Ségolène Royal n’a pas tiré d’enseignements de l’opération Désir d’Avenir, ou plutôt elle n’a retenu que ce qui l’arrangeait. Lancer un débat intitulé participatif ne fait pas réellement avancer la réflexion mais puisque c’est bon pour sa côte et le regroupement de ses troupes, pourquoi s’en priver ?
On pouvait à la rigueur excuser l’amateurisme en terme de participation des débats lancés sur Internet par la candidate, au moment où il fallait sortir des vieilles habitudes pour secouer la maison socialiste. Bien sûr, des tas de gens ont pu s’exprimer, réagir au point de vue d’un autre pour le contester, l’approuver, l’enrichir ou le préciser.
Mais il n’y avait là aucune construction collective : simplement un amoncellement d’opinions qui pouvait permettre à la candidate de dire n’importe quoi ou son contraire sur n’importe quoi et dire que cela sortait des débats participatifs. Sans bien sûr aucune transparence dans la manière dont étaient sélectionnées les idées à utiliser ou non.
L’ancienne candidate socialiste à la présidence de la République, celle qui a promis à ses partisans de les mener vers « d’autres victoires », veut maintenant prendre la suite de son ancien conjoint à la direction du Parti Socialiste. Pourquoi pas ? après tout, il n’y a pas de personnalité évidente pour cela, maintenant que DSK est au FMI et que L Fabius a fait le choix du « non ». Et il faut bien admettre que l’ancienne candidate a fait bougé les lignes et remis en cause des a priori.
Mais puisque cela a marché, elle recommence la méthode du dialogue sur Internet, avec un nom qui laisse pantois. Alors, j’ai voulu aller voir si elle était sortie de l’amateurisme ou pas en terme de construction participative. La première impression donnée par la liste des 10 questions n’était vraiment pas encourageante. Comment peut on faire une production collective avec une telle entrée ? J’ai cependant voulu aller plus loin et je me suis inscrit, ce qui m’a permis d’analyser un peu plus la production actuelle.
Quantitativement, le résultat est honorable : 1380 messages. A comparer aux 3 ans mis par Eolas pour avoir 50 000 commentaires. Journal d'un avocat a sans doute plus de succès par jour que le site participatif de Ségolène Royal. Mais il est vrai qu’il y a un seul Eolas (qui ne semble pour l’instant pas prétendre à devenir président de la république !)
Là où cela se corse, c’est quand on voit comment se répartissent les messages : en 512 sujets de discussion ! Soit environ 2.5 messages par sujet (dont le premier qui ouvre le sujet). Donc en réalité très peu de débat. Evidemment des messages de qualité diverses mais il faut reconnaître que c’est assez inévitable.
Le parti socialiste avait jusqu’à présent un système de construction collective qui, au-delà de l’existence de diverses commissions permanentes, reposait sur le mécanisme des contributions au Congrès : d’abord des contributions diverses puis, après discussion, plusieurs motions sur lesquelles se faisaient le vote. Le système, qui avait sa logique, produisait des résultats de valeur variable, la compétition entre leaders en réalité proches sur le fonds, ne facilitant pas la réflexion réelle. D’où l’idée de conventions ou de séminaires sur un thème particulier. Mais tout cela ne fait pas facilement une pensée cohérente.
Il est vrai qu’une pensée cohérente c’est plus utile pour gouverner que pour gagner les élections. Et que les autres partis ne font guère mieux.
Le vrai défi, c’est de mener une démarche qui conduise à un contenu (un programme par exemple) qui soit à la fois au niveau des défis de 2010 ou 2012 (et non sur les idées de 1950 ou 1970) et qui soit partagé et porté par les militants / adhérents.
Cela mérite effectivement de faire du participatif !
Mais pas comme cela !
D’abord il faut raisonner en trois temps : état des lieux, diagnostic/orientations, solutions.
Et à chaque fois, construire d’abord avec des experts puis enrichir valider corriger avec tous avant de passer à l’étape suivante.
Ce qui veut dire que les dirigeants ont un rôle important de proposer des orientations, des choix. Mais cela on l’a de toutes façons : la décision de S Royal de 10 questions et pas d’autres, c’est un choix.
Ce que je dis n’a rien de révolutionnaire : c’est, au moins pour la première partie (état des lieux / diagnostic) ce qu’on fait avec les livres blancs. Ou ce qu’a fait le COR sur les retraites.
Et j’invite ceux qui seraient dubitatifs ou qui me dénieraient le droit de parler de ce genre de sujet à lire ma série sur la conduite du changement, en particulier le dernier article
PS Versac signale le lancement du site de Delanoe qui me parait partir sur de moins mauvaises bases avec semble t'il la volonté de commencer par un état des lieux ...mais attendons de voir!
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