Je vais passer pour un salaud ou un vieux facho (ou révéler que j’en suis un ?) en expliquant que le SMIC est trop élevé et que c’est une erreur de vouloir l’augmenter. La réalité est que les augmentations du SMIC plus rapidement que le salaire moyen se font au détriment des travailleurs les moins qualifiés, ceux précisément que l’on est sensé favoriser
Augmenter le SMIC a des
effets positifs immédiats pour les smicards en augmentant leur pouvoir d’achat
(et oui, j’utilise encore cette expression que certains jugent incompréhensible
par le salarié moyen, malgré son utilisation depuis des décennies par les
syndicats !). Mais, comme souvent en économie, les effets à long terme
d’une telle mesure vont dans le sens opposé de ses effets immédiats.
Ces effets sont liés au niveau absolu du SMIC d’une part, à son
niveau relatif par rapport aux
autres salaires d’autre part.
Les entreprises (du moins
certaines, cela dépend des secteurs) et le MEDEF se plaignent régulièrement de
la valeur trop élevée du SMIC. Il ne
faut pourtant pas se faire d’illusions : ce n’est pas un SMIC plus bas qui
peut nous protéger de la concurrence des (ou des délocalisations vers les) pays
à très bas, voire bas salaires, sur les activités les moins complexes. En ce
qui concerne la concurrence avec les pays développés (nos voisins), il est
probable que le niveau des salaires joue un rôle dans la concurrence, mais on
observera que les secteurs concernés sont généralement ceux où les salaires
sont supérieurs (parfois largement) au SMIC (à l’exemple de la Chimie ou de la
Banque par exemple).
Au final, un SMIC élevé
conduit à détruire des emplois non qualifiés. Dans son rapport au CAE sur le
plein emploi en 2000, Jean Pisani Ferry citait des études qui chiffrait à 1.5%
des emplois au SMIC la perte pour une augmentation de celui-ci de 1%. Il citait
également (p 30) des études très récentes qui estimaient entre 125 000 et
450 000 le nombre d’emplois non qualifiés créés par les exonérations de
charges sur les bas salaires. On note que cette politique de baisse de charge a
permis à partir de 1994 d’inverser la baisse systématique du nombre d’emplois
non qualifiés.
La question du positionnement
relatif du SMIC est à mon avis encore plus grave. Entre janvier 1981 et
septembre 2006 (dernières statistiques disponibles), le salaire brut mensuel
moyen des salariés a augmenté de 25%. Dans le même temps, le SMIC horaire a
augmenté de 60%, soit une hausse supérieure de 28%. ! Pour tenir compte de
l’effet 35 heures, il est cependant préférable de comparer les salaires
horaires. Le SMIC horaire a augmenté de 18% de plus que le salaire ouvrer
horaire sur la période. La conséquence est simple : un écrasement de la
grille des bas salaires et une élévation régulière de la proportion de
smicards, qui atteignent maintenant le taux jamais obtenu auparavant de 17%.des
salariés.
A ce propos, il est assez
surprenant de voir certains s’appuyer sur le fait qu’il y a beaucoup de
smicards pour réclamer une hausse vigoureuse du SMIC : il est pourtant
logique qu’une hausse rapide du SMIC (en tous cas plus rapide que le salaire
moyen) aboutit à augmenter le nombre de smicards !
La situation est d’autant
plus anormale qu’à salaire par niveau de qualification inchangé, l’augmentation
du niveau moyen devrait conduire mécaniquement à une augmentation de l’écart
entre les salaires des moins qualifiés et le salaire moyen. On observe le
contraire. Quand le salaire net d’un prof certifié d’une ancienneté donnée
baisse d’environ 15% depuis 1981, le
SMIC brut horaire augmente lui de 60%. Est-ce
vraiment raisonnable ?
Ecraser la hiérarchie des bas
salaires conduit à renforcer l’effet d’éviction, qui conduit les plus qualifiés
à accepter de se déqualifier pour trouver du travail, et donc à reporter le
chômage sur les moins qualifiés. Le titulaire d’un CAP ou d’un BEP qui aura
trouvé provisoirement un travail non qualifié au SMIC, sera peu enclin à le
quitter pour un autre qui ne lui rapporte pas grand-chose en plus. Le résultat,
c’est que ceux qui sortent de l’école sans qualification, se trouvent souvent
sans travail. Le taux de ceux qui sont dans ce cas au bout de trois ans varie
entre 40 et 50% ! Pour les jeunes sortis du système d’enseignement en
2001, le taux de chômage était en moyenne au bout de 3 ans de 15% mais de 40% pour les non
qualifiés !
Certains parmi les plus
libéraux pensent qu’il ne faut pas de SMIC. Ce n’est pas mon point de vue :
il est bon qu’il y ait une voiture balai pour que les plus cyniques n’abusent
pas de l’ignorance des plus faibles et des moins qualifiés. C’était le principe
du SMIG (salaire minimum interprofessionnel garant) avant qu’on en fasse un
outil de croissance des revenus (SMIC). La plupart des pays qui ont un SMIC l’utilisent
comme cela et ont environ 3% de smicard. Une seule exception, en plus de la France :
la Finlande, qui a 28% de ses salariés au SMIC.
Pour conclure, la promesse
socialiste de monter rapidement le SMIC à 1500 euros est une mauvaise nouvelle
pour les salariés les moins qualifiés : une promesse de chômage aggravé.
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