La ville de Berlin compte, parmi les principales rues qui mènent au Reichstag, une avenue Foster Dulles, du nom de l’ancien secrétaire d’Etat américain d’Eisenhower, théoricien et praticien de la guerre froide. On n’imaginerait pas cela à Paris! Ce nom est un des symboles de ce qu’à connu la ville dans les décennies qui ont suivi la chute d’Hitler et du 3ème Reich. Mais le principal symbole de ces décennies est bien sûr le mur.
Dans
la nuit du 12 au 13 août 1961, les autorités de la RDA démarrèrent la
construction d’un mur de 45 km de long, flanqué de miradors et de
casemates, doublé de chaque coté d’une bande de 100 m de large, minée
et semée de barbelés. Pour la première fois dans l’histoire, un mur
d’enceinte fût édifiée par un gouvernement, non pas pour protéger son
peuple de l’envahisseur, mais pour l’empêcher de quitter son pays. Il
est vrai qu’entre 1949 et 1961, 3 millions d’allemands de l’est (soit
plus de 15% de la population!) avaient choisi de passer de l’autre
coté.
Vingt
huit longues années plus tard, à partir du 9 novembre 1989, le mur
s’ouvre, précédent de moins d’un an la réunification des deux
Allemagnes. Les berlinois détruiront très vite et systématiquement
toute trace du mur pour former une seule ville, avant de prendre
conscience de l’intérêt de garder un minimum de souvenirs de cette
période. Il reste aujourd’hui une portion de mur taguée le long de la
Sprée, de plus d’un km de long. Mais c’est surtout autour d’un point de
passage entre les zones russes et américaine, situé très près du centre
ville, le check point Charlie que sont rassemblés le maximum de
souvenirs avec un musée (que nous n’avons pas visité) et une exposition
de photos commentées, affichées sur les murs autour du carrefour.
L’avenue
qui prolonge coté ouest la fameuse « Unter Den Linden » (les Champs
Elysées berlinois) porte le nom de rue du 17 juin, en souvenir d’une
manifestation qui rassembla en 1953 un million de berlinois de l’est
réclamant des élections libres. Cette manifestation à dominante
ouvrière fût réprimée dans le sang, avec 55 morts et des milliers
d’emprisonnés, sans compter les blessés. D’autres manifestations eurent
lieu bien plus tard, autour de la même revendication, mais les leaders
furent simplement expulsés à l’Ouest.
Des
photos montrent aussi les diverses solutions imaginées par les
berlinois qui réussirent à franchir le mur au péril de leur vie, ainsi
que ceux qui échouèrent et furent soit fait prisonniers, soit
mitraillés dans leur tentative de fuite.
Bien
que la RDA soit considérée comme le pays de l’Est ayant la meilleure
réussite économique, la comparaison entre les deux Allemagnes, que
les habitants pouvaient faire facilement à travers les émissions de
radio ou de télévision ou grâce aux visites que ceux de l’Ouest
pouvaient faire à l’Est, ne laissait place à aucun doute sur la
différence de niveau de vie.
L’Allemagne de l’Est tenta de redorer son blason sur le plan sportif, réussissant à tenir le 3ème
rang mondial après les deux Grands. Ce résultat étonnant pour une
nation de moins de 20 millions d’habitants fût obtenu à coup d’hormones
et de dopage en tout genre, au point que l’Allemagne vient d’accepter
de dédommager plus d’un millier d’anciens sportifs de haut niveau qui
payent aujourd’hui de leur santé le système instauré à l’époque.
Lors
de la réunification, le chancelier Kohl dû prendre une décision
difficile et lourde de conséquences: valoriser le Mark est allemand à
la moitié du Mark ouest allemand, comme le lui conseillaient ses
économistes (mettant ainsi les salaires à l’est à la moitié de ceux de
l’ouest) ou comme il le décida, valoriser les deux marks à égalité. Le
premier choix aurait sans doute facilité la remise à niveau progressive
de l’Allemagne de l’Est, à l’image de ce qui se passe aujourd’hui dans
d’autres anciens pays de l’Est, qui connaissent un taux élevé de
croissance. Mais il faisait courir le risque d’un exode massif des
« Ossies » vers l’Ouest. On rappellera simplement ici que la chute du
mur fût précédée durant quelques mois par de nombreux départs via la
Hongrie. Aujourd’hui la Roumanie a 20% de ses actifs immigrés en Europe
de l’Ouest (en Italie et en Espagne principalement) ce qui donne une
idée de ce qui aurait pu advenir en Allemagne avec moins de distances à
parcourir et sans la barrière de la langue!
Finalement,
le choix du chancelier s’est porté vers l’harmonisation fiscale et
sociale par le haut chère à nos « nonistes »; Le résultat n’est guère
brillant. Cette solution a coûté à l’ensemble de l’Union européenne la
forte récession des années 93/96, aux allemands de l’Ouest des
centaines de milliards d’euros à travers l’impôt pour la réunification,
et aux allemands de l’Est un taux de chômage de 20 %. Elle n’a pas
empêché l’exode de 2 millions de personnes de l’Est vers l’Ouest depuis
la chute du mur. Ces coûts ne facilitent pas les relations entre
« Wessies » et « Ossies », mais à Berlin, la réunification est un fait
acquis, d’autant plus qu’elle a permis à la ville de redevenir la
capitale du pays, avec les institutions qui vont avec.
Berlin, symbole des deux grandes folies idéologiques du 20ème siècle est devenu une ville conviviale. Espérons qu’elle le reste le plus longtemps possible.
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