60% des iraniens ont moins de 30 ans, nous répètent à l’envie tous les journaux, pour souligner l’importance de la jeunesse. Mais ce ne sont pas les enfants qui manifestent. Ils ne sont d’ailleurs pas très nombreux. La transition démographique foudroyante qu’a connu l’Iran à la fin du 20ème siècle fait que 50% des iraniens ont entre 10 et 30 ans, les 15/25 ans représentant à eux seuls plus du quart de la population.
Le Monde ayant noté hier soir en bas de page 7 que « 60% des iraniens ont moins de 20 ans, cette erreur émanant de Reuters, je me suis demandé si le chiffre de 60% de moins de 30 ans n’était pas faux lui aussi, reflet d’une réalité dépassée depuis 10 ou 20 ans
J’avais tort : il y a bien environ 60% de moins de 30 ans en Iran. Mais la pyramide des âges y est très spéciale : alors qu’il y avait environ 1,8 millions de naissances par an il y a 20 ans, leur nombre a baissé à environ 1,2 millions il y a quelques années, pour remonter légèrement depuis, en raison d’une augmentation très importante du nombre de femmes en âge de procréer, reflet de la très forte fécondité il y a 30 ans.
L’Iran a en effet connu une transition démographique foudroyante, accomplissant en 15 ans seulement ce que le Maghreb a mis 40 ans à réaliser. Ce dernier a vu le nombre d’enfants par femme baisser d’un peu plus d’une unité par décennie, passant ainsi d’un modèle à 6 enfants environ par femme au début des années 60 à un peu plus de 2 enfants par femme actuellement.
Ce parcours pourtant rapide, l’Iran l’a donc parcouru plus de deux fois plus vite : 6.4 enfants par femme en moyenne en 1986 et 10 ans seulement plus tard, en 1996, seulement 2.8 , puis 2,0 en 2000, et moins de deux aujourd’hui (ce dernier chiffre est à mon avis à prendre avec méfiance car il reflète un indice de fécondité immédiat, alors que la population de référence comprend 2 fois plus de 20/25 ans que de 35/ 39 ans).
Cette si rapide transition suppose une évolution extrêmement rapide des mœurs, qui ne colle guère avec l’image habituellement propagée de la femme musulmane condamnée à se consacrer à la fécondité et à l’éducation des enfants. Elle suppose aussi que la transition s’est faite partout en même temps, dans les classes les plus riches comme dans les plus pauvres, dans les grandes villes comme dans les campagnes.
A ce propos, il faut se méfier du discours opposant les classes riches et ou cultivées de Téhéran qui soutiendraient l’opposition et les classes plus pauvres et moins cultivées des campagnes qui soutiendraient le président sortant. La manière dont s’est faite la transition démographique il y a 20 ans prouve au contraire une grande unité. Et ceux qui n'en sont pas convaincus noteront aussi que les deux tiers de la population est urbaine : les campagnes n’en regroupent qu’un tiers.
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