Les événements actuels à Téhéran montrent de manière crue que le droit de vote n’était qu’un paravent devant ce qui n’est en réalité qu’une dictature. Maintenant que Ali Khameini a jeté le masque, l’opposition se trouve confrontée à un cruel dilemme : renoncer aux réformes et à son programme ou prendre le risque du bain de sang et de la guerre civile
Il est vrai que le titre même donné à Ali Khameini, successeur de l’iman Khomeini, ne pouvait guère laisser de doute. En roumain, on pourra traduire Guide par « Conducator », en italien par « Duce », en allemand par « Führer ». La possibilité donnée au peuple d’orienter les choix du pays était très largement contrôlée, puisque le Guide détenait de très nombreux pouvoirs (qui lui ont permis d’empêcher le président Khatami de mener des réformes) et que les gardiens de la révolution choisissaient ceux qui avaient le droit de se présenter à chaque élection.
Mais ce masque de l’apparence de la démocratie est tombé avec cette élection présidentielle. Il est difficile d’imaginer que 63% des iraniens ont voté pour le président sortant, mais qu’il faille menacer d’un bain de sang ceux qui ne représenteraient qu’un gros tiers de la population ! Face à une fraude qui n’a donc pu être que massive, à un soutien affirmé à l’un des candidats de la part d’un guide théoriquement indépendant, le régime ne peut plus être considéré comme légitime par ses opposants, dont on a toutes les raisons de croire qu’ils représentent la majorité de la population.
Il est vrai que cette république islamique est bien divisée, puisque les dirigeants au pouvoir n’ont pas réellement le soutien des plus hautes autorités religieuses du pays, à l’image d’un Montazeri assigné à résidence depuis longtemps.
J’étais étudiant au moment de la révolution des œillets au Portugal, et je me souviens de la remarque d’un de mes professeurs, notant une différence entre les dictatures de droite, où un espoir d’en sortir existait, et les dictatures communistes qui paraissaient irrémédiablement fermées. Une quinzaine d’années plus tard, les faits lui donner tort, avec la chute du mur de Berlin.
Il me semble que de la même manière, le régime iranien actuel est maintenant condamné à terme. Dans ce pays qui a connu une révolution démographique foudroyante (passage de 6 à 2 enfants par femmes en 15 ans !), la force de la scolarisation des filles (qui explique en grande partie cette révolution) et la disparition progressive de la culture patriarcale au sein des familles, ont marqué les jeunes générations, celles qui ont maintenant moins de 25 ans, dont les parents oint fait le choix de limiter leur descendance. On ne voit pas comment ce changement profond pourrait être compatible avec les pratiques moralisatrices des dirigeants et des milices qui leurs servent de bras armé. L’argent du pétrole cher, largement utilisé par le président sortant, peut repousser l’échéance, pas changer la donne de fond
Les événements actuels sont de nature à transformer la demande de réforme, portée par Moussavi en demande de révolution, de remise en cause radicale du régime. En se crispant sur son soutien à la faction la plus radicale, le guide de la révolution a pris le risque que ce ne soit pas le président sortant qui soit mis en cause, mais le régime lui-même
Si le régime me parait donc condamné à terme, il est impossible de savoir ce qui va se passer dans l’immédiat. Et si l’appui du démocrate français va spontanément à ceux qui contestent la fraude, le risque d’une sanglante guerre civile est tel qu’il est difficile de savoir ce que l’on doit souhaiter aux iraniens pour aujourd’hui.
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