Dans un billet du 23 mars, je m’interrogeais sur le vote Sarkozy et j’expliquais pourquoi je n’avais pas envie de voter pour ce candidat. Je voudrais donc expliquer pourquoi je suis prêt à surmonter les raisons que j’avais exposées à l’époque. Je précise qu’à l’époque je m’orientais déjà en moi-même vers le choix que j’ai exposé cette semaine.
Trois raisons expliquaient mon peu d’enthousiasme. : le fait que les mesures proposées par le candidat de l’UMP favorisent les riches, la manière dont se traduisent les appels du pied aux électeurs du Front National et la crainte que Nicolas Sarkozy soit un Chirac jeune, qui ne fera pas les réformes attendues. Reprenons ces sujets point par point.
Sarkozy et les riches. Il faut distinguer ici les mesures concernant les riches et celles concernant la possibilité de le devenir. Sur les premières, je vois essentiellement la suppression de l’essentiel des droits de succession et la limitation à 50% des revenus du total des impôts. Réflexion faite, je ne les approuve toujours pas, même si la concurrence fiscale explique la seconde (à mon avis elle ne la justifie que partiellement et sans doute pas à ce niveau). Mais l’enjeu est plus symbolique qu’important.
La volonté de privilégier le mérite débouche chez l’ancien ministre de l’intérieur sur une volonté très républicaine (et que ne renierait pas un Chevènement) de promouvoir les meilleurs d’où qu’ils viennent. On retrouve ici dans une version positive l’individualisme classique de la droite. Cette promotion de l’individu est très forte chez Nicolas Sarkozy. On la retrouve dans ses dernières interventions sur la place des parents à l’école. Il insiste sur les droits des parents par rapport à leur enfant. Les associations de parents d’élèves se sont indignés et imaginent leur rôle remis en cause.
Je ne pense pourtant pas que le candidat veuille supprimer les éléments qui valorisent le collectif (par exemple la représentation des parents) mais sa préoccupation est clairement de redonner de l’importance à l’individu. Pour ma part, je pense qu’il faut absolument valoriser l’individu et le collectif. Ces dernières années, l’accent a plutôt été mis sur le collectif, avec certains excès. La priorité donnée à l’ancienneté dans la rémunération des fonctionnaires fait partie de ces excès. Je pense donc que redonner de l’importance à l’individu avec quelques années d’un gouvernement de droite n’est pas forcément inutile.
Sarkozy et le discours du Front National. J’avais déjà dit dans le billet précédent que traiter le candidat UMP de facho, c’est ne pas savoir ce qu’est le fascisme. Ses discours récents ne me font pas changé d’opinion. Le discours sur l’immigration est en réalité très éloigné de celui d’un Le Pen : ce dernier ne veut plus de nouveaux immigrés et rêve de faire partir ceux qui sont là. L’ancien ministre de l’intérieur veut que les nouveaux immigrés adoptent les règles et valeurs de notre République. Ceux qui ne voient pas de différences sont aveugles ou de mauvaise foi !
La pratique des reconduites à la frontière ne me plait pas. Je constate cependant qu’elle a continué indifféremment sous les gouvernements de droite comme de gauche et que les régularisations d’immigrés sans papier réalisées par N Sarkozy ont continué y compris au-delà de la date fixée par lui, comme le reconnaissait le Monde il y a quelques semaines.
J’ai également été étonné pour le moins du traitement des incidents de la gare du Nord (dont j’ai pu voire les traces puisque j’y passe régulièrement). D’abord dire que ces événements sont dus à la politique de Sarkozy, c’est oublier un certain nombre d’événements que nous avons vécus sous la gauche comme sous la droite depuis bientôt plus de 20 ans, par exemple ceux du centre commercial de la Part Dieu à Lyon, pour citer celui le plus ressemblant. On assiste à un développement des violences gratuites depuis 10 ans, la plus forte montée ayant eu lieu entre 1999 et 2001. En rendre N Sarkozy responsable relève de l’inexactitude.
Sur le déroulement de l’événement lui-même, faire semblant de croire qu’il n’y a eu qu’un fraudeur poursuivi par des hordes de CRS est une curieuse lecture des choses. Un fraudeur contrôlé s’est comporté de manière violente avec les agent de la RATP qui ont légitimement fait appel à la police. Le fraudeur s’est débattu et a appelé à l’aide, ce n’est pas pour cela qu’on doit lui donner raison. Les événements ont duré longtemps parce que la commandante des forces de police a voulu éviter tout dérapage et fait preuve de sang froid. Il n’y a rien à dire sur la police dans cette histoire, contrairement à ce qu’ont fait certains. Celui qui a dérapé, c’est le ministre !
