La RDA était en quasi faillite au moment de sa disparition. La situation des deux Allemagne hier, des deux Corée aujourd’hui, illustre bien l’échec des régimes à économie planifiée en matière d’économie.
Dans les années 50 et 60, la performance économique des pays du bloc soviétique pouvait faire illusion, comme l’illustrait le film « tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents communistes », dans lequel on voit Josiane Balasko expliquer à son gaulliste de mari que les vaches russes donnent deux fois plus de lait que les vaches occidentales.
Quand les ménages français s’équipent massivement de voitures, réfrigérateurs, machines à laver et télévision, il devient ensuite difficile de prétendre que le niveau de vie est plus élevé à l’Est. Ceux qui regardent les choses attentivement peuvent aussi constater qu’en terme de logements, la comparaison n’est pas non plus favorable au bloc soviétique, où les appartements sont petits et mal équipés, comme le précise Katarina dans son témoignage :
« Nous n’avions pas de voiture, pas de machine à laver le linge ni la vaisselle. Nous habitions dans un HLM au quatrième étage sans ascenseur dans un trois pièces, sans chauffage central et sans eau chaude » Et cela se passe dans les années 70, avec un trois pièces pour une famille de 8 enfants.
Pendant des années, les communistes français essaient de justifier le retard à l’Est en expliquant que ces pays sont partis de plus loin, que leur développement économique était moins avancé au moment de l’accès au communisme. Or cette affirmation, discutable selon les pays, n’est certainement pas valable dans le cas de l’Allemagne de l’Est ou de la Tchécoslovaquie. Et l’histoire économique d’autres pays, notamment en Asie, montre que le rattrapage économique peut être très rapide.
En 1991, on calculera que le niveau de vie dans l’ex RDA est le tiers de celui de l’Ouest. Pour arriver à ce résultat en environ 45 ans, il a fallu que la croissance moyenne à l’Est soit plus faible que celle de l’Ouest d’environ 2.5% par an, ce qui est énorme !
Le système économique soviétique est basé sur l’idée de planification, sur des investissements importants et sur la priorité à l’industrie, surtout l’industrie lourde. La formation n’est pas négligée non plus, loin de là.
La part du PIB consacré aux investissements se situe pendant longtemps à un niveau élevé (de mémoire autour de 25/27%). Ceci explique peut être que les résultats des premières années du communisme paraissent très positifs. C’est ainsi qu’au début des années 60, la Corée du Nord dépasse économiquement la Corée du Sud.
Le système se préoccupe aussi de la productivité des hommes. C’est ainsi que sera lancé en URSS entre les deux guerres le stakhanovisme. Dans les RDA des années 50, la question doit être cruciale puisque c’est suite à l’augmentation de 10% des normes de productivité dans la construction du boulevard Staline que se produisent à Berlin Est les émeutes de juin 1953 qui seront réprimées dans le sang.
On a vu dans le témoignage de Katarina que la formation est aussi une priorité, ce qui devrait se traduire aussi par une élévation de la productivité et donc du niveau de vie. On notera cependant que dans ce domaine, les pays de l’Est ne se distinguent pas spécialement des pays occidentaux : dans les années 80, ce sont les USA qui ont la plus grande partie d’une classe d’âge qui fait des études supérieures. Et le témoignage de Steffi, qui précise qu’à la fin des années 70 deux élèves du collège par classe allaient au lycée, montre que la RDA n’a pas su accélérer comme les pays occidentaux dans les années 60 et 70
L’Union soviétique essaie de se positionner à la pointe du progrès scientifique. Elle y réussit momentanément avec l’envoi du premier homme dans l’espace. Elle y échoue malgré ses attentes avec Lyssenko. Le Tupolev 144 supersonique ressemble tellement au Concorde qu’on accusera les soviétiques d’avoir voler les plans. Mais de manière générale, les progrès de la science, qu’ils soient conceptuels ou opérationnels, se font essentiellement à l’Ouest.
Mais si l’investissement en capital est très important, celui en ressources humaines satisfaisant, c’est le troisième élément facteur de productivité, celui de la conjugaison des facteurs, qui pêche. Dit autrement, c’est l’organisation, la gestion, l’utilisation des techniques qui sont défaillants.
