Les inégalités de patrimoine sont beaucoup plus fortes que les inégalités de revenus, ceux qui ont un revenu élevé ayant la possibilité d’accumuler dans le temps un patrimoine important. Une étude récente de l’INSEE donne l’occasion d’en savoir un peu plus.
La manière dont on représente les répartitions des revenus et de patrimoine n’est pas neutre : diviser en centile, en décide ou par tiers l’ensemble de la population n’est pas a priori identique, d’où l’intérêt de mixer les approches
Pour commencer, raisonnons par tiers de population et regardons quelle part trois tiers classés par ordre d’importance du patrimoine ont comme revenu et comme patrimoine, en pourcentage du total (ces chiffres issus de l’enquête de l’INSEE concernent la France métropolitaine). Attention, il s’agit ici de ménages et c’est leur niveau de vie et non leur revenu qui est présenté
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Part du niveau de vie total en % |
Part du patrimoine total en % |
Tiers le plus pauvre (33%) |
24.4 |
1 |
Tiers intermédiaire (34%) |
31.3 |
19.6 |
Tiers le plus riche (33%) |
44.3 |
79.4 |
Comme on le voit, le tiers le plus pauvre a une part extrêmement faible du patrimoine, alors que les écarts de niveau de vie sont limités : les plus riches ont 80 fois plus de richesse que les plus pauvres et 4 fois plus que le niveau intermédiaire. Par contre, ils n’ont « que » un niveau de vie 1.8 fois plus élevé que les plus pauvres, et 1.4 fois plus élevé que le niveau intermédiaire.
Si on raisonne par tiers, on trouve donc des inégalités de patrimoine élevées et des inégalités de niveau de vie limitées
Passons à un niveau plus fin, le décile et regardons la répartition de nos deux grandeurs. Au passage, regardons aussi le premier et le dernier centile
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Part du niveau de vie total en % |
Part du patrimoine total en % |
1er centile |
0.64 |
0.0001 |
1er décile |
6.4 |
0.02 |
2ème décile |
7.2 |
0.13 |
3ème décile |
8.1 |
0.50 |
4ème décile |
9.1 |
1.9 |
5ème décile |
8.7 |
4.7 |
6ème décile |
9.3 |
7.1 |
7ème décile |
10.1 |
9.4 |
8ème décile |
11.1 |
12.4 |
9ème décile |
12.7 |
28.1 |
10ème décile |
17.3 |
45.8 |
100ème centile |
2.7 |
13.0 |
.
Le classement par patrimoine et non par niveau de vie explique les résultats surprenants des niveaux de vie des 4ème et 5ème décile
Le tableau donne des informations assez semblables au précédent : inégalités limitées de niveau de vie et fortes de patrimoine,
Si l’on compare le premier et le 10ème décile, le rapport des niveaux de vie est de 2.7 et celui des patrimoines de 2290 !
Si on raisonne en centile et qu’on regarde les deux extrêmes, le rapport des niveaux de vie est de 4.5 environ, celui des patrimoines de 130 000. Ce dernier chiffre n’a pas grand sens : les plus pauvres n’ont tout simplement pas de patrimoine (ils sont probablement endettés) !
A l’opposé de ce qui se passe sur le patrimoine, la faiblesse des rapports inter décile en niveau de vie s’explique par les éléments qui assurent un minimum de revenu, du SMIC au minimum vieillesse en passant par le RMI et les différentes allocations (chômage, logement, familiales).
Nous avions vu que le premier tiers des ménages n’avait pratiquement pas de patrimoine. L’analyse par décile montre que c’était une bonne approximation.
Dernier tableau, qui va maintenant présenter les choses sous un autre angle, : quelle proportion des ménages faut il pour avoir telle part du total?
J’ai raisonné ici par huitième, tout simplement parce que c’est la part du patrimoine que possède le centile le plus riche Le tableau donne le nombre de centiles de ménages pour avoir un huitième du niveau de vie total (ou du patrimoine total)
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Nombre de centiles pour le niveau de vie |
Nombre de centiles pour le patrimoine |
1er huitième |
18.5 |
58 |
2ème huitième |
15.5 |
13 |
3ème huitième |
14 |
10 |
4ème huitième |
13 |
7 |
5ème huitième |
12 |
5 |
6ème huitième |
11 |
4 |
7ème huitième |
9 |
2 |
8ème huitième |
7 |
1 |
Il faut 18.5% des ménages parmi les plus pauvres pour avoir le même « revenu » que les 7% les plus riches mais il faut 58% des ménages pour avoir le même patrimoine que le 1% le plus riche
Au passage, on note l’importance du patrimoine des plus riches : 1/8 pour le dernier centile, encore un pour les deux centiles suivants. La moitié du patrimoine est détenu par 12% des ménages.
A noter qu’un patrimoine peut être reçu par héritage ou accumulé, ce qui explique que ce sont les ménages les plus âgés qui ont le plus fort patrimoine. L’accumulation est d’autant plus facile que le revenu est plus élevé, même si le comportement plus ou moins dépensier influe aussi. A partir d’un certain niveau de revenu, les placements financiers permettent d’accélérer l’accumulation, du moins depuis 30 ans que les rapports sont nettement supérieurs à l’inflation (ce n’était pas le cas pendant les trente glorieuses)
Il serait à mon avis normal d’avoir un impôt important sur les successions (mais la notion de franchise assez naturelle laisse la porte ouverte à tous les excès) et sain d’avoir des taux d’intérêt réel (ou de valorisation des actions ou de l’immobilier) en moyenne à long terme du même niveau que le taux de croissance (théorème de Samuelson, peu vérifiable ces derniers temps).
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