Ils avaient mis en scène une « manif de droite » qui avait fait beaucoup rire. Après d’autres vidéos, ils récidivent aujourd’hui avec l’ANPE. C’est bien fait, c’est assez drôle mais à un niveau de caricature (assumé !) qui montre non seulement les partis pris mais parfois aussi l’ignorance.
Quatre situations sont montrées : celle d’un kiné qui cherche du travail dans la restauration mais se fait recaler, celle d’un ancien garde du corps de le Pen, dont le CV séduit un boucher, celle d’un hardeur refusé comme menuisier et celle d’un chômeur longue durée qui se déclare sans papiers pour trouver du travail dans la restauration au mépris de toutes les règles du droit du travail.
Le propos est clair : stigmatiser une politique qui obligerait à dévaloriser sa formation, à se positionner sur des métiers dont on ne connaît rien, avec des patrons dont les critères ne sont pas liés aux compétences et enfin à accepter des conditions de misères très inférieures aux normes.
La première situation est particulièrement mal choisie : il se trouve que le métier de kinésithérapeute est un métier en tension. Une amie de ma fille qui vient de déménager à publié son CV dans son nouveau département. Résultat : 15 offres reçues en 3 jours, ce qui lui a permis de faire son choix et d’imposer ses exigences.
Il reste vrai qu’il y a du chômage pour des bac +4 ou 5 dans certaines filières. Il est vrai aussi que des jeunes bacheliers s’engouffrent par dizaines de milliers dans des filières dont on leur dit qu’elles sont bouchées. Il leur est possible de se positionner ensuite sur d’autres métiers (mais c’est évidemment plus difficile que pour celui qui a fait la formation ad hoc) : l’informatique a longtemps recruté plus large que la formation normale, par manque de candidats. Mais on ne peut pas vouloir à la fois refuser le numerus clausus dans les filières de formation et la nécessité de chercher du travail en dehors de sa formation !
C’est clairement la situation qui m’a le moins convaincu.
Je ne discuterais guère la deuxième situation : les enquêtes de discrimination ont abondamment montré que certains patrons recrutent sur des critères qui n’ont rien à voir avec les compétences. Mais les patrons qui réclament à leur agence d’intérim des « bleus blancs rouges » ne sont pas forcément pour autant prêt à prendre n’importe qui !
La troisième situation évoque la situation du bâtiment (situation qui soit dit en passant est peut être en train de changer radicalement). On y trouve les métiers les plus en tension et les employeurs réclament des bras, qu’ils recrutent en partie à l’étranger (ah, le fameux plombier polonais !). Les chômeurs ne sont pas pour autant tentés par des conditions de travail difficiles (intempéries notamment, et travail physique dur pour les manoeuvres). Le problème est que les métiers du BTP en tension ne sont guère les métiers de manœuvre, mais plutôt les métiers qualifiés. Ceci dit, celui qui est prêt à apprendre un de ces métiers et qui en a le potentiel, trouvera des entreprises prêtes à le former.
Dernière situation, la restauration et ses sans papiers. Il est de notoriété publique que les restaurateurs ont du mal à recruter, et qu’on trouve dans la restauration de nombreux étrangers, avec ou sans papiers. Les conditions de travail en sont une des raisons, notamment les horaires atypiques. Une autre raison est la saisonnalité d’une grande partie des emplois. Il ne faut pas non plus sous estimer la difficulté du travail : si le métier de plongeur ne demande guère de qualification, il n’en est pas de même du travail en cuisine ou au service.
Il est probable que certains restaurateurs profitent des sans papiers pour les payer au noir. Une enquête de la CFDT montrait récemment les très nombreux abus vis-à-vis des jeunes travailleurs dans les zones de tourisme estival. Mais ce n’est pas le cas de la majorité, en particulier dans les employeurs permanents qui ont évidemment moins de facilités de tourner les lois : il me semble notamment avoir entendu les défenseurs des sans papiers faire remarquer ceux qui travaillent et payent leurs cotisations. Il faudrait savoir !
Au final, certaines observations qui touchent assez juste, au-delà de la caricature, d’autres qui me paraissent révéler un manque de connaissance de la situation réelle. Bien sûr, la caractéristique de ce genre de vidéo est de faire dans la caricature pour dénoncer des situations. Mais il y a un fossé entre caricature et préjugés idéologiques, et il me semble que ce fossé a été franchi plusieurs fois ici.
Et surtout, il me semble que la question n’est pas de justifier par les excès de certains employeurs le refus de remettre ses exigences en question pour trouver un travail. On peut lutter contre les excès des patrons et demander à certains chômeurs (ils sont loin d’être tous pareils) d’être plus en réelle recherche d’emploi en échange de leur indemnisation.
Il est vrai que des intermittents du spectacle peuvent avoir du mal à comprendre que donner des droits ne supprime pas l’idée d’avoir un minimum d’exigence, eux qui ont défendu mordicus un système qui permettait à leur catégorie de recevoir 10 fois plus de l’UNEDIC qu’elle ne leur verse
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