Peut
on réformer en France? Contrairement à ceux qui affirment que les français sont
hostiles au changement, je pense, comme j’espère les articles précédents l’ont
montré, que c’est en très grande partie une question de méthodes. On abordera
successivement le rôle du décideur, la notion d’acteurs et le diagnostic
partagé, la communication et la mise en œuvre.
Peut
être ne l’ais je pas suffisamment souligné dans mes exemples, mais il est une
condition indispensable à la réussite du changement: la volonté dans ce sens du
principal responsable, celui qui a la responsabilité de lancer et de mener le
changement
Or,
dans ce domaine, l’observation des affaires publiques donne le sentiment
permanent que la volonté dominante du politique est « pas de vague »,
et je pourrai même dire « pas de vaguelettes ». La raison en est
simple: dans la logique d’intérêt des dirigeants!
Il
y a en général déséquilibre par rapport au temps dans les avantages et
inconvénients à retirer d’une réforme. Les risques sont généralement immédiats,
avec les conséquences possibles du mécontentement (grèves et mouvements divers
pouvant se manifester publiquement dans les médias) alors que les avantages de
la réforme sont rarement à court terme et ne pourront se manifester, si la
réforme se fait, qu’au bout de plusieurs années. Si la carrière d’un énarque se
fait par des changements de postes tous les deux ou trois ans (voire moins) il
est facile de voir qu’il a intérêt à gérer à la surface des choses plutôt que
de prendre le risque d’une réforme. Comme par ailleurs, la réussite d’un
changement passe par le respect et l’écoute des acteurs de terrain (ce qu’on
n’apprend probablement pas à l’ENA), il n’y a aucune raison pour que les hauts
fonctionnaires soient promoteurs et porteurs du changement.
Ceci
dit, même s’ils le voulaient (et je suis injuste, il y a de nombreux hauts
fonctionnaires qui ont envie de bien faire), encore faudrait il que le pouvoir
politique leur en donne la possibilité. Dans notre pays hyper centralisé, où on
demande aux ministres de s’occuper des moindres détails, l’objectif d’un
ministre est de passer à la télévision pour donner de bonnes nouvelles, pas
pour s’expliquer sur des mouvements de protestation dans son secteur! Comment
attendre de lui qu’il fasse des réformes quand il sait qu’il peut sauter
n’importe quand sur un mouvement social ? Combien de ministres de
l’éducation nationale en ont fait l’expérience!
On
sait qu’au niveau d’une mairie, il faut augmenter les impôts en arrivant,
lancer tout de suite les grands travaux pour pouvoir faire des inaugurations en
fin de mandat et stabiliser les impôts à ce moment là; ce calcul est jouable au
niveau local où la pression médiatique de l’immédiat est beaucoup moins forte
et où la durée est bien maîtrisée.
Le
quinquennat, en donnant cinq ans à la majorité pour gouverner, lui donne
normalement le temps des réformes. Chirac n’en a pas fait grand-chose, à part
la loi Fillon, mais il n’est pas un partisan de ce qui déplait ou peut
déplaire.
La
réforme des frontières entre gendarmerie et police, réalisée par Nicolas
Sarkozy au début de son action place Beauvau, montre aussi qu’il est plus
facile de lancer une réforme en début de mandat, quand on bénéficie de la
légitimité de la confiance d’une majorité des Français; Nul doute que
l’intéressé l’a bien compris.
La prochaine fois: le diagnostic partagé
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