La DARES et le Centre d’analyse stratégique (qui a succédé au Commissariat au Plan) viennent de publier le rapport du groupe « prospective et qualifications » sur les métiers en 2015. Ce rapport fait suite au rapport Seibel qui faisait la même réflexion il y a 5 ans, mais à l’horizon 2010. Ce rapport est extrêmement riche et mérite une analyse fine. Je me contenterais pour l’instant de quelques observations majeures.
Le rapport Seibel faisait l’hypothèse d’une croissance
de 2.9% par an dans son scénario moyen et de 2.4% dans une variante basse. La
conséquence en était une prévision de taux de chômage à 6.7% en 2005
(8.4% dans la variante basse) qui s’est révélée très optimiste.
Le nouveau rapport est donc plus prudent, dans ses
hypothèses, avec le choix d’une croissance de 2% et un emploi assez
systématique du conditionnel dans la synthèse présentée au début du rapport. Il
prévoit la création nette de 1.5 million d’emploi contre 2.8 million dans le
rapport Seibel. Il semble à la lecture
qu’il y a eu débat au sein du groupe (ce qui est plutôt une bonne chose) et que
les idées ont évolué avec le temps. Le rapport contient page 34 un encadré,
intitulé « stabilisation de la population active, vieillissement et chômage :
les apports de la littérature, » texte qui émet l’idée que la baisse de
la population active, non seulement ne résout pas le chômage mais pourrait même
l’augmenter. Ce texte est très conforme à la Tribune que j’ai écrite avec
Alexandre Delaigue, publiée par Le Monde le 10 novembre.
Autre satisfaction personnelle, les prévisions de
départ des professeurs dans les 10 ans ne reprennent pas les fantasmes de
départ de 50% des fonctionnaires dans les 10 ans. La proportion est de
l’ordre de 30%.
S’il y incertitude sur les volumes globaux de
création d’emploi, qui dépendront de la croissance réelle, les prévisions
par métier sont en fait plus sûres. On comprendra en effet qu’une erreur de
3% sur le volume futur d’emploi est assez marginale sur l’évolution d’un emploi
prévue en croissance de 30% ou en décroissance du même taux : les
tendances fortes demeurent. Il faudra comparer ces tendances avec celles du
rapport précèdent mais il ne semble pas à première vue y avoir de changement
majeur. On a toujours une augmentation des métiers de cadres et de service à la
personne et une diminution forte des métiers d’ouvriers non qualifiés.
La principale nouveauté est la mise en évidence de
la grande différence d’évolution suivant les sexes. En effet, la plupart
des familles professionnelles qui verront de fortes créations d’ »emploi
sont peu mixtes. C’est le cas notamment des familles qui viennent en 1er
, 4ème, 8ème et 9ème place, qui comptent
respectivement 99, 91, 98 et 87 % de
femmes, quand le 2ème, le 7ème
et le 10ème en comptent respectivement 20, 11 et 23%.
Quand on croise ces constat avec les niveaux de
qualification, on s’aperçoit que les deux métiers en développement les plus
féminins (à 98% et 99%) sont des métiers peu qualifiés : assistantes
maternelles, aides à domicile et employés de maison. Alors que les filles ont
un taux de réussite au bac nettement supérieur à celui des garçons ! Le
rapport Seibel montrait que le nombre d’emplois non qualifiés disponibles
serait plus faible que celui des jeunes qui sortent sans qualification de
l’Education Nationale, on découvre maintenant que ces emplois seront surtout
féminins. Les garçons non qualifiés auront donc très peu de propositions
d’emploi alors qu’on risque d’avoir de grandes difficultés de recrutement dans
les métiers non qualifiés « féminins » ou des déqualifications de la
part de certaines femmes. Le rapport explore les pistes de mobilité et
d’évolution de la mixité. Ce sujet est évidemment à creuser !
A l’autre bout de l’échelle des qualifications, l’augmentation du nombre de cadres pourrait profiter aux femmes qui ne sont que 20% de cette catégorie. Mais la stagnation du nombre d’employés qualifiés pourraient désavantager les femmes de qualification intermédiaire.
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