La démocratie a besoin d’une police. Ceux qui criaient CRS=SS, outre qu’ils montraient qu’ils n’avaient rien compris au nazisme, faisaient œuvre antidémocratique (sans forcément le vouloir, je veux bien excuser la jeunesse). Elle a aussi vitalement besoin d’une police respectueuse des règles. Il est nécessaire de dire aux policiers à la fois qu’on les trouve utiles à la société (de les valoriser) et qu’on n’acceptera pas les dérapages. Il est clair que l’ancien ministre de l’intérieur a tenu le premier langage. Je n’ais pas le sentiment qu’il ait pour autant empêché l’I G S de faire son travail ni que les bavures se soient multipliées.
On peut légitimement reprocher à Nicolas Sarkozy d’avoir couvert beaucoup trop vite les policiers lors de l’incident qui a initié les émeutes de banlieue en 2005. On ne peut par contre lui reprocher la manière dont ces émeutes ont é »té traitées. La police a fait preuve de sang froid, y compris aux Invalides où il aurait pu se passer n’importe quoi. Sur les banlieues, se sont certains adversaires du candidat UMP qui cherchent les incidents, pas lui !
Lors de ces émeutes de banlieues, l’état d’urgence a été décrété par le premier ministre et c’est le ministre de l’intérieurs qui a du le gérer. Juste avant la décision, ce dernier a demandé conseil à Christian Blanc. En effet, ce dernier avait été le dernier préfet à mettre en œuvre l’état d’urgence (en Nouvelle Calédonie). Il lui a donc fait part de son point de vue et notamment des précautions à prendre, des points de vigilance, dans une conversation qui a duré environ une heure. L’ancien président d’air France, qui a été impressionné ce jour là par la qualité d’écoute de son interlocuteur, par sa sérénité et par sa posture de responsabilité , est très convaincant quand il en parle !
Pour conclure, les propos tenus par N Sarkozy pour attirer les électeurs potentiels du Front National ne me plaisent guère, c’est le moins qu’on puisse dire. Il considère que s’il ne les tenait pas, Le Pen serait à 25%. Je n’en sais rien et je n’ai pas les moyens d’affirmer le contraire. Ce que je constate est qu’au final, ses actes et ceux des services qu’il dirige restent maîtrisés, au moins autant sinon plus que du temps de ses prédécesseurs, quelque soit leur bord.
Elire Nicolas Sarkozy , c’est avoir pour la première fois en France un petit fils d’immigré à la première place. Et probablement au gouvernement une ou deux ministre issu de l’immigration africaine…
Sarkozy et la volonté d’agir. Ma comparaison avec Jacques Chirac s’appuyait sur la même impression d’agitation et d’absence de convictions. Dans les deux cas, on aurait avant tout une volonté du pouvoir pour le pouvoir. Sur ce point, on peut d’ailleurs s’interroger à propos des principaux candidats de la même façon. L’observation de la campagne de Nicolas Sarkozy m’amène pourtant à trouver une forte continuité. Bien sur, il y a des promesses démagogiques, mais globalement et au-delà de l’actualité il y a plutôt de la permanence dans les idées.
En fait, ce qui me frappe est le caractère volontariste des idées du candidat UMP. C’est d’ailleurs ce qui fait que ce n’est pas un libéral pur jus comme certains voudraient le faire croire (quand d’autres regrettent qu’il ne le soit pas). Je pense donc qu’il ira plus loin que je ne pouvais le craindre au départ. Il a ainsi promis de mettre en œuvre le service minimum dans les transports et de réformer les régimes de retraite spéciaux, et cela rapidement. Je pense qu’il faut faire ces réformes, même si elles déplaisent à ceux qui en tirent avantage au détriment de la collectivité et bien que ceux-ci aient des moyens de nuisance important. Ce qui veut dire qu’il faut être courageux, convaincu sur le dossier et crédible dans sa volonté d’aboutir. Et que c’est plus facile à faire dans la foulée d’une élection.
Voilà, j’ai réalisé le comble du narcissisme du blogueur : se répondre à soi même
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