Ce matin je découvre en même temps sur le quai que le RER B est en grève et les raisons de la grève dans le gratuit que je viens de ramasser. Une demi heure de retard chez le client après l’entassement dans le métro ne me font pas regarder avec bienveillance des raisons qui ne me paraissent pas particulièrement légitimes !
Le RER B est géré par la RATP dans Paris et par la SNCF en dehors de Paris. Les deux réseaux sont cependant interconnectés, c'est-à-dire que c’est la même voie qui se continue et que les trains continuent leur trajet en sortant de Paris ou en y entrant. Mais de temps en temps, l’interconnexion est rompue pour des raisons diverses, comme les transporteurs en font l’annonce, Evidemment, le voyageur provincial se demande vraiment ce que cela peut signifier !
En pratique, cette interconnexion se traduit par un changement de conducteur : à Gare du Nord par exemple, le conducteur SNCF venu de banlieue laisse sa place à un conducteur de la RATP.
Cette opération conduisant à un arrêt prolongé de quelques minutes dans la gare, les deux réseaux ont imaginé, pour améliorer le service aux voyageurs (quelle idée saugrenue !), de faire conduire les trains par un seul conducteur. L’organisation prévue ne modifie pas la durée quotidienne de travail mais les transporteurs ont malgré tout prévu l’octroi d’une prime annuelle de 1000 euros. Et une expérimentation est en cours sur 4 trains par jour pour être bien sûr que tout se passera bien.
Les conducteurs et leurs syndicats ne l’ont pas entendu ainsi. Ils ont donc fait grève aujourd’hui. La raison invoquée est que les 10 jours de formation prévus pour les conducteurs ne sont pas suffisants : comme chacun sait, la protection du service public est la seule motivation des grèves dans les transports.
Au-delà de l’énervement spontané de « l’usager », essayons de prendre un peu de recul et de comprendre.
Quel est le but de l’opération ?
Première possibilité : empêcher le changement visé. Par principe, et parce que les syndicats du public, et en particulier ceux des entreprises de transports, sont devenus au fil du temps extrêmement conservateurs et refusent tout changement.
Deuxième possibilité que l’on gardera pour la suite comme hypothèse : pour obtenir des avantages à l’occasion de ce changement, sur les salaires ou la durée du travail.
Pendant les trente glorieuses, la posture du principal syndicat qu’était la CGT consistait à accepter les changements qui conduisaient à des gains de productivité en échange d’augmentations des salaires et des classifications. Certains parlaient de partager les fruits de la croissance, mais en pratique c’est à peu près la même idée.
Aujourd’hui, la faiblesse des gains de productivité laisse beaucoup mois de fruits à distribuer. Dans le cas présent, les sociétés de transports ne gagneront sans doute pas grand-chose : un temps de transport diminué mais qu’on ne pourra guère faire payer, peut être la possibilité de faire passer plus de trains en périodes de pointe. On se demande déjà comment on va payer les 1000 euros de prime.
De toutes manières il n’est plus question de gains de productivité (un ancien de la RATP m’a dit qu’il y avait une marge d’au moins 30% pourtant) : accepter les organisations plus productives, c’est détruire de l’emploi, ce qu’un syndicaliste responsable ne peut accepter en période de chômage.
Evidemment, cela n’empêche pas les mêmes de réclamer des augmentations du pouvoir d’achat, soyons sérieux tout de même.
La réalité est très prosaïque : les syndicats des transports parisiens profitent de leur position de force et de leur capacité de nuisance. Comme les syndicats du Livre en leur temps, les députés en tous temps ou les vendeurs de logements en période de pénurie.
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