Pour la première fois dans l’histoire de notre pays, une femme a de très sérieuses chances de devenir Présidente de la République Française. Le simple fait que depuis 1981 l’alternance est la règle à toutes les élections présidentielles ou législatives montre la probabilité importante que la candidate socialiste l’emporte !
Par ailleurs, la question du vote utile pour ne pas retrouver Le Pen au deuxième tour se pose toujours : le candidat d’extrême droite est à un niveau dans les sondages (même si ceux-ci appréhendent très mal ce coté du corps électoral) supérieur à ce qu’il était à la même époque en 2002.
S’interroger sur le vote Royal, n’est pas simple. Comme souvent dans les campagnes électorales, les candidats, multipliant les déclarations et les réponses aux innombrables questions qui leurs sont posées par les lobbys de tous bords, finissent par envoyer des messages contradictoires et surtout à noyer l’essentiel dans le secondaire. Le plus raisonnable consiste donc à mon sens à s’interroger sur le PS (qui sera forcément la colonne vertébrale du futur gouvernement) et son projet, sur le programme de la candidate et sur la personnalité de celle-ci.
L’évolution du Parti Socialiste depuis 2002 est très inquiétante avec notamment
le développement de l’idée que la défaite de Jospin était due au fait qu’il n’était pas assez à gauche,
la condamnation par les socialistes de la loi Fillon sur les retraites, celle-ci étant considérée comme une injustice sociale (ce qui prouve que le PS n’est plus un parti de gauche mais un parti corporatiste)
le positionnement contre le oui à la constitution européenne d’une très forte minorité du PS, (quand l’adhésion à Maastricht était approuvée par plus de 85% des militants au congrès de Bordeaux en 1992)
Les différents congrès, l’élaboration du projet socialiste et la primaire pour la présidentielle n’ont pas permis de lever les énormes ambiguïtés qui se sont exprimées lors de la campagne référendaire.
Les propositions du « pacte présidentiel » On peut les résumer ainsi :
1) On distribue plus (d’où vient l’argent ?) voir les propositions 1,2, 7, 8, 9 , 10, 17, 19, 21, 24, 25, 27, 30, 31, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 47, 49, 51, 55, 56, 57, 60
2) On conditionne systémiquement toute aide à des conditions, permettant d’assurer la création de centaines de milliers d’emplois de fonctionnaires pour assurer le contrôle de l’application de ces conditions. En fait, il s’agit d’infantiliser les citoyens, les entreprises ou les associations en leur imposant ce qu’évidemment la future présidente sait être mieux pour eux. Voir les propositions 12, 14, 15, 18, 29, 32, 50, 62
3) On renforce le rôle de l’Etat et des élus, comme si on n’avait pas déjà un des Etats les plus interventionniste du monde développé, sans que les résultats soient pour autant plus probants. Voir les propositions 3, 5, 11, 12, 16, 20, 41, 43, 45, 47, 61, 77, 81
Le principe du genre est évidemment de faire plaisir à tout le monde et de multiplier les promesses, dont certaines ne coûtent rien : promettre de réorienter la politique de la BCE quand on sait que tous nos partenaires y sont opposés ne fait de tort à personne….
C’est donc plus l’esprit général qui compte, celui de la dépense, de l’interventionnisme infantilisant.
L’examen de ce que je connais mieux ne me rassure guère. Croire qu’il suffit d’avoir le soutien des Présidents de Régions et de décréter la croissance pour l’obtenir est particulièrement inepte. Entendre S Royal vouloir que demain les représentants du personnel d’une entreprise soient informés des projets de plans sociaux laisse rêveur. D’autant que j’ai de bonnes raisons de penser qu’elle sait que cela existe déjà.
