Le Monde se décidant à essayer d’analyser les raisons de ce qui se passe en Grèce, un article pointait ce samedi le fait que les études longues étaient loin de garantir un emploi, à fortiori rémunérateur, et que ce fait était propre à l’Europe du Sud, dont la France.
L’article note trois phénomènes : les études longues débouchent sur le chômage et sur des emplois peu qualifiés, précaires et/ ou mal payés, les étudiants sont coupés du monde du travail, contrairement à ce qui se passe dans l’Europe du Nord, et enfin ils jouent les Tanguy, sauf en France, en restant chez leurs parents jusqu’à 27 ans en moyenne, ce qui peut expliquer la forte baisse de la natalité observée en Espagne, en Grèce et en Italie.
Ces trois sujets sont passionnants et mériteraient tous une longue analyse, je me contenterais d’une petite réflexion sur le deuxième. Mais d’abord un mot sur le premier. Il faudrait d’abord regarder plus précisément qui sont les chômeurs et les mal payés : le taux de chômage des 15/24 ans ne concerne pas par définition ceux qui font des études longues. Ensuite, il faut poser la question de l’orientation. Comme le note Koz, on ne peut à la fois vouloir que chacun puisse choisir complètement librement ses études indépendamment des débouchés et se plaindre qu’il y ait ensuite des difficultés à trouver du travail dans certaines filières !
Revenons donc à la coupure avec le monde du travail. Le Monde note que les pays anglo-saxons ont à cet égard une attitude très différente : le job d’étudiant y est la règle et l’autonomie la norme. En France on réclame des bourses ou un salaire étudiant pour avoir l’autonomie…
La Manu, lancée notamment par Julie Coudry et Laurent Bérail pour créer des liens entre les entreprises et l’université, pointe dans son texte fondateur (qu’il faut lire) le fait que l’espoir que la nouvelle génération irait mieux que la précédente a disparu.
La promesse par laquelle l’éducation et le travail pouvaient donner à chaque génération une prospérité supérieure à celle de ses parents et à chaque individu une opportunité de réussir, a longtemps caractérisé notre société. Cette promesse, qui était un élément fondamental du pacte social, s’est transformée en désillusion. Et, avec elle, c’est l’idée même de progrès qui s’en trouve affectée.
Mais pour changer cela, encore faut il que les étudiants aient un minimum d’idées de ce qu’est le monde du travail, objectif que ce donne la Manu :
Le devenir professionnel est aujourd’hui la première préoccupation des étudiants* et de leurs familles. Il s’agit désormais pour chacun d’entre eux d’avoir les outils, les moyens de faire sa place, celle qui lui correspond, à chaque étape de sa vie dans le monde des études et du travail. Mobiliser le formidable potentiel des étudiants, c’est leur permettre de ne pas avancer à l’aveugle ou à tâtons, et de ne pas leur laisser pour perspective les échecs comme passage obligatoire
On trouve de plus en plus de jeunes qui font ou ont fait leurs études par apprentissage. Pour en côtoyer dans mon équipe, je suis frappé par le fait qu’ils soient très opérationnels dans leur travail, mais surtout nettement plus adultes que ceux du même âge qui sont restés enfermés dans les cocons estudiantins et familiaux. Et, pour en revenir à la question de l’orientation, j’imagine que des jeunes qui commencent à travailler en alternance dès leur première année post bac ont le réflexe de fuir les filières sans débouchés !
Beaucoup dans notre pays restent nostalgiques de mai 68. Cet événement a accéléré des transformations qui étaient déjà en cours, les poussant parfois dans l’excès, les orientant parfois dans une direction qui ne s’est pas révélé à terme très satisfaisante. Mais au-delà de ces résultats, mai 68 est aussi le fruit de la multiplication du nombre d’étudiants, de l’augmentation du temps de césure avant de rentrer dans la vraie vie.
On peut penser que les révoltes étudiantes sont le fruit des difficultés faites aux jeunes : le Monde titre sur le déclassement des jeunes diplômés d’Europe du Sud samedi, après avoir titré vendredi sur la jeunesse grecque désenchantée. Mais on pourrait aussi noter que les positionnements extrémistes adoptés sont le reflet d’une coupure avec la vraie vie, en particulier avec le monde du travail.
Il y a une soixantaine d’années, au moment où mes parents et mes beaux parents se mariaient, être adulte c’était être autonome financièrement parce qu’on travaillait, c’était être logé, souvent très mal mais pas chez ses parents, c’était être marié. A l’époque, cela ne se passait que très rarement après 23/24 ans et beaucoup plus souvent avant 20 ans : l’âge de la mère au premier enfant se situe autour de 22 ans au sortir de la guerre.
Aujourd’hui, la jeunesse grecque en grève ne réunit généralement aucune de ces 3 conditions pour être adulte. Doit on s’étonner que cela ne se passe pas bien ?
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