Les rois mages chantés plus tard par Sheila, font un passage rapide au début du deuxième chapitre de l’évangile de Matthieu. Au delà du merveilleux qui a souvent retenu l’attention, le texte se prête très bien a une analyse par les mots eux-mêmes, ceux qui nomment Jésus et ceux qui marquent l’action notamment.
Observons d’abord les personnages. Il y a là les mages, dont on ne nous dit pas grand-chose, sauf qu’ils venus d’Orient, Hérode, le roi, avec les scribes et les grands prêtres qu’il va convoquer, et enfin, Jésus, ici avec sa mère. On a l’ingrédient classique des événements qui parsèment les évangiles et qui relatent une rencontre entre Jésus et une ou des personnes. Il y a souvent un entourage à ces rencontres (ici Hérode) mais on peut se centrer sur les personnages qui rencontrent Jésus. Dans ce texte, contrairement à beaucoup d’autres, Jésus ne parle pas.
L’essentiel est donc ce que font les personnes rencontrées et ce qu’elles disent de Jésus, en particulier comment elles le nomment.
Au début du texte, les mages sont déjà en mouvement puisqu’il est dit qu’ils se présentent à Jérusalem, qu’ils sont venus d’Orient (et le terme « venus » est répété un peu plus loin).
Ils parlent du « Roi des juifs », dont ils ont vu « l’astre se lever » et devant lequel ils sont venus « rendre hommage » (d’autres traductions utilisent déjà ici le verbe se prosterner). Rien n’est dit de leurs motivations exactes. Simplement ceci : ce qui se passe ici est suffisamment important pour qu’un astre se lève et que eux se déplacent. Et c’est un roi à qu’ils viennent rendre hommage. Donc naturellement ils viennent à la capitale, Jérusalem.
Et leur venue fait bouger des gens importants, tout Jérusalem est en émoi. C’est qu’on ne plaisante pas avec la royauté et que ces mages ne donnent sans doute pas le sentiment d’être n’importe qui, même s’ils ne sont probablement pas juifs (dès ce chapitre, Matthieu, qui s’adresse prioritairement aux juifs, montre que Jésus n’est pas venu que pour les juifs, et il ne le fait pas à travers un romain, mais à travers des personnes venues d’orient).
On oriente ces mages vers Bethléem, sensée donner naissance à un chef , un berger (un pasteur selon d’autres traductions). Notre roi est devenu un chef, un chef dont Israël sera le troupeau.
Après cette pause dans leur mouvement, pendant laquelle ils se sont renseignés, on dit des mages qu’ils « reprennent la route ».Et ils revoient devant eux l’astre qu’ils avaient vu se lever, qui les devance puis qui vient s’arrêter au dessus du lieu où était l’enfant.
Fin du mouvement, on est arrivé au but du voyage.
Et on ne parle plus de roi, de chef ni même de pasteur, mais simplement d’un enfant.
Cependant, le texte note qu’à la vue de l’astre, les mages « furent remplis d’une grande joie ». On ne sait pas les motivations des mages, mais on note ici ce résultat « une grande joie », ce mot qu’on trouve aussi ailleurs.
Le mouvement n’est pas tout à fait fini : les mages « entrent dans le logis ». Là, ils voient l’enfant, avec Marie sa mère. La présence de Marie accentue le caractère enfantin : on est là devant un bébé, encore avec sa mère. Matthieu raconte plus loin qu’Hérode fait tuer les enfants de moins de deux ans : Jésus est encore à l’âge où sa mère le nourrit au sein.
Les mages tombent à genoux, se prosternent et offrent leurs cadeaux (comme le dit Julos Beaucarne, on ne voit pas bien ce qu’un enfant naissant va faire avec de l’or, de l’encens et de la myrrhe, mais c’est ce qu’ils ont qu’ils offrent).
Et puis c’est tout !
Non, le texte conclu, qu’averti en songe de ne point retourner chez Hérode, ils prirent un autre route (ou repartirent par un autre chemin, selon les traductions).
Ce dernier verset est essentiel
Résumons. Voilà des gens qui ont eu un premier signe (l’astre) qui se sont mis en route, qui ont eu une deuxième information (Bethléem) et qui arrivé là ont été remplis de joie et se sont prosternés devant Jésus. Ils sont alors suffisamment proches de Dieu pour en recevoir une manifestation (la joie puis le songe, une des voies classiques de l’expression divine dans l’ancien et le début du nouveau Testament).
Dans ce qui se révèle donc à la fin comme un mouvement vers le divin, ils vont modifier ce qu’ils disent de Jésus, l’appelant d’abord roi des Juifs, puis chef et pasteur et enfin enfant. Et cette modification, cette conversion, est suffisamment importante pour qu’à la fin en repartant vers leur pays, ils prennent un autre chemin, pour signifier cette conversion.
La plupart des textes de rencontre entre Jésus et une ou des personnes sont bâtis comme cela. La rencontre de Jésus suscite chez ces personnes un mouvement , souvent en deux étapes, qui se traduit par des verbes d’action, de mouvement, et débouche sur un changement de la personne ou de sa façon de vivre (elle est guérie ou elle distribue ses biens aux pauvres, ou etc.). Le changement se traduit aussi par la manière dont est nommé Jésus, qui passe du statut d’une personne simplement renommée au début à celui d’une personne reconnue par celui ou celle qui le rencontre comme le Seigneur ou le Messie.
C’est sur ce dernier point que ce texte de Matthieu fait exception : avant de dire de cet homme qu’il est le Messie, l’évangéliste, en ce début du deuxième chapitre, affirme que ce n’est pas le roi de juifs, du moins sous la forme dont l’attendait Hérode, les scribes et les grands prêtres.
P.S. J’ai eu l’occasion d’étudier de tels textes d’évangiles avec des pré adolescents. Je leur faisais souligner les noms donné aux personnages, les verbes (avec des couleurs différentes, ils s’amusaient comme des petits fous !) puis les comparer. C’était une bonne base pour commencer à comprendre ces textes.
Les commentaires récents