La candidature de F Bayrou aux présidentielles a suscité un mouvement réel, qui lui a apporté un nombre important de militants, à défaut de lui assurer la présence au deuxième tour. La création du Modem voulait transformer cette dynamique et l’installer de façon durable et importante dans le paysage politique français.
Les législatives n’ont guère été favorables au mouvement en cours de constitutions : la plupart des élus UDF ont quitté F Bayrou pour fonder le Nouveau Centre et F Bayrou se retrouve très seul à l’Assemblée Nationale. D’autre part les scores obtenues par les candidats fidèles sont assez nettement en deçà du très encourageant score obtenu en avril.
Le résultat des municipales montre un nouveau recul et surtout les fortes contradictions internes du mouvement.
Le Modem s’est constitué autour des anciens adhérents de l’UDF qui lui ont fourni ses cadres, de nombreux jeunes diplômés n’ayant jamais fait de politique et / ou déçus du PS et de militants écologistes issus de Cap 21 et des Verts. Ce genre de regroupement peut déboucher sur de très bons résultats (la logique attrape tout) ou au contraire souffrir de ses contradictions. Les ambiguïtés du programme peuvent conduire aussi bien à l’un ou l’autre scénario. Il semble pour l’instant que le Modem soit sur la pente du deuxième scénario, celui qui conduit à l’échec.
Les municipales ont posé la question des choix tactiques. Trois tendances sont apparues.
La première est dans la droite ligne de ce qu’était l’UDF il y a 5 ans. L’union à droite est naturelle, à condition que l’autonomie du centre soit préservée. Cela peut se traduire par une liste conduite par l’UMP mais donnant au MODEM sa place légitime (l’offre de Juppé à Bordeaux a été comprise comme cela), par une liste d’union menée par le Modem ou par deux listes qui fusionnent au second tour, sur le modèle de ce qui se fait à gauche entre le PC et le PS.
La deuxième est une stratégie d’indépendance qui se traduit par une présence forcément seule au premier tour, les partisans de cette solution pouvant vouloir la maintenir au second ou étant près à une stratégie d’alliance au second.
Evidemment, les partisans de ces deux lignes le sont avec toutes les nuances imaginables, ce qui leur permet de coexister pour l’instant.
Pour faire dans le simplisme, les anciens de l’UDF sont plutôt sur la première ligne et les nouveaux adhérents plutôt sur la seconde, la différence pouvant être plus une question de pragmatisme et d’expérience que d’idéologie. Il peut y a voir accord sur l’analyse de la société et divergence sur la tactique. Les municipales ont montré ce qu’on pouvait imaginer : les cadres sont majoritairement les anciens de l’UDF.
Les meilleurs scores obtenus par des listes menées par un(e)(e) candidat(e) l’ont évidemment été par des listes d’union, en particulier par des maires sortants. Si on regarde de plus près, on trouve trois cas de figure dans les listes qui ont fait plus de 20% :
Un sortant à la tête d’une liste d’union avec l’UMP
Un candidat contre une municipalité de gauche à la tête d’une liste d’union, configuration qui existait déjà en 2001 avec le même candidat
Un candidat qui concurrence l’UMP alors que le maire sortant UMP mais plus souvent divers droite ne se représentait pas : les jeux étaient ouverts.
Dans quelques rares exceptions en dehors des cas précédents, le MODEM seul fait un bon score. C’est le cas à St Etienne où l’ancien député battu en 2007, G Artigues, ancien adjoint au maire, se présente contre celui-ci et recueille 20.23% des voix. C’est le cas à St Nazaire où un nouveau candidat MODEM bat de justesse la liste UMP avec 18.69%.
Dit plus simplement, ceux qui font de bons scores sont sur la ligne qu’avait l’UDF en 2001 ou qu’ont ceux qui sont passés au Nouveau Centre.
Reste qu’ils ne sont pas très nombreux. En 2001, sur les environs 800 villes dont Le Monde publie les résultats, 127 étaient dirigées par un maire DL ou UDF. La moitié environ sont passés à l’UMP en 2002. Les autres se sont représentées en 2008 comme Modem, Nouveau Centre ou divers, ou ont soutenu des candidats ayant ces étiquettes. Seuls 15 ont pris l’étiquette Modem et 4 ont été ou seront battus. D’un autre coté, le Modem peut encore gagner Pau et Mont de Marsan. Cela ne fera de toutes manières pas lourd.