Plusieurs exemples
Dans les kolkhozes soviétiques, l’ensemble des paysans étaient devenus des salariés agricoles. Dans un pays communiste digne de ce nom, des salariés doivent avoir des horaires et un rythme de travail normaux. Il serait vain d’imiter les pays capitalistes, avec les durées hebdomadaires de 65 heures pendant la période de la récolte, avec leurs paysans qui moissonnent de 10 heures à 2 heures du matin, même si c’est dimanche ! Et puis, l’essentiel est le volume de production qu’on pourra déclarer au plan, même si ensuite la récolte pourrit sur place en attendant qu’on l’évacue
Cela me rappelle un article du Monde il y a fort longtemps (cela devait être dans les années 70 voire 60), article qui pointait le fait que les livres scolaires étaient pleins de l’idéologie capitaliste, y compris pour les plus jeunes. L’article donnait en exemple un exercice d’arithmétique.
Celui-ci demandait de calculer à quel prix un commerçant devait afficher ses tomates pour faire un bénéfice. Le calcul tenait compte d’un pourcentage de tomates abîmées donc invendables. L’auteur de l’article critique se scandalisait qu’on puisse faire payer au client le coût des tomates abîmées. Dit autrement, il s’indignait que les prix reflètent une réalité désagréable (les tomates perdues), et refusait de prendre en compte la situation du commerçant (celui-ci n’étant pas un salarié mais un indépendant qui faisait un bénéfice, un profit donc,étant forcément du mauvais coté !).
Dans le système soviétique, le mode de fixation des prix ne reflétant pas la réalité, les décisions de gestion risquaient fort de ne pas être pertinentes. De toute manière, en l’absence de recherche d’un résultat économique maximal, la question de la réduction du nombre de tomates abîmées risque fort de ne pas être une priorité !
Dans l’économie de marché au contraire, le commerçant qui se contente de répercuter dans ses prix le pourcentage de tomates abîmées, risque fort, au bout d’un mois ou de 10 ans, de voir arriver un concurrent avec un système plus efficace et des prix plus bas. Le premier commerçant doit donc s’adapter ou disparaître. La logique de marché fonctionne en permanence comme une obligation à devenir plus efficace dans l’utilisation des ressources, le capital ou les hommes.
Faute de cette obligation, les pays communistes n’ont pas progressé dans l’utilisation de cette conjugaison des facteurs, au point de perdre en partie les avantages qu’auraient du leur donner l’accumulation du capital et la montée en compétences de la population. C’est ainsi que les réponses données aux questions économiques n’ont été pertinentes ni du point de vue micro, ni du point de vue macro. Comme me le disait un ami revenant de Pologne dans le courant des années 80 : il n’y aura pas de chômage en Pologne tant qu’on aura des chaises. Pour créer un emploi, il suffit de mettre une chaise quelque part (pour surveiller quoi ?) et d’y mettre la personne à embaucher.
La priorité donnée à l’industrie s’est faite aux dépens de services efficaces. Voyageant dans ce même pays, j’avais été étonné de voir à la gare une très longue queue pour acheter le journal. Un peuple qui passe une bonne partie de son temps à faire la queue pour acheter des produits banals ne peut avoir une grande efficacité économique !
C’est probablement aussi le système de désignation des dirigeants qui laisse foncièrement à désirer. D’abord, il exclu ceux qui n’adhèrent pas au régime, quelques soient leurs compétence, comme on le voit dans le témoignage de Steffi. Ensuite, il est probable qu’il favorise les plus obéissants, ceux qui sont prêts à suivre aveuglement les consignes venues d’en haut, au détriment de ceux qui ont de la personnalité, les entrepreneurs.
Ceux qui ont lu l’histoire intérieure du Parti Communiste Français, de Philippe Robrieux se souviennent peut être de ce qu’il raconte de la manière dont dès 1945 les apparatchiks les plus corrompus remplacent les vrais résistants au sein de la ligne hiérarchique du parti : le même mécanisme appliqué pendant des années à la sélection des cadres supérieurs de l’économie soviétique ne peut qu’avoir des effets désastreux.
Par ailleurs, l’absence de vérité des prix se traduit par la distribution d’un pouvoir d’achat complètement théorique : il n’y a pas assez de produits disponibles pour dépenser son salaire. Évidemment, les salariés ne sont pas incités « à travailler plus pour gagner plus ! ».
Enfin, le système centralisé fait que peu de personnes se préoccupent réellement de faire faire des progrès à l’organisation dans laquelle ils travaillent, comme c’est le cas dans les régimes occidentaux.
Au final, on se retrouve avec des pays comme la RDA qui sont de fait en faillite et qui ne trouvent les devises dont ils ont besoin (par exemple pour acheter du pétrole) que grâce aux subventions de la RFA.
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