Les loyers du secteur privé en France ont baissé en 2009 pour la première fois depuis longtemps et le Monde y consacre une pleine page, en soulignant le caractère exceptionnel du phénomène (baisse historique) et en en attribuant la cause principale à la précarité liée à la crise. Est-ce bien sûr ?
Dans notre pays, sur un peu plus de 26 millions de résidences principales, environ 15 millions sont la propriété de leurs occupants (dont 5 à 6 millions encore en train de la payer). Si on met de coté des cas particuliers (personnes logées à titre gratuit ou en meublé) on trouve plus de 10 millions de locataires se répartissant entre le secteur privé (un peu moins de 6 millions) et le secteur social (essentiellement HLM)
Ce dont on parle ici concerne donc un bon cinquième des logements. Les locataires concernés n’étant ni en HLM ni propriétaires, sont en général plus jeunes et moins riches que la moyenne (le logement est la principale richesse des ménages), sans avoir un revenu trop bas, mais on y trouve probablement de tout.
Les graphiques publiés avec l’article montrent un taux de rotation assez élevé : depuis dix ans, tous les ans, entre 25 et 30% des locataires déménagent, ce qui signifie qu’ils restent en moyenne environ trois ans et demi dans leur logement. Ce taux a nettement baissé en 2009, passant à 25.7% sur douze mois, contre 29.2% trois ans auparavant.
On observe une baisse des loyers dans les nouveaux baux : -0.8%. Ce n’est certes pas considérable, mais notable car nouveau. Entre 2004 et 2006, la hausse était rapide, de l’ordre de 5% par an, soit nettement plus vite que l’inflation. Elle est revenue ensuite à 2% puis 1.5%, ce qui signifie qu’il y a un an elle était plus faible que l’inflation, il est vrai tirée essentiellement par les prix de l’énergie.
Le journaliste donne la parole à l’animateur de la base de données et professeur d’université qui considère que cette baisse n’est pas la conséquence d’une moindre pénurie de logement et conclu qu’elle est due à la chute de la solvabilité des locataires.
Cette affirmation est pourtant en contradiction, du moins apparente, avec les statistiques du revenu des ménages qui montrent que celui-ci a augmenté sur la période, en raison notamment de l’augmentation des prestations sociales. Sauf a montrer que la population spécifique des locataires a vu son revenu évoluer différemment de la moyenne, l’argument parait plus un a priori que fondé sur une étude précise.
On peut essayer de raisonner sur les nombreux tableaux présentés, mais ils donnent des indications contradictoires. Le loyer des studios continue d’augmenter alors qu’à trois pièces et au-delà, la baisse avoisine ou dépasse les 2%. Les prix continuent à augmenter fortement dans certaines villes (+11.7% à Drancy ) et baissent nettement dans d’autres (situées dans le sud du pays notamment).
Le détail des évolutions par arrondissement de Paris, montre de grandes différences, entre des hausses supérieures à 4% voire atteignant 9% et des baisses supérieures à 4% voire dépassant 7%. Les arrondissements en hausse sont plutôt les plus sélects (2ème, 8ème, 4ème, 16ème et 17ème) mais le 5ème et le 7ème baissent, et ceux qui baissent sont plutôt les plus populaires (10ème, 11ème, 18ème, 19ème, 20ème) mais le 12ème est en hausse. Il est difficile d’en tirer une conclusion
Au final, il me semble que le chiffre le plus révélateur est la baisse du taux de mutation (des déménagements), parce qu’il est conforme aux autres comportements des ménages. L’analyse des comptes du 2ème trimestre en France montre que si la consommation des ménages se maintient, elle progresse moins vite que leur revenu, ce qui leur permet d’augmenter leur épargne : autrement dit, les français n’ont pas moins de moyens, ils sont plus prudents. Un comportement du même ordre m’a été signalé par un chasseur de tête qui constate une grande difficulté à trouver des candidats, alors qu’il y a moins d’offres : les salariés en place (ici des cadres supérieurs et des dirigeants) ne veulent pas prendre le risque de quitter leur emploi.
Le comportement des locataires est apparemment identique : ils sont plus hésitants à déménager, avec les coûts que cela représente, et probablement également à changer pour un logement plus spacieux, d’où les évolutions contrastées des loyers selon la taille du logement. Et avec moins de candidats, la loi de l’offre et de la demande fait son effet : les prix baissent !
Pour conclure, il me semble que ce n’est pas l’augmentation de la précarité qui conduit à la baisse des loyers, c’est l’augmentation de la crainte de la précarité. Ce changement a eu un impact car l’augmentation du rythme de la construction ces dernières années avait aussi en partie détendu le marché, ce qui expliquait aussi les hausses plus raisonnables des deux dernières années.
Dans cette crise, la modification des anticipations joue un rôle puissant. L’ampleur du déstockage en est un des aspects. Il est possible que lorsque le retournement sera considéré comme là pour la plupart des acteurs, les anticipations changent également, provoquant une reprise vive. L’OCDE fait aujourd’hui la prévision que la reprise arrive plus vite que prévu il y a quelques mois mais pense qu’elle ne sera pas forte. Je pense qu’effectivement la reprise va maintenant arriver assez vite et qu’elle s’accélérera plus vite que l’OCDE le pense aujourd’hui, dès 2010. Pourquoi ? parce que les entreprises sont devenues depuis 30 ans de plus en plus réactives et que les différentes phases du cycle économique sont pour cela, plus marquées : les récessions comme les reprises sont plus fortes.
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