L’essentiel des listes Modem étaient donc des listes indépendantes. Une partie étaient dirigés par des anciens de l’UDF, quelque fois des Verts ou de Cap 21. Il y a aussi eu des nouveaux.
Paris en est un bon exemple : Marielle de Sarnez et Didier Bariani, têtes de liste dans le 14ème et le 20ème sont des dirigeants historiques de l’UDF. Certains sortants UDF se sont représentés comme Nouveau Centre sur les listes dirigées par l’UMP. Des candidats du Modem aux législatives, Cavada et De St Etienne l’ont déjà quitté pour s’allier à l’UMP. Il y a enfin de nouvelles têtes comme J Peyrelevade ou P Meyer.
Ces listes indépendantes ont généralement obtenu moins de voix que les candidats aux législatives ; et il n’y en a pas eu partout. Dans les grandes villes, le Modem était présent, soit avec un allié, soit seul. Mais dans les villes moyennes, il est plus difficile de conduire une liste. Le Modem menait 350 listes sur les 880 principales villes.
Prenons quelques exemples dans les villes les plus grandes, où le Modem a sans doute eu le plus de ces nouveaux adhérents jeunes diplômés.
Sur Paris, Bayrou a fait 20.73% en 2007, les candidats aux législatives 2007 ont réuni 11.9% et aux municipales les listes de M De Sarnez font 9.06%. A comparer aux résultats de Bayrou en 2002 (7.91%), des européennes 2004 (13.09% pour de Sarnez et 3.39%pour Lepage) des régionales 2004 (16.41% pour Santini).
Et Paris est plutôt un endroit où le Modem s’en sort bien, à comparer aux 5.4% de Marseille, aux 6% de Lyon, aux 5.9% de Toulouse, aux 6.48% de Nantes, aux 3.11% de Nice, aux 5.7% de Strasbourg, aux 7.79% de Lille. Dans ces mêmes villes, en 2002, Bayrou avait obtenu respectivement 5.54% (M), 9.46%(L), 6.88%(T), 8.52%(N), 7.15% (N), 11.99% (S) ou 7.41%(L).
Dit autrement, dans les plus grandes villes de France, le Modem fait moins bien que Bayrou en 2002, effaçant les gains des régionales et européennes de 2004 et l’apport de Corinne Lepage.
Il y a heureusement des scores meilleurs. Dans les villes moyennes, quand le Modem est présent, son leader peut profiter d’un maillage local et faire mieux que la moyenne. Regardons donc quelques cas où le Modem fait ses meilleurs scores
A St Etienne,où Artigues fait 20.23%, Bayrou avait fait 19.34, Cornillet 9.83 aux européennes, Comparini 28.13% aux régionales. Artigues avait fait en 2007 21.23% dans sa circonscription mais dans les circonscriptions voisines, le Modem était à 10% environ. On voit bien ici que la stature du candidat fait la différence.
A St Nazaire, on trouve le même phénomène, avec une liste qui fait un peu mieux que Bayrou en 2007. A Clermont Ferrand, la liste obtient 15.97% là où Bayrou obtenait 20.33%.
Au final, on comprend la tactique employée par Bayrou depuis quelques années : trouver des gens connus pour tirer ses listes. Malheureusement, beaucoup de cadres finissent par se fâcher avec le leader du Modem.
Car aux mauvais scores obtenus (et pouvant les expliquer en partie) s’ajoutent des dissensions internes qui se sont manifestées lors du lancement du mouvement, et qui réapparaissent à l’occasion des municipales. On l’a vu à Lyon lors de la constitution des listes, on le revoit entre les deux tours : le Monde expliquait ainsi que des militants de Marseille reprochaient l’alliance à gauche et d’autres à Toulouse l’alliance à droite.
Tout ceci fait partie de la vie normale. Dans une dynamique de succès, cela n’a guère d’importance, le PS l’a prouvé maintes fois. Dans une dynamique d’échec, cela peut faire très mal.
On peut penser que les régionales et les européennes, scrutins à la proportionnelle, seront plus favorables au Modem. Mais il lui faut avoir sur ses listes des gens connus. Donc F Bayrou doit jouer ses cadres plutôt que les jeunes adhérents, au risque de perdre ces derniers.
Oui, le Modem est mal parti.
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