La personnalité de Ségolène Royal pour finir. Elle est mégalo et autoritaire, mais peut on imaginer une personne prête à vouloir devenir président de la République qui ne le soit pas ? Ils le sont tous, et son principal adversaire n’est évidemment pas le dernier. J’apprécie peu par contre son art de nous proposer des mesures qui existent déjà peu ou prou et à vouloir nous faire prendre des vessies pour des lanternes. Elle répète à longueur de discours qu’elle a déjà tout fait dans sa région Poitou Charente. Rappelons que la région n’est pas l’échelon administratif ayant le plus de responsabilité et de budget. Le budget de cette région est d’un peu plus d’un milliard d’euros, à comparer aux 65 milliards d’aides aux entreprises en France ou aux 6 milliards du budget de la Ville de Paris. Essayer de nous faire croire que l’éventuelle participation des régions au capital d’Airbus peut changer les choses, c’est mentir aux citoyens. A elles 8, les régions concernées pourraient semble t’il en plusieurs années acquérir 1% du capital d’EADS !
De la même manière, et
je m’en suis expliqué plusieurs fois, je n’apprécie pas du tout la manière dont
elle a voulu faire croire qu’elle créait une relation plus démocratique avec
les citoyens. S’adresser directement au peuple en bi passant les corps
intermédiaires, cela s’appelle du bonapartisme. Il est vrai que c’est peut être
l’esprit de la 5ème République. Mais organiser des remontées de
citoyens experts pour ensuite faire une pseudo synthèse qui regroupe
essentiellement des extraits d’ouvrages de spécialistes, organiser des débats
participatifs où on ne donne pas les moyens aux participants de progresser
réellement dans la réflexion, puis choisir dans le plus grand manque de
transparence ce qu’on en tire, ce n’est pas du tout ma conception de la
participation et de la démocratie.
Mais revenons à l’accusation d’incompétence qui lui a été faite. Je ne pense pas qu’un candidat à la Présidence doive savoir tout sur tout. Encore que j’admette moins qu’elle n’ait qu’une vision lointaine d’un sujet dont elle veut faire une priorité (comme la violence conjugale où elle ne semblait pas être au courant qu’une loi venait d’être votée). Qu’elle ne rentre pas dans le détail, soit. Que les propositions jugées les plus importantes soient enveloppées d’un grand flou, on peut mettre cela sur le compte des contraintes de la campagne. Mais un dirigeant doit avoir une capacité indispensable : distinguer ce qui est essentiel de ce qui est important, ce qui est important de ce qui est secondaire. J’ai été frappé de voir à quel point les discours de Ségolène Royal sont un alignement de formules plus ou moins creuses, certaines très justes d’autres très générales, mais pas le reflet d’une vraie stratégie. Ecoutez là avec cette remarque en tête et vous verrez !
La seule chose essentielle qu’a comprise Ségolène Royal, c’est qu’il fallait faire savoir plus que savoir faire et que cette communication doit prendre le citoyen dans le bon sens du poil. Elle nous dit qu’il vaut mieux être riche et en bonne santé que pauvre et malade, que se serait tellement bien si tous les gars du monde pouvait se donner la main. Qui prétendra le contraire ? Mais un diagnostic sur l’état de notre pays, je ne l’entends pas.
J’ai beau savoir que charger l’héritage fait partie de la règle du jeu, mais sur des sujets ou des propositions qui concernent l’action permanente de l’Etat, on n’imagine pas à écouter la candidate socialiste que ses amis ont dirigés ce pays plus souvent qu’à leur tour ces 25 dernières années, et que de plus elle y a participé.
Pour conclure, le Parti Socialiste est fortement tenté par une régression idéologique au moment où la situation de notre pays demande au contraire à adapter la pensée aux conditions de ce 21ème siècle déjà bien commencé. Sa candidate a paru prendre les moyens de changer les lignes mais le résultat est très décevant. Elle se retrouve avec parmi ses principaux conseillers A Montebourg et JP Chevènement .Au mieux, si elle est élue, elle continuera à faire croire aux Français que tout peut continuer comme avant. Au pire, et cela me parait plus probable, elle enfoncera un peu plus notre pays dans la dernière place qu’il est en train de prendre progressivement parmi les pays de l’Europe de l’Ouest.
On
l’aura compris, je ne voterai pas Ségolène Royal.
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