Les partenaires sociaux devraient se réunir à Bercy le 6 mai pour plancher sur l’assurance chômage. A cette occasion devrait être évoquée la notion d’offre valable d’emploi (OVE) et l’idée qu’un ou deux refus d’une telle offre pourrait conduire à la perte des allocations.
La question est en effet évoquée sérieusement par l’Unedic puisqu’on trouve sur le site des Assédic, en date du 27 août dernier, une étude comparative des pratiques européennes en la matière. Il apparaît qu’effectivement tous les pays sans exception, mais selon des modalités variables, interdisent à un chômeur de refuser une offre valable, sous peine de perdre ses droits.
Tous les pays, y compris la France ! Le Code du travail prévoit (Articles L. 311-5 et R. 311-3-5) en effet que
« est considéré comme convenable, et ne peut donc être refusé sans motif légitime, tout emploi, quelle que soit la durée du contrat de travail proposé, compatible avec la spécialité ou la formation antérieure de l’intéressé, avec ses possibilités de mobilité géographique compte tenu de sa situation personnelle et familiale et des aides à la mobilité géographique qui lui sont proposées, et rétribué à un taux de salaire normalement pratiqué dans la profession et la région. Il peut s’agir d’un contrat d’apprentissage ou d'un contrat de professionnalisation. »
Apparemment, le gouvernement voudrait aller plus loin, ou au moins obtenir que la règle soit plus souvent appliquée qu’elle ne l’est aujourd’hui. « Les radiations pour refus d'emploi, plus fréquentes dans les secteurs ayant du mal à recruter, s'élèvent à environ 1.500 par mois, soit 2 à 3% des radiations. Elles restent encore modestes en nombre mais ont progressé au cours des trois dernières années", selon M. Charpy, directeur général de l'ANPE.
A noter que la notion d’OVE est utilisée, en particulier sous la pression syndicale, à l’occasion des PSE (plans de sauvegarde de l’emploi comme on appelle en France sans rire les plans de licenciements). Il est en effet demandé aux organismes d’accompagnement des chercheurs d’emploi d’apporter au moins 2 voire 3 OVE aux personnes accompagnées. A cette occasion est évidemment discutée la définition d’une OVE. La question salariale en est un élément important : ce sont les grandes entreprises qui licencient et les petites qui embauchent, or les salaires sont souvent plus élevés dans les premières que dans les secondes.
Par contre, l'idée de devoir accepter un salaire plus bas ne se pose guère pour les salariés qui sont le moins bien payés, protégés qu'ils sont par le SMIC: c'est la question du temps partiel qui est posée
La question du refus d’OVE renvoie à des questions d’ordre individuelles et collectives.
Sur le plan individuel, il existe forcément tout le spectre d’attitudes vis-à-vis de l’emploi, depuis ceux qui sont désespérés de ne pouvoir trouver du travail jusqu’à ceux qui seraient désespérés d’en trouver un ! On trouvera toujours des cas pour justifier la radiation d’un « faux chômeur » et des cas pour montrer l’injustice d’une telle mesure.
Sur le plan collectif, on peut également entendre les deux discours : celui consistant à souligner qu’il existe des tas d’offres d’emploi qui ne trouvent pas preneurs, soit sur des métiers en tension, soit dans des bassins d’emploi où le taux de chômage est vraiment bas (- de 4% pour les mieux dotés). Et celui consistant à comparer le nombre d’offres et le nombre de chômeurs, pour souligner qu’il n’y a pas d’emploi pour tous.
Le plus compliqué dans cette histoire, c’est que la situation varie aussi dans le temps. Entre la situation de 1995 avec un chômage conjoncturel élevé et la situation de 2000 où le chômage se réduisait presque à sa composante structurelle, comment peut on trouver une logique de traitement du chômage et des chômeurs commune ?
Comme je le faisais remarquer ici, le chômage structurel ne baisse pas. Faut il le combattre à coup de mesures de rétorsion au risque de commettre des excès ?
Il me semble que la priorité est de créer des emplois par une politique vigoureuse d’offre, et de profiter de la baisse du chômage conjoncturel ainsi obtenue pour favoriser une meilleure adéquation de l’offre et de la demande. Il est possible que l’un des outils d’action soit la demande d’accepter des OVE. Mais cela ne peut être la plus importante, son efficacité étant forcément limitée. Il y a un enjeu majeur à mieux accompagner la recherche d’emploi ou à organiser les parcours de reconversion !
Un mot pour finir: c'est très souvent une erreur de refuser un emploi. S'il ne vous convient guère, il vaut mieux le prendre provisoirement et continuer à chercher. J'ai vu un de mes amis refuser au bout de deux mois de chômage un travail dans ses compétences mais nettement moins payé (les Assédic étaient supérieures): il est resté ensuite 2.5 ans au chômage. Dans le même temps, une de mes collègues dont la boîte fermait a accepté provisoirement un travail qui ne lui convenait guère tout en continuant à chercher et elle l'a abandonné au bout de 2 mois pour venir chez nous. Je n'ai pas de doute sur la personne qui avait choisi la méthode non seulement la plus raisonnable mais aussi la plus efficace!
Dit autrement, pousser un demandeur d'emploi à accepter une OVE même peu satisfaisante, c'est souvent lui rendre service et lui remettre le pied à l'étrier, au lieu de le laisser s'enfoncer dans une situation souvent déstructurante.
On peut lire sur ce même sujet, les points de vue opposés de Radical chic et d'Authueil.
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