Dans son billet d’hier, Eolas pointe la situation de fonctionnaires condamnés à travailler dans des conditions détestables alors qu’ils aiment ce qu’ils font. Les commentaires montrent que cette situation est très fréquente dans l’administration, ce qui ne signifie pas qu’elle n’existe pas dans le secteur privé !
Avant d’aller plus loin, je ne résiste pas à reprendre les mots exacts d’Eolas à propos des officiers de l’OFPRA : « ce sont des gens qui font un métier qu’ils adorent, mais dans des conditions qu’ils détestent. Une pure illustration de la schizophrénie administrative qui vous fait détester faire un travail que vous adorez »
Les conditions que les gens
détestent peuvent être diverses :
Faiblesse
des moyens entraînant une charge de travail importante et l’obligation de
traiter des dossiers à un rythme que l’on juge incompatible avec un travail
sérieux
Règles
ne laissant que très peu de marges de manœuvre pour les agents qui ont à les
mettre en œuvre
Règles
aboutissant à des choix ou des décisions contraires à ses convictions profondes
Fortes charges de travail conjuguées à de faibles marges de manœuvre constituent un terreau bien connu des risques psycho sociaux, sans aller forcément jusqu’à la schizophrénie.
Le commentaire n°7 est
éclairant :
« il s’agit d’un domaine où plus il y a de papiers, plus
l’histoire à de chances d’être fausse. D’où l’importance capitale d’un
entretien prolongé et paisible pour juger avec le plus d’éléments
possibles »
Pour être le plus pertinent, il
faut s’appuyer plus sur une compréhension globale que sur des documents
administratifs et faire confiance à la
personne qui est sur le terrain !
Comment pourrait on imaginer
appliquer une telle méthode, quand le législateur passe son temps à vouloir
faire des lois de plus en plus restrictives, quand on demande de définir les
critères de régularisation de sans papiers, quand ceux qui agissent sur le
terrain sont soupçonnés de posture idéologiques (la nature du soupçon variant
évidemment en fonction de celui qui soupçonne !) ?
On constate dans les
organisations un besoin à la fois d’un reporting fort, d’une industrialisation
des processus et d’une libre adaptation par les acteurs de terrain aux
circonstances et en particulier aux besoins du client. Toute la difficulté est
de définir sur quoi porte chacune de ces caractéristiques.
Je constate que le privé arrive
dans certains cas à trouver le bon équilibre (même s’il est souvent menacé ou à
réinventer) le système des chaînes hôtelières en étant un bon exemple. Peut
être que le secteur privé n’a pas le choix et que ceux qui ne l’ont pas fait
ont disparus.
Dans le public, c’est évidemment
beaucoup plus difficile et à contre courant de tous les principes de base.
La difficulté est accentuée par le
passage progressif de questions
matérielles à des questions relationnelles
Dans l’industrie automobile, le passage du travail taylorisé où les questions de maintenance et de qualité échappaient à l’ouvrier de production à un système où la proximité prime ne s’et pas fait sans mal, mais il est maintenant partout. Quand c’est le relationnel et le comportemental qui priment, la confiance aux agents de terrain est incontournable, mais elle est probablement plus difficile à faire entendre !
Puisqu’un des commentaires d’Eolas
évoquait les enseignants, imaginons un moment qu’on demande aux professeurs de
ne plus chercher à concevoir leurs cours et leurs devoirs, mais d’aller piocher
dans une bibliothèque à leur disposition pour cela, pour se concentrer sur la
manière de le faire passer dans le
contexte de leur classe, sur le suivi de chaque élève, que la réflexion
collective ne porte pas d’abord sur le jugement de chaque élève mais sur la manière
d’améliorer les résultats !
Une telle révolution copernicienne est elle seulement imaginable et entendable par les acteurs (et je ne pense pas ici seulement aux enseignants, mais à tous les acteurs du système, des parents aux politiques en passant par tous les corps de l’EN et les différents représentants de ces acteurs) ?
Bon je m’arrête, je m’aperçois que je suis encore en train de rêver !
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