Le vote de la loi sur le temps de travail a donné lieu à des commentaires délirants. L’article de Libération ce matin à propos des cadres en est un bon exemple : on dénonce des risques qui existent surtout dans les fantasmes du journaliste sans connaître les possibilités offertes par le système antérieur et sans voir les risques réels.
Rappelons que le texte met en avant des limites et des modalités permettant de les atteindre ou de les franchir :
Le nombre de jours travaillés dans l'année fixé par l'accord collectif ne peut dépasser 218 jours (Art. L. 3121-44),
Le salarié et son employeur peuvent se mettre d’accord pour une durée annuelle supérieure, dans la limite de 235 jours
Cette limite peut être dépassée en cas d’accord d’entreprise. La limite fixée par celui ci est alors au maximum celle de la norme européenne soit 282 jours.
Comme on le comprend, l’accord avec le salarié peut aller plus loin que l’horaire collectif et l’accord d’entreprise peut déroger à la convention de branche.
Libération ne croit pas que les syndicats accepteront de signer de tels accords ni que les cadres accepteront d’aller trop loin. Le quotidien a heureusement compris que les tensions sur le marché du travail pouvaient être favorables aux cadres dans le rapport de forces sur ce sujet. Mais il en tire une conclusion erronée : rien ne dit qu’on ne trouvera pas des cadres qui seront désireux de « travailler plus pour gagner plus » et qui profiteront des tensions du marché du travail pour cela. Et dans des entreprises moyennes, on pourra trouver des syndicats pour approuver cette mesure : puisque des cadres font déjà ces jours, autant qu'ils soient payés pour cela. Comme je le dis dans un commentaire sur l’article précédent, j’ai vu des cas où c’est le syndicat local et le salarié qui poussent aux heures supplémentaires contre l’avis de la direction ! Protéger les cadres contre eux même est une vraie question
Par contre, Libération imagine des entreprises qui dénonceront un accord à 207 jours pour passer à 218 jours. On ne voit vraiment pas pourquoi une entreprise aurait fait le choix de 207 jours quand elle a fait son accord si elle voulait plus alors que la limite était déjà à 217 et on remarquera que la dénonciation était possible avant le vote de la loi : celle-ci ne change rien à ce sujet !
Libération relève la porte ouverte jusqu’à 235 jours individuellement pour un cadre. Si le journaliste avait un peu étudié la question, il aurait noté que le compte épargne temps institué par les lois Aubry permettait déjà d’épargner tous les ARTT et une semaine de congés ce qui fait un maximum de 233 jours. Certes il y a deux jours de plus, mais le changement réel est venu de la possibilité de sortir du CET en argent et non en temps, possibilité qui s'est construite progressivement sur des lois précédentes.
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