Alexandre Delaigue a publié à l’occasion d’une réflexion sur les cadeaux faits à Noël, un inventaire rapide des biais de compréhension de l’économie par les néophytes. Andréa Bonapetti edite en ce début d’année un article sur la compréhension des rapports cause effet en économie. Je suis bien loin des compétences économistes d’Econoclaste, de l’Economiste, d’Olivier Bouba Olga ou d’Optimum (que j’ai mis tous quatre sur ma blog liste et dont je recommande vivement la lecture à ceux de mes lecteurs qui veulent mieux comprendre l’économie).
Mais
il se trouve que je voulais depuis longtemps faire un article pour
mettre en évidence quelques caractéristiques fondamentales de
l’économie qu’il faut avoir en tête pour la comprendre et pour éviter
de proposer des actions qui iraient à l’encontre des objectifs
recherchés.
Il me semble qu’il faut d’abord avoir dans l’idée que l’économie est un système dans lequel interviennent une foule de décideurs,
en fait tout ceux qui a un moment donné décident de produire un bien ou
un service, ou de modifier la quantité produite ou la manière dont se
fait le produit, ou qui décident de procéder à un échange. L’économie
est aussi affectée par des phénomènes naturels,par exemple la quantité
de soleil qui fait que la production de fruit est plus importante cette
année (on verra une autre fois ce qui se passe dans une économie
entièrement planifiée).
Les
acteurs, en prenant leurs décisions, le font en fonction de critères
qui leur sont propres (leurs envies, leurs valeurs, leurs besoins), en
fonction de leurs moyens et des informations dont ils disposent. Par
exemple ; ce matin, j’ai acheté 2 baguettes au lieu d’une parce que ma
fille venait manger (besoin), que je préfère la baguette au pain
(envie), que le fait qu’elle soit plus chère au kilo n’est guère un
élément de décision au regard du prix du pain comparé à mon revenu.
J’ai été à ma boulangerie habituelle qui a donc vendu une baguette
supplémentaire quand celle où se fournit ma fille habituellement en a
vendu une de moins. Bref, nous prenons tous les jours ce genre de micro
décisions, qui seules ont un impact faible mais réel sur la machine
économique mais conjuguées peuvent être beaucoup plus importantes.
Un
événement important va déclencher dans ce système économique une nuée
de réactions des décideurs touchés par l’événement. Par exemple, un
tremblement de terre va entraîner successivement des déplacements de la
part des habitants de la zone touché, du travail pour les sauveteurs,
les hôpitaux et éventuellement les pompes funèbres puis les entre
prises de bâtiment appelées à reconstruire.
De la même manière, l’augmentation de prix du baril va conduire à toutes sortes d’évolutions de nature différentes.
La
conséquence immédiate, c’est un appauvrissement des acheteurs. On a
cependant tendance à oublier que cela entraîne aussi un enrichissement
des producteurs. La situation des intermédiaires peut être variable.
Ces
variations de pouvoir d’achat vont entraîner une diminution de la
demande des autres produits et services habituellement consommés par
les acheteurs et/ou une évolution de leur épargne. De même il va y
avoir une augmentation de la demande des produits et services qui
intéressent les producteurs, et/ ou une évolution de leur épargne. Ces
évolutions peuvent entraîner à leur tour des modifications de prix qui
à leur tour…..
Au-delà
de la conséquence immédiate sur les revenus des uns et des autres, les
acteurs vont tenir compte de leur nouvel environnement et modifier
leurs décisions. D’abord en consommant moins de ce pétrole dont le coût
a augmenté. Le nombre de kilomètres parcourus
par les français a ainsi baissé de 4% à la suite de l’augmentation du
prix du baril. Au-delà de ces modifications pas forcément durables
(elles tiennent à des comportements), des actions plus prennes sont
entreprises : des investissements pour consommer moins (achat de
voitures moins consommatrices, travaux d’isolations, installations de
moyens de régulations plus fins etc.) pour changer de source d’énergie
ou pour rechercher du pétrole : dans ce domaine, les activités des
entreprises liées à l’exploration (CGG,
Technip…) ont explosé. Mais cela ne peut se faire du jour au
lendemain : il y a ainsi pénurie d’ingénieurs géophysiciens en raison
d’une demande très forte. On peut modifier à moyen terme le nombre
d’ingénieurs formés mais seulement dans une certaine mesure et cela
prend du temps.
Au
bout du compte, l’ensemble de ces micros décisions prises par tous les
acteurs, vont aller dans le sens d’une augmentation de l’offre et d’une
diminution de la demande donc une baisse des
prix. Ce phénomène n’est en général pas immédiat, mais la durée de
réaction est très variable selon les produits : une variation
importante du prix des places de cinéma a des impacts très rapide alors
que la durée du mécanisme sur le pétrole exposé ci-dessus se mesure en
années voire en décennies
De
manière générale (c'est-à-dire qu’il y a des exceptions !) un événement
qui fait varier une donnée par rapport à sa valeur moyenne entraîne des
décisions qui tendant à faire revenir la donnée vers cette valeur. Tout
cela toutes choses égales par ailleurs, ce qui n’est évidemment jamais
vrai !
Malheureusement,
les politiques semblent souvent ignorer ces caractéristiques de
l’économie et proposent des mesures en présentant uniquement leur effet
direct, sans prendre en compte l’ensemble des nombreux autres effets à
court ou moyen terme.
Par
exemple, une augmentation des prix des logements comme on la voit
depuis bientôt 10 ans entraîne logiquement une augmentation de la
construction (on l’observe effectivement), laquelle elle-même va
freiner progressivement la hausse des prix. Bloquer les prix des
logements conduirait évidemment à limiter cette augmentation de la
construction. Si le problème majeur est le manque de logements, il
s’agit d’une décision qui va à l’encontre des objectifs affichés
(permettre aux gens de se loger).
Dans la réflexion économique, il s’agit donc de prendre garde à ne pas se contenter d’un raisonnement cause / effet mais de raisonner en système.
Toute la difficulté (et l’un des objets de recherche des économistes),
est de repérer les influences réciproques et d’évaluer le poids
respectif des différentes conséquences d’un événement (le plus
difficile parce que cela peut être très différent selon le contexte).
Un
dernier exemple, toujours à propos du pétrole : le PS avait proposé de
limiter la hausse de l’essence en modulant les taxes sur le pétrole.
Cette mesure aurait eu pour conséquence de limiter les réductions de
consommation (ce à quoi on pense assez spontanément) mais aussi
d’utiliser des ressources qui n’auraient pas été utilisé ailleurs (ce
qu’on oublie généralement et qui est peut être l’effet le plus
important).
Pour conclure, on retiendra que négliger les décisions de l’ensemble des acteurs suite à une mesure quelconque conduit à se tromper sur les effets de celle-ci, parfois radicalement, c'est-à-dire en obtenant le résultat inverse de celui attendu. Un exemple connu en est la taxe Delalande qui avait pour objectif de décourager les entreprises de licencier les salariés de plus de 50 ans et qui a conduit à ce qu’elles ne les embauchent plus !
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