Le programme des Nations Unies pour l’environnement a publié en septembre un rapport baptisé GEO 4 sur l’avenir écologique de la planète à l’horizon 2050. Il est intéressant de rapprocher ce rapport d’un entretien d’Eric Chaney, chef économiste de Morgan Stanley, à propos du prix du baril, paru dans le Monde du 6 novembre.
Au passage, on peut s’étonner du fait que le Monde consacre deux pages à ce rapport dans le numéro daté du 17 novembre, alors qu’il est paru en septembre et que le Parisien en faisait largement état il y a un mois. Le contenu des deux pages ne montre pourtant aucune analyse particulière du rapport justifiant ce délai.
Une lecture
rapide du rapport peut donner le sentiment qu’il oppose logique de marché et
logique écologique : c’est en réalité plus compliqué que cela
Le rapport a étudié 4
scénarios correspondant à 4 buts prioritaires (voir le détail ici). Le marché
en premier, la politique en premier, la sécurité en premier et la durabilité en
premier.
Les hypothèses prises peuvent bien sur être discutées : par exemple on peut se demander pourquoi la population mondiale en 2050 est de 9 milliards dans le premier scénario et de 8 milliards dans le quatrième. Mais il s’agit de scénarios qui ont pour objet de faire réfléchir et de montrer les choix possibles et leur conséquence. Le scénario 4 est un scénario basé sur les partenariats entre acteurs, notamment public et privé. Imaginer qu’il s’agit d’opposer le modèle d’économie de marché au modèle d’économie administré serait une vision très franco française de la question.
Donner la priorité à la seule croissance économique en s’appuyant sur le marché (le premier scénario) donne la plus grande consommation d’énergie à horizon 2050, donc les moins bons résultats pour le climat. Le scénario 4 est évidemment le plus favorable à l’environnement, ce qui est bien le moindre quand il s’agit de lui donner la priorité.
La lecture de l’entretien avec d’Eric Chaney dans le Monde du 6 novembre, amène pourtant à s’interroger. Il affirme en effet que « la demande d’énergie de l’OCDE est plate depuis 2005, malgré une croissance économique assez robuste. J’y vois l’impact de la hausse des prix du brut quasi continue depuis 7 ans ». Et il répond en fin d’entretien, à la question « un pétrole cher n’a-t-il pas l’avantage d’envoyer un signal en faveur des économies d’énergie ? « En effet, mais le pétrole est déjà cher, et trop de politiques dans le monde font en sorte ou souhaitent faire en sorte que les utilisateurs finaux n’en souffrent pas. Ce faisant, ils ne font que renforcer le pouvoir de monopole de l’OPEP et affaiblir le signal de’s prix. Au Grenelle de l’environnement, on aurait du se féliciter de la flambée du prix du pétrole, qui est d’une certaine manière une lourde taxe carbone, et encourager les politiques à ne surtout pas tenter de la circonscrire. »
L’idée est claire : quand les prix sont élevés, les décisions multiples des acteurs (donc le jeu du marché) conduisent à une diminution des consommations unitaires. Au passage et sous entendu, les politiques qui réclament une TIPP flottante, donc en baisse quand les prix du pétrole sont hauts, ces politiques jouent contre l’environnement.
Cet argument est juste, mais il suppose une hypothèse : un prix du pétrole durablement élevé, et à un niveau suffisant pour atteindre l’objectif recherché par les européens, une division par 4 des émissions de CO2.
A entendre certains, le peak oil est pour demain et le prix du pétrole va atteindre des niveaux inconnus : tout est donc pour le mieux dans le meilleur des mondes, il n’y a pas besoin d’agir.
Mais s’ils se trompent et si le prix du pétrole reste à un niveau moyen ou faible, que ce passera ‘til,
On peut en avoir une idée à partir de ce qui s’est passé depuis 30 ans, avec un pétrole qui après les deux chocs pétroliers de 1973 et 1979 est devenu faible. Aux USA, la consommation est restée débridée et on peut clairement parler de gaspillage
La France par contre, est sans doute le ou un des pays de l’OCDE qui produit le moins de CO2. Et cela en raison de mesures notamment prises sous Giscard :
Des normes assez exigeantes en ce qui concerne l’isolation des logements et immeubles
Une TIPP élevée
Un parc nucléaire très important
On a pu cependant observer un certain relâchement dans la politique d’économie d’énergie avec la baisse des prix
A la question, l’énergie restera t’elle suffisamment chère pour provoquer les investissements nécessaires à l’environnement, Hubert Prévot, dans un livre récent « Trop de pétrole » répond clairement non. Il montre que les ressources fossiles, et en particulier le charbon, sont largement suffisantes pour augmenter de 9° la température stabilisée de la planète. Et qu’elles peuvent être mobilisées à un prix moyen plus faible que le niveau actuel. Il propose donc de mettre en place une taxe sur les énergies fossiles pour envoyer aux consommateurs et aux producteurs un message clair : ils ont intérêt à investir dans une réduction de la consommation.
Je ne sais pas ce que valent ses propositions, mais j’aurais tendance à faire confiance au calcul sur les réserves mondiales, venant d’un ingénieur général des mines.
En réalité, et on le voit bien dans ce qu’on a vécu en France il y a 20/30 ans, l’idéal est que le prix de l’énergie soit tel que les mesures recherchées par l’ensemble des acteurs aillent dans le même sens. Et je pense que c’est l’idée du scénario 4 de l’ONU. Quand le prix du fuel est cher, les normes imposées par le gouvernement pour diminuer sa consommation sont vues favorablement. Si demain, il faut inciter les américains à densifier leurs villes, cela sera plus facile si l’essence est chère est qu’ils y voient un avantage.
Dit autrement, il s’agit de faire que le marché aille dans le sens souhaité !
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