Cette fois ci, je vais passer à des exemples issus de mon expérience professionnelle en entreprise et suffisamment anciens pour que je puisse en parler sans problèmes. Un seul assez long pour cette fois.
Premier exemple donc, un
établissement d’une grande entreprise de transports en commun. A l’occasion
d’un accroissement notable de l’offre de transports, le chef d’établissement
souhaite mobiliser ses équipes pour offrir un service de plus grande qualité
pour les voyageurs, en particulier dans les gares. Cela suppose notamment que
les salariés soient plus attentifs aux besoins de leurs clients alors qu’ils
ont tendance à être plus tournés vers leur fonctionnement interne et
l’application des procédures.
La
manière dont j’ai gagné le contrat est en soi un exemple des logiques
d’acteurs. Je rencontre en effet le chef d’établissement mais celui-ci procède
à un appel d’offres auquel 7 entreprises de conseil répondent, dont la mienne.
Il se trouve que nous sommes déjà identifiés positivement dans l’entreprise
pour nos interventions sur les questions d’organisation du travail. C’est le
cas d’un autre cabinet qui a sur nous l’avantage d’avoir travaillé peu avant
dans un établissement de gares. Il se trouve que le représentant de ce
concurrent est un ami et que ses méthodes de travail sont proches des nôtres;
je lui propose de faire une réponse commune mais il refuse (sa direction ne
veut pas). Tant pis, je lui annonce qu’il a tort car il va perdre!
Après
réponse à l’appel d’offres, deux cabinets sont sélectionnés pour l’oral: celui
de mon ami concurrent et le mien. Le chef d’établissement a décidé, avec
l’accord de sa hiérarchie, que l’oral se fera devant quelques membres de
l’encadrement, lui même et un représentant de la région. Mon ami ayant pu
choisir s’est arrangé pour passer en second: en fait c’est un mauvais choix car
il passe l’après midi, qu’il fait chaud, que les gens digèrent et que j’ai déjà
convaincu le matin! Lui insiste sur son avantage concurrentiel, le fait qu’il a déjà une expérience
semblable, explique les solutions mises en place. Cela rassure le représentant
de la région qui incline de son coté. J’ai de mon coté insisté sur le fait que
dans la démarche participative, je m’appuierais sur l’expérience et le savoir
des salariés, en particulier ceux qui sont face à moi, que ce sera leurs
solutions qu’on mettra en œuvre. Évidemment, les représentants de
l’établissement qui se sentent valorisés et ont peur de ne pouvoir décider eux
même avec mon concurrent, me choisissent. La région s’incline! Si l’oral avait
eu lieu avec la direction régionale, il aurait fallu que je tienne un autre
discours mais j’aurais probablement perdu; mon ami concurrent de son coté n’a
pas fait la bonne analyse d’acteurs.
Nous
avons convenu avec la direction de l’établissement de faire un diagnostic
préalable de manière très participative, s’appuyant sur deux actions
complémentaires: les consultants vont écouter les salariés (plutôt certains
d’entre eux représentatifs dans une logique d’acteurs) et observer des
situations de travail (une autre forme d’écoute qui permet de parler du réel et
pas seulement du raconté). Les salariés (du moins certains d’entre eux) vont de
leur coté écouter les clients. Ils le font de deux manières: d’une part, ils
font quelques observations en gare pour voir ce que font les voyageurs, d’autre
part, ils élaborent avec notre aide un questionnaire et le font passer eux même
aux voyageurs.
Le
fait qu’ils aient été écoutés est un élément essentiel pour qu’ils puissent se
mettre en condition de passer eux même à l’écoute de leurs clients (sans qu’il
soit nécessaire que ce soit les même personnes qui sont écoutés et qui
écoutent, ils suffit qu’ils sachent que cela se fait).
Les
résultats obtenus avec le questionnaire sont assez proches de ceux obtenus par
ailleurs par la direction régionale commerciale voyageur (qui passe par un
organisme spécialisé). Les réactions à cette proximité sont amusantes à
observer: la direction régionale en déduit que malgré son caractère peu
scientifique, l’enquête faite par le terrain est acceptable; Et les salariés en
concluent que finalement l’analyse faite par l’organisme extérieur, puisqu’il
trouve des résultats proche des leurs, est bonne (cela peut servir pour les
années ultérieures!).
A
l’occasion des observations en gare, un salarié découvre à quel point il parle
fort dans l’hygiaphone, un autre l’énervement éprouvé dans une file d’attente.
En ce qui concerne le questionnaire, le contact avec les voyageurs et leur
écoute a été plus importante que les réponses elles même
Au
final, ce diagnostic participatif permet une prise de conscience et une
mobilisation réelle pour mieux servir le client; la suite des travaux permettra
de construire des solutions adaptées à la multitude de problèmes de détails
découverts à cette occasion. Bien sûr, la direction commerciale voyageur les connaissait
pour la plupart. Mais cette connaissance ne débouchait pas, faute de
mobilisation des acteurs de terrain.
Une
dernière précision, pour répondre à un commentaire fait sur le premier article:
mobiliser les salariés vers le client demande deux préalables, les écouter bien
sûr comme je l’ai déjà dit, et les respecter c’est-à-dire penser réellement
qu’ils peuvent y arriver (ce que ne faisait sans doute pas la direction
régionale et ce que les gens sentent très bien!).
D’autres exemples plus tard!
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