Par la grâce du scrutin majoritaire, l’UMP et le PS sortiront probablement encore plus dominants de ces municipales. Il y a six ans, au premier tour des présidentielles, Jacques Chirac et Lionel Jospin ne réunissaient à eux deux que 36% des exprimés et moins de 25% des inscrits. Est-ce à dire que la rénovation a tout changé depuis ?
Il est vrai que le scrutin présidentiel de 2007 a été plus favorable aux deux grandes formations, dont les candidats ont recueilli cette fois au premier tour deux fois plus de voix qu’en 2002, 57% des exprimés et 47% des inscrits. Mais ce résultat s’inscrivait en rupture dans une série d’élections marquées par une montée de l’abstention, du vote blanc et du vote extrême, dont l’échec du référendum constitutionnel fut le point d’orgue.
La baisse de popularité du président de la République s’est traduite dans les urnes par un recul de son parti. Mais qui oserait dire que les succès du PS saluent les efforts de rénovation entrepris et la cohérence de son équipe dirigeante ? Dans une logique d’alternance, la baisse d’un des deux grands partis se traduit mécaniquement par une remontée de l’autre, comme si les électeurs ne voyaient pas d’alternative au bipartisme.
Dans un article qui se voulait une démonstration par l’absurde mais dont le caractère ironique a peut être échappé à certains, je soulignais que divers partis concurrents des deux grands atteignaient localement des scores très honorables, des scores qui, s’ils étaient étendus, auraient remis en cause la domination des deux grands. Mais en réalité, ces scores locaux ne constituent que la preuve que les français n’adhérent pas de façon massive eux deux grands partis, ils ne montrent pas une force alternative en train de se constituer.
Le parti communiste n’en finit pas de mourir. Les Verts sont retombé dans une marginalité que la présidentielle est venue cruellement souligner. Le Front National souffre de ses divisions au moins autant que de l’âge du capitaine. La popularité d’Olivier Besancenot n’arrive pas à cacher le caractère extrême de ses propositions, auquel s’ajoute la division inhérente historiquement aux extrêmes.
La percée de F Bayrou au début 2007, le nombre élevé de militants qui sont venus rejoindre le Modem, ont pu faire croire à un moment qu’une force nouvelle était non seulement en train de se constituer, mais que de plus elle semblait capable de prendre une place très importante sur l’échiquier politique. Les résultats obtenus aux législatives puis aux municipales ne confirment pas cette impression. D’ailleurs les candidats sont clairement issus de l’ancienne UDF.
Le slogan »faire de la politique autrement » révèle à la fois l’attente des français et la difficulté de l’opération.
N Sarkozy a gagné parce qu’il a su réunir sur son nom des français pauvres exaspérés par leur situation et des français riches exaspérés par l’immobilisme de son prédécesseur. Le succès initiaux de S Royal, qui lui ont notamment permis de se voir désigner comme candidate par le PS, s’expliquent en partie par la parole donnée à travers Désirs d’Avenir et en partie par une remise en cause d’idées traditionnelles qui a été comprise comme un refus de la langue de bois.
La percée de F Bayrou tient à la fois du rejet des autres candidats et du discours sur la démocratie et la politique autrement. La première raison était à priori fragile, mais c’est la deuxième qui montre toute la difficulté de l’exercice ;
Effectivement, beaucoup de français rejettent la classe politique, ses apparatchiks et ses avantages auto accordés (qu’on pense par exemple au système de retraite des députés). Mais ils constatent aussi que les nouveaux arrivants finissent par se comporter comme ceux qu’ils critiquaient. Il ne suffit pas d’affirmer qu’on lave plus blanc, encore faut il garder les mains propres. Or la logique politique donne l’avantage à ceux qui peuvent se consacrer à plein temps à la politique par rapport aux amateurs, à ceux qui savent louvoyer par rapport à ceux qui foncent tête baissée, à ceux qui ont un programme attrape tout par rapport à ceux qui veulent défendre mordicus la cause à laquelle ils croient.
Les jeunes militants qui ont été séduits par Ségolène Royal ou François Bayrou, dans leur enthousiasme de néophytes, se montrent parfois limite intégristes. Pourtant, il faut ratisser large pour obtenir l’adhésion du plus grand nombre.
Il est possible que l’accent mis sur les valeurs, qui a fait une partie du succès de ces deux candidats soit aussi un frein à l’extension de leur cercle. La réaction des membres de Lieu Commun me parait très révélatrice. Un grand parti du centre capable de dépasser les deux partis actuellement dominants devrait pouvoir convaincre une grande partie d’entre eux. Or on a pu constater que si quelques uns ont clairement soutenu S Royal ou N Sarkozy, aucun n’a fait de même pour F Bayrou. Alors qu’il a probablement recueilli une partie de leurs suffrages.
Il me semble qu’il y a une attente d’un nombre important de français pour une alternative aux deux partis dominants. Mais cette attente recouvre sans doute une grande diversité d’opinions. Et il y a probablement moins d’espace libre qu’on ne le croit entre ces deux forces. Les deux principaux partis, mieux implantés, mieux financés, mieux organisés, ont de très bonnes chances de prendre de plus en plus de place parmi les élus. On le verra sans doute dimanche soit dans la composition du Conseil de Paris : nettement plus de PS, peut être un peu moins d’UMP, mais surtout moins de Verts, moins de Modem, moins de PC, moins de MRC.
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