Le salaire des femmes reste largement inférieur à celui des hommes, malgré de nombreuses lois sur le sujet et les performances scolaires des filles. Confrontés à cette réalité, les hommes sont capables de trouver toutes les explications possibles pour ne rien changer.
Je travaille actuellement sur la rémunération de la maîtrise opérationnelle supérieure d’une grande entreprise. Les études que j’ai menées ont montré que les grandes différences de salaires observées s’expliquaient avant tout par la différence des périmètres de responsabilités, ceux-ci pouvant dans ce cas être mesurés de manière quantitative et précise. J’ai aussi regardé la différence de rémunération en fonction du sexe. Il apparaît qu’alors que le périmètre moyen est quasiment le même (la différence observée devrait engendrer une différence de salaire inférieure à 1%), les hommes gagnent en moyenne 16.5% de plus que les femmes.
Cette différence n’est malheureusement pas spécifique à cette entreprise ou à cet emploi, encore qu’il n’est pas toujours possible de montrer aussi précisément que les différences sont indépendantes d’autres variables (par exemple les spécialités choisies).
Je présentais ce résultat à un groupe de pilotage du projet comprenant des responsables opérationnels de haut niveau et des représentants de la DRH. Il se trouve que les premiers étaient tous des hommes et que les seconds étaient toutes des femmes (ce qui n’est pas non plus inhabituel).
La DRH a embrayé sur le cas des salariés les moins qualifiés de l’entreprise, dont une étude récente sur le thème de l’égalité homme femme a montré qu’il s’agit essentiellement de salariées. En pratique, il y a un passage possible de la catégorie la plus basse à celle qui est juste au dessus, passage qui est utilisé prioritairement par les hommes, permettant à ceux-ci d’être beaucoup moins représentés parmi la catégorie la plus basse. La DRH concluait qu’il faudrait faire un effort pour rééquilibrer le rapport homme femme dans ce passage.
C’est alors que les hommes présents se sont employé à justifier cet état de fait en en renvoyant la responsabilité aux femmes concernées, pour la plupart des immigrées. Selon eux, ces personnes étaient dans une culture où l’homme est prioritaire, et donc elles se refusent à prendre la place que pourraient prendre un homme, ou elles refusent de prendre des responsabilités. Cela a duré bien dix minutes comme cela, les justifications étant renforcées quand les femmes de la DRH essayaient de porter la contradiction.
Il y a ici bien sûr un réflexe naturel qui consiste à essayer de se justifier quand on sent une remarque comme un reproche (après tout, ce sont les opérationnels qui sur le terrain proposent les changements de poste aux salarié(e)s. Mais au-delà, il y avait aussi l’affirmation tranquille d’un machisme ordinaire, avec tant qu’à faire le petit relent de racisme qui va bien. On peut penser que la DRH saura faire avancer la cause des femmes sur la durée, mais on comprend après une telle discussion pourquoi il y a encore du chemin à faire !
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