La ville allemande d’Hildesheim a décidé de faire nettoyer les classes par les élèves pour faire des économies de personnel alors que sa situation financière est catastrophique. La mesure a suscité de fortes réactions, en raison de sa motivation d’abord, le nettoyage de la classe par les élèves étant une pratique courante en Allemagne, en primaire comme au collège ou au lycée.
Le Monde daté de mardi 31 mars, qui nous raconte l’affaire, explique aussi qu’au Japon, il paraît normal que ce soient les enfants qui balaient leur classe, nettoient les toilettes et les abords des bâtiments. On imagine la réaction en France si on proposait de mettre en place une telle mesure !
Dans l’école primaire privée qui a accueilli plusieurs années ma fille, la pratique était de faire participer les élèves à beaucoup de choses, par exemple en leur donnant la parole lors du conseil du lundi matin ou en leur proposant de faire des exposés sur un sujet de leur choix et de commenter les exposés de leurs camarades. Les élèves qui allaient à la cantine participaient ensuite à la vaisselle.
Apprenant cette situation, un syndicaliste s’était étonné qu’on puisse ainsi « faire travailler les enfants ». Cette réaction me paraît typique de notre pays, où on est scandalisé de demander à un enfant de balayer ou d’essuyer la vaisselle mais où les parents font pression pour que les enseignants du primaire donnent des devoirs et des leçons à leurs élèves en contradiction totale avec les circulaires de l’Education Nationale sur le sujet.
A cet égard, la différence de comportement avec l’Allemagne est typique d’un pays qui méprise en réalité le travail manuel pour louer l’apprentissage des « humanités » et sélectionner les jeunes sur leur capacité en mathématiques, quand l’Allemagne a fait en partie la force de son industrie fortement exportatrice sur ses parcours d’apprentissage.
Au delà de ce rapport particulier au travail manuel, il y a un mythe de l’enfant roi, dont je ne pense pas qu’il prépare les jeunes à devenir des adultes bien dans leur peau et capables de se prendre en charge. On ne sera pas surpris que je puisse considérer que l’éducation ne consiste pas seulement à profiter de ses droits, mais aussi à apprendre à respecter des règles et à comprendre que chacun a aussi des devoirs vis à vis de la communauté : c’est mon coté réactionnaire.
On pourra objecter qu’il faut permettre à l’enfant de vivre sa vie d’enfant, sans vouloir lui faire porter le poids des problèmes d’adultes. Certes, voilà une remarque apparemment pertinente, encore qu’on puisse se demander si ce qu’on lui propose à la télévision ou ailleurs correspond à une vie d’enfant. Mais on peut aussi se demander ce que doit être une vie d’enfant.
Ma femme a proposé plusieurs années de suite à des enfants de 9 ou 10 ans (neveux ou nièces, enfants d’amis), de venir passer une semaine de vacances à Verel. Ils étaient généralement 8 et la proposition comprenait le fait de participer à la vie quotidienne de la maison, notamment en faisant à tour de rôle les menus, les courses, la cuisine, le service de table et la vaisselle. Non seulement cela ne les empêchait pas de répondre positivement à l’invitation, mais plusieurs appréciaient particulièrement de pouvoir faire la cuisine, ce qu’ils n’avaient jamais le droit de faire chez eux.
Alors, ne parlons pas négativement de « faire travailler les enfant », mais de leur donner la possibilité, à leur niveau bien sûr, de participer à la vie collective et de leur donner ainsi le sens des responsabilités. Il y aurait sans doute moins de dégradations dans les classes et de tags sur les murs si les enfants participaient à l’entretien de leur espace,
Encore faut il ne pas dévaloriser cette participation. Comme le faisait remarquer un de mes frères au début de son service militaire : pourquoi nous présenter les corvées comme une punition alors qu’il devrait être normal de se partager le travail à tour de rôle ? Cette conception doit pourtant être profondément ancrée, puisque la journaliste qui écrit l’article du Monde, qui n’a sans doute pas fait de service militaire du fait de son sexe, et qui écrit un article assez neutre, traduit l’activité réalisée par les jeunes allemands dans leur classe, « Fegedienst », par « corvée de nettoyage ». Mon allemand a toujours été très médiocre, mais il me semble que « dienst » veut dire « service ».
Mais peut on valoriser le « service » dans le pays de la « logique de l’honneur », où la « corvée » était due par les serfs au noble seigneur ?
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