Plus
d’Etat, moins d’Etat ? Mieux d’Etat selon la célèbre formule de Michel
Rocard ? A travers les demandes formulées par les citoyens dans les
médias, à travers les propositions des candidats apparaissent des conceptions
variées du rôle de l’Etat et de son mode d’intervention dans la société.
Valéry
Giscard d’Estaing avait selon une formule célèbre, expliqué qu’au-delà de 45%
de prélèvements obligatoires, on était dans le socialisme. L’ironie de la chose
est que ce seuil a été franchi pendant son septennat. Ce chiffre est sensé
montrer la part du PIB qui procède de choix collectifs et celle qui procède de
choix individuels. En réalité les choses sont plus complexes. Si le ravalement
des façades est obligatoire dans ma ville tous les 20 ans, le fait de réaliser
ce ravalement procède t’il de ma part d’un choix individuel ou collectif ?
De la même manière l’assurance auto de base est obligatoire. La puissance
publique rend donc obligatoires des dépenses individuelles. Par ailleurs, on compte
dans les prélèvements obligatoires des sommes qui vont à l’Etat ou d’autres
collectivités territoriales gérées par la puissance publique et dirigées par
des élus, et des sommes( cotisations sociales) qui vont à des organismes gérées de manière paritaires par les
représentants des salariés et du patronat (encore que l’Etat intervienne de
plus en plus dans ce domaine, ne serait ce que pour des raisons de
financement).
Réfléchir
à la place de l’Etat et des organismes collectifs nationaux ou territoriaux
dans la société, c’est donc réfléchir
à la part à
donner aux prélèvements obligatoires
et à la manière dont l’Etat (ou les collectivités)
pèse sur les choix individuels (ou collectifs) privés
mais aussi à la manière dont la puissance publique
utilise les sommes qui lui sont confiées par les citoyens (quelle répartition
et quelle efficacité dans la dépense)
En ce qui concerne la part des prélèvements
obligatoires dans la richesse publique, je n’ai pas d’à priori sur le montant
idéal (qui n’existe pas d’ailleurs). Je constate simplement que le niveau
atteint depuis quelques années pose déjà des problèmes de fraude et
d’acceptabilité. Il a fallu passer la TVA à 5.5% pour faire régresser le
travail au noir dans les travaux de réparation, comme la déduction d’impôt a
permis de sortir du travail au noir une partie des services à la personne. Le
niveau de la fraude fiscale révélé cette semaine montre qu’il ne s’agit pas
d’une question marginale. Le fait que le salaire net ne représente plus qu’un
peu plus de la moitié du salaire chargé commence à être perçu comme un
problème, pas seulement pour les cadres ou les commerçants.
La manière dont l’Etat intervient dans les choix
privés est, à mon avis, à la fois exagérée (il intervient trop) et maladroite
(il intervient mal). C’est en particulier vrai dans le domaine social, où il ne
peut s’empêcher de se mêler de tout, conduisant de fait à affaiblir les
syndicats. J’ai montré ici à propos du SMIC comment les décisions de l’Etat
pouvaient se retourner contre ceux qu’elles sont censées favoriser. Le plus
gênant, encore signalé par un rapport
de la cour des comptes sur les interventions de l’Etat dans le domaine de
l’emploi, est le changement incessant des règles et des dispositifs.
Ce qui me scandalise le plus, c’est que l’Etat
impose au secteur privé des règles qu’il ne suit pas lui-même. Chaque fois que
je découvres un nouveau cas, par exemple à l’occasion de mes interventions dans
le secteur public, cela me fait bouillir. J’avais ainsi pu constater que les
facteurs pouvaient faire sans limite (mais sur la base du volontariat) des
heures supplémentaires pour distribuer de la PNA (publicité non adressée)
l’après midi après leur tournée. Je viens de découvrir qu’en vertu d’un décret
datant des années 60, les surveillants de prison font jusqu’à 432 heures
supplémentaires par an (la limite était à 130 heures dans le privé, la droite
l’ayant fait passer à 180 en 2002). Cela aboutit à 9( !) heures
supplémentaires par semaine en moyenne .J’aimerais bien qu’on m’explique pourquoi
la puissance publique estime qu’une règle est légitime pour les autres mais pas
pour elle ?!
La manière dont l’Etat est lui-même géré pose deux
types deux questions. Celle de la bonne utilisation des ressources n’est
presque jamais évoquée, le principe de base étant apparemment qu’il faut de
nouvelles ressources pour de nouvelles actions. laisse à désirer comme la
montrer abondamment le rapport Pébereau a pourtant abondamment montré qu’on
pourrait faire mieux avec moins de ressources. La question des objectifs et des
moyens est plus souvent abordée,
fréquemment de manière passionnelle et idéologique, la culture de l’évaluation
et du benchmark n’étant guère entrée dans les mœurs. On en a un exemple dans le
débat sur la police de proximité.
On notera au passage que le choix pour la puissance
publique de faire elle-même ou de déléguer reste aussi du domaine idéologique.
La Suède a délégué à des agences une grande partie de ses activités publiques.
Cela ne mériterait il pas d’être regardé de plus prêt ?
Pour conclure ce billet déjà long, mon souhait est que la puissance publique s’occupe moins de ce qui n’est pas directement de sa responsabilité et plus de la bonne gestion de ses ressources humaines et financières. A écouter les candidats et en particuliers certains, ce n’est pas gagné !
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