Les derniers sondages confirment pour l’instant François Bayrou dans sa place de troisième : il n’arrive pas à rejoindre Ségolène Royal comme ses plus chauds partisans l’espéraient et il ne semble pas décrocher comme d’autres le prédisaient. Il reste encore douze ou treize longs jours aux électeurs pour changer d’avis, mais nous pouvons réfléchir sur cette hypothèse.
Un Bayrou troisième avec 20% des voix, c’est de toute façon pour celui ou celle des deux candidats restants en lice un avertissement à gouverner au centre, avertissement qui pour chacun est un bon contrepoids à l’influence des extrêmes sur leur droite ou leur gauche. En cela, je trouve un certain intérêt au vote Bayrou, auxquels se rallient beaucoup de personnes dans mon entourage, qu’il s’agisse d’UDF de traditions, d’anciens partisans de Christian Blanc ou de transfuges du parti socialiste (je connais même des adhérents fidèles de ce parti qui voteront Bayrou au premier tour).
Mais pour les responsables de l’UDF, la situation est moins favorable qu’il n’y parait, ou en tous les cas moins simple. 12 à 15% des voix pour Bayrou, venues en grande majorité du centre et des indécis, partiellement de la droite et un peu de la gauche, cela permettait de négocier tranquillement un désistement pour Nicolas Sarkozy, contre de belles places dans le futur gouvernement et un soutien aux candidats UDF dans 50 ou 80 circonscriptions gagnables, en plus de celles que ce parti détient déjà avec le soutien de la droite.
Pour prendre un exemple parisien, dans la 8ème circonscription, le député sortant UMP Jean de Gaulle ne se représente pas, le candidat désigné par l’UMP n’a pas le soutien des équipes locales. Rien de plus simple pour N Sarkozy que de soutenir un candidat local de l’UDF (j’ai même un nom en tête). Au final, François Bayrou pouvait espérer comme résultat de sa campagne un triplement voire plus de son groupe à l’Assemblée Nationale, un rééquilibrage de sa place au sein de la majorité présidentielle qui se traduirait aussi par des ministères importants pour lui et les siens, et l’espoir de se replacer dans la lignée d’un Giscard voulant donner à l’UDF la primauté sur le RPR.
Las, ce beau schéma est mis à mal par un score à 20%, dont une partie importante d’électeurs traditionnels de la gauche. Les sondages montrent que les électeurs de Bayrou pourraient bien se partager à parts à peu près égales entre les deux candidats du second tour. Lors, un désistement pour le candidat de droite devient compliqué, un désistement pour sa concurrente socialiste n’étant pas plus adapté !
La solution logique consiste donc à doubler la mise, à reporter l’alliance gouvernementale après les législatives, en rêvant à ce qu’aucun des partis en présence ne détienne la majorité et que l’UDF puisse négocier chèrement son soutien à l’une ou l’autre des forces en présence. Cette option devient cependant encore plus difficile qu’aujourd’hui, les Français pouvant être enclins par refus de la cohabitation à donner la majorité au président qui aura été élu quel qu’il soit. Et l’UMP pouvant se décider à présenter des candidats contre les députés UDF sortants, contrairement à ce qui est prévu pour l’instant. Il est d’ailleurs probable que dans cette hypothèse, une part non négligeable des membres actuels du groupe fassent allégeance à l’UMP.
L’UDF ne possédait pas il y a trois mois de forces lui permettant d’être présent dans toutes ou presque toutes les circonscriptions, ce qui serait la logique d’un positionnement « ni droite, ni gauche » aux législatives. Les maigres ralliements qu’il a engrangés, au-delà des militants de base (une implantation personnelle, cela aide pour gagner !), viennent essentiellement des chiraquiens, pas de quoi faire rêver le citoyen déçu du système. Mais il doit se trouver suffisamment d’élus locaux, à droite ou à gauche, déçus ou furieux de ne pas avoir eu l’investiture de leur parti, suffisamment ambitieux pour jouer leur carrière politique sur un coup de dés, pour que la bannière UDF puisse être portée en de nombreuses circonscriptions. Reste à savoir comment les électeurs apprécieront des candidats qui solliciteront suivant les cas, le soutien de la droite pour battre la gauche et le soutien de la gauche pour battre la droite, et comment les députés ainsi élus cohabiteront dans un même groupe parlementaire sans que celui-ci explose.
Mais me direz vous, pourquoi écarter une autre hypothèse, celle où les Français mettraient François Bayrou au deuxième tour puis élu, conformément à ce que prévoient les sondages ?
Cette hypothèse ne repose pas seulement sur une formidable ambiguïté (les motivations contradictoires des électeurs), elle est à mon avis dangereuse.
Je fais partie des gens qui pensent qu’une grande coalition pourrait avoir du sens pour faire des réformes importantes, par exemple celles qui sont proposées par le rapport Pébereau, dont je rappelle qu’il a été écrit par une commission composée de personnalités de droite et de gauche, sans compter les inclassables. Mais dans mon esprit, une telle coalition doit durer le temps de faire ces réformes, c'est-à-dire deux ou trois ans, puis laisser la place aux clivages traditionnels.
Parce que la démocratie a besoin que soient proposés aux électeurs plusieurs projets alternatifs. Si les forces démocratiques sont regroupées au sein du gouvernement, les électeurs mécontents n’ont d’autres solutions que de se rallier à une des forces extrémistes. Je ne pense pas que cela soit ce que souhaitent les amis du Béarnais.
De toutes manières, rien dans ses discours ne me fait penser qu’il propose une grande coalition pour faire des réformes courageuses.
On pourrait imaginer un vote moins contraint des membres des différents groupes parlementaires, comme on le voit aux USA. Je ne sais pas si cela serait un progrès. Et peut être cela tient il surtout de l’organisation des pouvoirs de l’Assemblée. J’aimerais surtout que celle-ci passe plus de temps à contrôler la mise en œuvre de l’action gouvernementale, à l’image de ce que propose Bernard Spitz, qu’à contribuer au gonflement indéfini de la législation !
Passer à la proportionnelle, même partielle, cela ferait sans doute plaisir à l’UDF ou au Front National. Je ne vois pas en quoi cela améliorerait la gouvernance de notre pays et en quoi cela lui permettrait de se mettre à jour de l’évolution du monde, ce qu’il a tant de mal à faire depuis 20 ans. Limitons les mandats parlementaires à deux successifs serait à mon avis dans ce domaine beaucoup plus efficace
Mais je m’égare, tout cela ne règle pas l’équation insoluble de l’UDF.
De toutes manières j’ai tort de m’inquiéter à ce sujet : les électeurs trouveront bien leur solution !
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