Versac et Authueil s’indignent dans leur dernier billet, des propos tenus respectivement par Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal. Ils ont chacun raison sur les propos relevés mais en focalisant leur réflexion sur un seul des candidats, ils en arrivent à ignorer le phénomène global de cette campagne, les raisons pour lesquels les principaux candidats s’enferment dans ce genre de discours. Ces discours qui font que nous sommes si nombreux dans la blogosphère politique à nous questionner sur le choix que nous pourrions bien faire.
La démagogie dans une campagne électorale, ce n’est pas récent. Si Chirac a battu des records dans le domaine (relisez les guignols « putain deux ans »), il est loin d’avoir été seul dans l’exercice.
Il me semble pourtant qu’il y a quelque chose de nouveau dans cette campagne et que cela à voir avec la conscience qu’ont les principaux candidats du rejet par les français de leur classe politique.
Le vote du 21 avril, ce n’est pas seulement Le Pen au deuxième tour de la présidentielle et l’absence de la gauche dans ce tour final. C’est un taux d’abstention de 28.4% (contre 15.8% en 1974, 18.9% en 1981, 18.6% en 1988 et 21.6% en 1995), 997 262 bulletins blancs soit 3.4% des inscrits (contre 0.8% en 1974, 1.3% en 1981, 1.6% en 1988, 2.2% en 1995) . C’est aussi 19.2% des exprimés pour les deux candidats d’extrême droite et 10.4% pour les trois trotskistes.
Ce rejet, on le retrouve de façon encore plus nette lors du référendum sur la constitution européenne où 55% des français refusent un texte que l’essentiel de la classe politique, des médias et des « élites » leur présente comme incontournable.
- Au printemps 2006, l’enquête du CEVIPOF (les tendances seront confirmés dans l’enquête suivante) montre que 69% des français ne font confiance ni à la gauche ni à la droite pour gouverner et que 37% refusent de se situer sur un axe droite / gauche.
N Sarkozy, Ségolène Royal et François Bayrou ont tous les trois compris cette situation. La réponse qu’ils vont donner les amène à devoir adopter un positionnement complexe, un grand écart qui vise deux cibles à la fois : leur électorat traditionnel d’une part et ce gros tiers de la population qui ne se reconnaît plus dans les clivages traditionnels.
Nicolas Sarkozy fait le choix de reprendre une partie des voix qui sont allées vers le Front National ou qui se sont réfugiées dans l’abstention. Il pense (il le dit) que les français sont exaspérés et qu’ils faut leur montrer qu’ils ont été entendus. Et il n’hésite pas à flirter avec des discours anti-immigrations, même si cela révulse une partie de ses soutiens. Et il continue pour une raison très simple : les sondages lui donnent raison !
Ségolène Royal rebondit sur le rejet des partis en proposant un nouveau type de dialogue avec les Français. Les débats participatifs lui permettent de justifier ses propositions comme autant de réponses aux demandes d’individus (je vous ai entendus). Elle a aussi compris que les français voulaient de la sécurité et de l’ordre, ce qui se traduit par son slogan, l’ordre juste. Parce qu’il faut aussi rameuter les électeurs de gauche, et de toute la gauche, y compris celle qui a voté non,elle s’appuie sur Montebourg et Chevènement. Et n’hésite pas à ne pas tenir compte des experts ou à promettre des choses qui existent déjà.
François Bayrou reprend la stratégie de JM Le Pen dénonçant le système UMPS et les discours de certains nonistes contre la pensée unique. Son programme est fait pour satisfaire les modérés, sa clientèle traditionnelle, mais ce n’est pas de cela qu’il parle. Il préfère fustiger les énarques, thème bien populiste s’il en est , même s’il se prend les pieds dans le tapis en proposant de la remplacer par une école qui fera la même chose.
Evidemment, nous qui n’avons pas voté blanc ou extrémiste en 2002, qui n’avons pas rejeté la classe politique avec un non au référendum, qui souhaitons un langage de vérité et des propositions correspondant à l’état du pays, nous ne nous y retrouvons pas . Et certains se demandent bien ce qu’ils vont faire le 22 avril.
S’ils sont élus, que les propos démagogiques ne seront plus nécessaires mais qu’il faudra affronter les réalités gouvernementales, quels seront les éléments de leur programme qu’ils mettront en œuvre, que feront ils réellement ?
Seront-ils capables d’être autre chose que des rois du marketing et de la communication ou se contenteront ils du régime de l’illusion comme J Chirac ?
Sauront ils tenir fermement le gouvernail ou se laisseront ils ballotter au gré des événements ?
Difficile de répondre, mais c’est bien les réponses que chacun fera qui lui permettront au final de choisir le bulletin qu’il mettra dans l’urne.
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