Une loi pour obliger à accepter des emplois pourris ou pour remettre au travail des chômeurs peu motivés? Le débat qui fleurit sous cette forme a-t-il des chances de produire autre chose que des noms d’oiseaux? La loi a-t-elle un objectif symbolique ou débouchera-t-elle sur des radiations massives et des emplois sous payés?
J’ai expliqué ici, au moment de l’annonce du projet, que non seulement les autres pays d’Europe avait une règle de ce type, mais que c’est déjà le cas de la France : comme le note un des derniers commentateurs chez Hughes, l’enjeu est peut être simplement que les règles existantes soient appliquées. Mais puisque l’à priori de cette loi est qu’il y a des chômeurs peu pressés de trouver du travail, étudions cette question ! Dans ma vie professionnelle, j’ai pu rencontrer deux catégories de faux chômeurs et vrais fraudeurs des ASSEDIC. D’abord, des demandeurs d’emploi ayant trouvé un travail et négligeant de la signaler à l’UNEDIC, histoire de toucher quelques mois de plus les indemnités. Dans le cas où j’avais rencontré cette situation (suite à un plan social), le phénomène était certes minoritaire mais néanmoins asse massif. Je ne crois pas que ce soit une situation généralisée mais on comprend mieux après cela pourquoi il y a des radiations importantes à l’ANPE. Le rapprochement de l’ANPE et de l’UNEDIC dans un seul service public de l’emploi devrait en partie diminuer le phénomène Le deuxième cas concernait des maçons, donc un métier particulièrement en tension. Des travailleurs en CDD (ou intérimaires) refusaient les offres d’emploi en CDI qui leur étaient faites. Pour certains, la raison en était le goût de la liberté. Pour d’autres, la raison était plus prosaïques : ils pouvaient ainsi profiter de quelques mois d’indemnités pour prendre des congés supplémentaires, en sachant qu’ils n’auraient aucun mal à retrouver du travail; Il est probable que les plus actifs profitaient de cette période de chômage indemnisé pour travailler au noir. Il est clair que ce deuxième cas cible une population très particulière : un métier en tension où il y a une demande de travail au noir. On notera qu’effectivement, il n’est pas difficile à l’ANPE de trouver pour un tel métier des offres valables d’emploi mais que la loi n’empêche pas une courte fraude. Écartons donc le cas un peu anecdotique des fraudeurs pour nous intéresser à ces chômeurs peu pressés de trouver du travail. Le fait d’indemniser les chômeurs est un élément essentiel de la sécurisation des parcours professionnels. Mais cela peut envoyer un message contre productif : ne vous pressez pas de chercher, vous êtes indemnisés pour 23 mois ! Le fait qu’une part assez importante des chômeurs entendent ce message d’attente est une réalité. Or, si ce n’est pas bon pour les finances de l’UNEDIC, ce n’est pas non plus bon pour eux. Plus le temps passe, plus le chômeur s’éloigne de fait de l’emploi et moins les entreprises ont envie de le recruter. Une étude européenne (dont je me suis promis de faire des articles mais qui traîne dans mon ordinateur) montre notamment qu’au-delà de 14 mois de chômage, il devient très difficile de trouver un travail. Autre problème : les salariés licenciés cherchent assez naturellement un emploi semblable à celui qu’ils ont perdus. Or, dans certains cas, ce type de métier est en décroissance et il leur faut en chercher un autre. Ce qui demande une prise de conscience de la réalité du marché de l’emploi pas facile à faire. Exemple : à la fermeture de Moulinex, certaines femmes travaillant à la chaîne se sont reconvertis dans des métiers d’aide soignante, plus porteurs. Une autre situation, dont on voit la trace dans le projet de loi, est celle où l’emploi perdu est nettement mieux payé que le marché pour des emplois du même type. Il n’est pas facile pour les personnes concernées d’accepter (et même simplement d’évaluer) la situation. On l’a vu lors de la fermeture de sites de Danone qui payait environ 25% de plus que le marché. Sans aller jusqu’à des écarts aussi importants, les grands groupes (ceux qui licencient) ont généralement des salaires plus élevés que les PME (celles qui embauchent). Mais le problème majeur est celui que j’évoquais dans le titre: en réalité, il y a peu (voire pas) d’emploi valable offert! L’une des conditions majeures pour décrocher un emploi est la motivation. D’abord motivation pour en chercher, parce que la personne la mieux placée pour trouver un emploi, c’est le demandeur lui-même (le travail de rabatteur que peut faire l’ANPE n’est pas inutile mais ne peut en aucun suffire. Ensuite parce que la motivation est un des critères majeurs des recruteurs. Je discutais hier avec un chargé de recrutement d’une entreprise d’intérim qui cherchait des manutentionnaires. Premier critère : la motivation. Pour tenir les cadences bien sûr; mais aussi pour être là tous les jours, et à l’heure en plus! On comprendra qu’il n’est pas difficile pour un demandeur d’emploi d’éviter qu’une OVE se transforme en contrat de travail : il suffit de se montrer sous son plus mauvais jour. C’est du moins la théorie : je ne pense pas que beaucoup calculent jusque là !
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