Les professeurs, l'ensemble des salariés ont ils besoin d'être motivés, et si oui, qu'est ce qui contribue à leur motivation? Je me suis engagé à traiter cette question dans mon article précédent, sans préciser si cela participe de la valeur de ces professeurs, de ces salariés, ou si tout simplement ces deux questions doivent être traitées conjointement quand on réfléchit au mode de reconnaissance en particulier pécuniaire.
La question de la motivation au travail (mais on pourrait aussi parler d'engagement) est invoquée quand on parle d'absentéisme, de volume produit, de fidélisation (du fait que les salariés restent dans l’entreprise ou non) ou de qualité du travail. Si le concept de motivation peut paraître flou (de quoi parle t'on exactement ?) on peut au contraire mesurer précisément l'absentéisme, la fidélité (à travers le turn-over), le volume et la qualité du travail produit. Que la motivation ait à voir avec ces questions, c'est évident, mais dans quelle mesure, comme chacun sait, cela dépend...Cela dit, cela n'a guère d'importance car pour l'employeur, c'est le résultat qui compte!
Dans les années 70, les entreprises tayloriennes, et en particulier celles qui l'étaient le plus à savoir les entreprises automobiles, ont été confrontées de la part des ouvriers les moins qualifiés, à un absentéisme très important. Les réflexions sur le travail en miettes, les efforts pour donner plus d'intérêt au travail en le recomposant, les expériences menées notamment par Volvo avaient pour objectif de diminuer l'absentéisme en rendant le travail plus intéressant. Depuis le temps a fait son oeuvre et les organisations dans l'automobiles sont devenues plus sophistiquées, plus exigeantes aussi en terme d'engagement dans la qualité du travail rendu. Il n'est pas sûr que l'absentéisme ait diminué mais la qualité s'est clairement améliorée (ceux qui n'ont pas réussi dans ce domaine ont disparu).
Aujourd'hui, l'absentéisme est en particulier un absentéisme maladie. Les comparaisons internationales ne sont pas vraiment favorables à la France et ne donnent pas le sentiment que ces absences correspondent toutes à de vraies maladies. Le rapport Gissler sur les indemnités maladies, a ainsi montré en 2003 que la proportion de journées perdues pour fait de santé était de 7.2 % en France contre 5.8% aux Pays Bas, 3.3% en Belgique, 4.2% en Allemagne et 2.0% aux USA. Le rapport donne la moyenne des indemnités maladies au niveau national (9.9j) et par département et explique les écarts par la moyenne d'âge et les métiers exercés, sauf pour le quart sud est de la France où il n'y a pas d'explications. On découvre ainsi que les trois départements qui ont le plus fort absentéisme maladie sont la Haute Corse(18j), les Bouches du Rhône(15.4j) et la Corse du Sud(15.1j).
Il n'existe pas de statistiques globales équivalentes pour le secteur public (l'IFRAP signale des chiffres élevés mais on connaît le point de vue polémique de cet organisme). Une étude de Dexia dans la fonction publique territoriale montre que l’absentéisme pour raison de santé a été en augmentation au tournant de l’an 200 et s’est stabilisé (7.8% en 2006, 8% en 2003 contre 6.1% en 1998). C’est en partie une conséquence du vieillissement, mais ce que j'ai eu l'occasion de voir dans le public montre que l'absentéisme peut y être beaucoup plus élevé, pouvant parfois atteindre le double (ou plus) des 9.9 jours du privé. Les cadres A ayant généralement un absentéisme plus faible que les autres catégories, on se gardera d'en tirer des conséquences pour les professeurs. On notera au passage que le fait d'avoir des déroulements de carrière assez important à l'ancienneté ne semble pas préserver les fonctionnaires d'un certain sur absentéisme. Sans doute parce que les agents, faute d’un management adéquat, ne voient plus bien le sens de ce qu’ils font.
Sur la question de la fidélisation, il ressort de différentes enquêtes que les causes de départ (essentiellement dans le privé cette fois) peuvent être liées à la rémunération, aux perspectives de carrière et enfin au travail au sens large (contenu, environnement, ambiance et management).
Une rémunération nettement au dessus du marché est un facteur important de fidélisation. Le très faible taux de turn-over d'une entreprise comme Total (de l'ordre de 0.3% par an de départs hors retraites) s'explique évidemment en partie ainsi (mais la taille de l'entreprise fait aussi que les perspectives d'évolution y sont variées). Cette fidélisation par les hauts salaires a parfois des effets pervers quand les salariés ne quittent pas un travail où ils sont mal car ils perdraient en salaire (et au bout d'un moment car ils perdent en employabilité): j'ai déjà rencontré ce cas.
De la même manière, une perspective d'évolution assurée grâce à des mécanismes de promotion par l'ancienneté est un facteur de fidélisation. Mais pas forcément de motivation.
Mon expérience (évidemment limitée) est que les évolutions de carrière par ancienneté ne sont pas considérées comme de la reconnaissance par les personnes concernées, justement à cause de leur caractère automatique. Il est important ici de ne pas confondre fidélisation et motivation au travail: la rémunération à l'ancienneté incite à rester, pas à bien travailler.
Lors des grèves de 2003 contre la loi Fillon, on a pu entendre des professeurs (en particulier des jeunes) expliquer que prolonger leur carrière de 37.5 ans à 40 ans était insupportable. A les écouter, on pouvait légitimement se demander s'ils étaient heureux dans leur travail (je précise que je vois autour de moi des gens de plus de 60 ans qui aiment suffisamment leur travail pour ne pas avoir envie de partir en retraite).
Pour côtoyer, notamment dans ma famille, pas mal d'enseignants, je constate que leur motivation repose sur un mélange d'éléments: un intérêt pour la matière enseignée, pour les jeunes, la volonté (et le plaisir) de les voir réussir, les horaires souples et ce que cela peut signifier de pratique, notamment pour les mères de famille. Un des aspects importants est certainement l'autonomie qu'ils ont dans leur travail. Mais je n'ai pas le sentiment que les perspectives de carrière jouent un rôle important.
Par contre, il me parait évident que la longueur de la carrière est un facteur de démotivation: il y des profs quinquagénaires qui, à défaut d'avoir encore le feu sacré, font sérieusement leur métier (j'imagine que c'est la majorité), il y en a même qui restent passionnés, mais il y en a aussi qui ont plus ou moins baissé les bras, qui ne comprennent plus leurs élèves et n'attendent plus qu'une chose: de pouvoir partir en retraite. Et ce n'est pas de prolonger ou raccourcir les carrières (c'est à dire de donner ou non la possibilité de gravir de nouveaux échelons au bout de 20 ou 30 ans de carrière) qui changera quoi que ce soit à cette situation.
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