L’évocation de la question de la dette amène un certains nombres d’objections que je voudrais reprendre ici pour les examiner (je parle des objections des gens sérieux et honnêtes bien sûr).
La plus classique d’abord : s’endetter n’est pas forcément mauvais, cela permet d’investir et de préparer l’avenir, que ce soit pour un particulier qui achète son logement, une entreprise qui investit dans du matériel ou l’Etat qui investit dans la recherche développement et la formation des jeunes. Tout cela est bel et bon, mais la réalité est que la France ne s’est pas endettée pour investir mais pour ses dépenses de fonctionnement, le rapport Pébereau consacre de nombreuses pages à le démontrer.
La plus sérieuse : l’Etat s’est endetté, mais en contrepartie des créanciers ont payé, tout cela fait partie d’un équilibre. Cette observation qui s’appuie sur le fait que par définition si on a emprunté d’autres ont prêté, néglige plusieurs faits :
Une partie (à peu près la moitié) des créances est détenue à l’étranger
Les intérêts de la dette pèsent aujourd’hui l’équivalent de l’impôt sur le revenu : en bref, ils diminuent d’autant les marges de manœuvre de l’Etat
Les déficits continuant, il faut en permanence trouver des créanciers, ce qui met l’Etat en situation de faiblesse et nous rapproche d’une situation où l’emprunt coûtera plus cher (voir récemment la dégradation de la notation de la dette Italienne qui augmente son coût)
En empruntant massivement, l’Etat a en partie asséché le marché (d’où le recours à l’extérieur) et concurrencé ceux qui voulaient emprunter pour leurs investissements (effet d’éviction)
L’idée s’est aussi solidement installée que les dépenses de l’Etat sont bonnes pour la croissance, comme la consommation, et qu’un bon petit déficit relancera l’économie. Cette simplification outrancière des idées keynésienne a montré ses limites lors de la relance 1981 : 1982. Le rapport Pébereau a montré à propos de la cagnotte qu’une politique de déficit en période de croissance n’est pas keynésienne mais simplement imbécile. J’invite tous ceux qui ne sont pas convaincus par ces arguments ou qui trouvent cela trop compliqué à réfléchir au fait suivant : entre 1995 et 2004, 3 seulement des 15 pays membres de l’Union Européenne avant l’élargissement à l’Est ont vu leur dette augmenter. Il s’agit de la France, de l’Allemagne et de la Grèce. Ces sont les trois pays qui ont le plus fort taux de chômage aujourd’hui. Leurs déficits ne les ont donc pas aidé à résorber celui-ci !
Autre idée : l’État ne peut pas faire faillite. Et bien si. D’ailleurs il s’est trouvé déjà fait deux fois dans une situation de ce type en France : la première fois en 1720 après l’expérience de Law et la deuxième fois en 1797 avec les assignats. La question de l’endettement de l’État est une cause directe de la Révolution française, le roi ayant convoqué les États généraux pour pouvoir lever de nouveaux impôts.
Il suffit d’un peu d’inflation, vous dira t’on, en souvenir des périodes d’après guerre ou des années 70. Rappelons aux partisans de cette solution que l’indexation des salaires sur les prix a disparu et que donc les salariés seraient victimes de l’inflation. Et observons à la lumière de l’histoire, qu’une telle logique entraîne une inflation de plus en plus forte, jusqu’à l’hyper inflation de l’Allemagne des années 20 ou de l’Argentine des années 90, ou jusqu’à un plan de rigueur dont on sait bien ce que cela entraîne. En fait ce genre de manière de repousser le problème ne conduit qu’à rendre les remèdes plus lourds ensuite. Sans compter qu’une inflation plus forte que nos voisins, signifie avec l’euro une perte de compétitivité comme l’Italie l’apprend actuellement à ses dépens.
Sortons de l’euro alors, diront ceux qui refusent les critères de Maastricht, en oubliant que c’est l’euro qui nous permet des taux d’intérêt faibles et que notre dette est libellée en euro : sortir de l’euro, c’est simplement augmenter le coût des remboursements, intérêts comme capital.
A suivre !
Publié le 1 novembre sur mon ancien blog
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