qui fat fi d’autres sources de motivation.
La question de l’échelle des rémunérations est le principal objet des systèmes de classification de branches, devenus la norme depuis 1945, sous l’injonction de Alexandre Parodi, ministre du travail du gouvernement De Gaulle, puis de ses successeurs.
Les grilles de classification mises en place par la métallurgie ou la chimie (et à leur suite d’autres branches) classent les emplois selon des groupes, divisés ou non en plusieurs coefficients. En simplifiant le système, on peut dire que chaque groupe correspond à un niveau de l’Education Nationale, le niveau I renvoyant à plusieurs groupes
Gérard Donnadieu, un des spécialistes de ces systèmes, proposait pour ce qu ’il appelait une « classification bien tempérée », un écart d’environ 25% entre chaque groupe, avec trois indices par groupe écartés de 8% chacun. Il estimait qu’on avait ainsi des écarts corrects pour reconnaître les différences.
J’ai lu récemment qu’une année de formation supplémentaire devait générer 7% de productivité supplémentaire. A cette aune,on devrait avoir un écart de 7 ou 15% entre les non qualifiés (niveau VI de l’EN) et les titulaires d’un CAP ou un BEP, 15 ou 22% entre ceux-ci et les bacheliers, encore un écart de 15% pour le BTS puis pour le bac +4 et enfin 7% avec le bac+5.
15 ou 25% entre groupes, on a là des ordres de grandeur assez corrects. On utilisera ici 25% pour atteindre comme le proposait Donnadieu un quasi doublement en trois changements de groupes (1.25*1.25*1.25 =1.95).
Avec cette donnée, on devait avoir le SMIC soit environ 18 000 euros annuels pour les non qualifiés, 22500 pour les ouvriers professionnels, 28 000 pour les techniciens, 35 000 pour les techniciens supérieurs et près de 44 000 pour le premier niveau de cadre.
La réalité est une échelle plus écrasée, non pas que la théorie soit mauvaise, mais parce que le bas de la pyramide salariale française est écrasée, pour cause de SMIC élevé notamment, pour cause de surqualification des embauches aussi (mais les deux phénomènes ne sont pas indépendants)
Continuons cependant avec ce rapport 1.25. combien y a t-il de niveaux entre le premier niveau de cadre et le patron d’une grande entreprise?
Prenons l’exemple de l’industrie automobile. Au dessus d’un chef d’atelier qui dirige environ 100 à 150 personnes (que j’assimile ici au premier niveau de cadre) et le PDG, on va trouver le responsable d’un secteur de 500 à 1000 fabricants, puis le responsable de fabrication de l’usine, peut être un responsable de production avant le directeur d’une usine de mettons 8000 salariés.
Ce dernier va dépendre peut être d’un directeur industriel France, qui dépend du directeur industriel monde, lequel peut ne pas dépendre directement du PDG mais d’un échelon intermédiaire.
J’ai trouvé au maximum 8 échelons entre mon cadre de premier niveau et le PDG. Si je garde comme base les 44 000 euros calculés précédemment et que j’applique mon coefficient de 125 à chaque changement de niveau, je trouve environ 270 000 euros.
C'est-à-dire que je suis très loin de la réalité actuelle, mais pas tellement de celle qui prévalait il y a 30 ans. Entre temps, les écarts de salaire entre groupes ont beaucoup augmenté.
Mon calcul donnait 108 k€ pour le directeur d’usine, ce qui me parait peu au regard de ses responsabilités écrasantes (l’usine est ici énorme). Si on admet qu’on se trouve au double, il faudrait imaginer des écarts d’environ 1.45 dans les 4 niveaux précédents.
On notera qu’à un moment de ma progression, je suis passé de salariés à 35 heures par semaine à des cadres dirigeants plus proches des 50 ou 60 heures hebdomadaires, ce qui évidemment doit se payer. Cette seule cause représente une partie de l’écart entre la rémunération théorique du directeur d’usine et sa réalité
Pour arriver ensuite à un PDG à 4.6 millions (les 240 SMIC évoqués dans mon article précédent) il faut maintenant que j’applique un coefficient légèrement supérieur à 2 à chaque changement de niveau. Est-ce bien raisonnable ? Et est ce nécessaire pour donner envie d'atteindre l'échelon supérieur à celui auquel on se trouve?
Je voudrais faire deux autres remarques concernant la motivation des cadres et cadres dirigeants
La première c’est que l’argent n’est pas la seule motivation. La reconnaissance, la valorisation au sein de la société qu’il fréquente est un élément important, ainsi bien sûr que le pouvoir que cela représente. Quand on voit ce que peuvent faire les hommes politiques pour avoir du pouvoir, on comprend qu’il s’agit d’un puissant élément de motivation!
La deuxième remarque, c’est que l’envie de progresser dans la hiérarchie ne fonctionne que pendant une partie de la carrière. A un moment donné, on prend conscience qu’on est arrivé à un plafond. Quelle est alors la source de motivation pour les 10, 20 ou 30 années de carrière qui restent ?
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