J’entendais hier la reprise d’un de ces jeux où le candidat peut demander au public de l’aide pour répondre à la question posée. Il était repris car à la question « qu’est ce qui tourne autour de la terre, 56% des spectateurs présents dans la salle avaient répondu « le soleil ». Voilà un magnifique exemple du fait que les citoyens peuvent se tromper collectivement, même sur une question dont ils ont normalement appris la réponse à l’école. Est-ce pour autant la fin des citoyens experts ?
Dans ce domaine du participatif, deux erreurs classiques sont à éviter :
penser que les participants ont forcément la bonne solution
penser que parce qu’ils se trompent sur la solution, ce qu’ils disent n’a pas d’intérêt
Le premier point
me rappelle une démarche participative que j’avais menée dans une usine
utilisant des techniques assez pointues en métallurgie et dont la
plupart des cadres de production avaient un doctorat dans ce domaine.
L’une des sorties de la démarche avait consisté à organiser la manière
dont les ouvriers (niveaux bac pro à bac +2) pouvaient contribuer au
progrès des méthodes de travail. Le cadre qui animait un groupe avec
moi en avait conclu qu’il n’avait plus à être un expert mais un
manager. J’avais été obligé de le détromper : s’il était dommage de se
priver du savoir des ouvriers sur leur métier, il aurait été encore
plus dommage de se priver de ses compétences. Il était utile que chaque
partie apprenne à mieux écouter ce que l’autre avait à lui apporter, et
en particulier que le cadre utilise son expertise pour trier dans les
propositions des ouvriers.
Le deuxième point
est peut être moins classique mais tout aussi important. Il n’est pas
rare d’entendre sur un sujet quelconque, une personne faire une
suggestion manifestement inapplicable ou dépourvue d’intérêt.
L’expérience montre qu’il est souvent utile, au lieu de se contenter de
balayer d’un revers de main cette suggestion, d’essayer de comprendre
ce que cherche la personne à travers cela : une suggestion, en
particulier sur le travail, correspond le plus souvent à un problème
que la personne subit et qu’elle veut solutionner, parfois très
maladroitement. Identifier précisément ce problème est un pas important
vers sa solution.
Ce n’est pas
forcément facile. J’entendais récemment Christian Blanc expliquer qu’au
moment de la crise en Nouvelle Calédonie, tout le monde se positionnait
autour d’une solution, pour ou contre l’indépendance, et l’île entrait
inexorablement dans la guerre civile . Il a compris que la bonne
question n’était pas celle là, mais celle de la reconnaissance de
l’identité d’un peuple qui se sentait nié. A partir de là, il a pu
construire avec les responsables une solution durable (elle tient
depuis maintenant 18 ans ½) parce que répondant à la vraie question.
On comprend bien à
partir de toutes ces remarques, que je ne me retrouve pas dans les
positions prises par Ségolène Royal. Elle a pourtant compris un des
points majeur des attentes des citoyens, celui de demander à être traités de plain pied, d’égal à égal par les élus.
Cependant, on
observera que le travail participatif qu’elle a enclenché au printemps
ne débouche pas. L’appel à la participation a rencontré une demande
qui, même si elle est très minoritaire à l’échelle de la nation,
représente un effectif non négligeable. Et les participants concernés
ne semblent pas pour l’instant déçus par les difficultés d’avancement.
Mais on en est toujours aux deux premiers chapitres, et ceux-ci se
contentent de faire des constats, souvent extraits de livres d’experts reconnus.
Pour répondre aux
besoins des français, il ne suffit pas de lire les enquêtes d’opinions
et d’utiliser toutes les recettes du marketing. Oh, bien sûr, cela peut
permettre d’être élu, comme J Chirac l’a compris depuis longtemps. Mais
après ? S’agit il de chercher le pouvoir pour le pouvoir, comme notre Président actuel l’a toujours fait ou pour agir dans l’intérêt du pays ?
Ce dernier objectif suppose la capacité à identifier les questions majeures et à trouver les leviers du changement.
Pour l’instant, Mme Royal a montré sa capacité à dire tout haut ce que
les Français pensent tout bas (comme je l’ai entendu dire par une
militante dont la culture politique limitée ne lui permet pas de savoir
quelle répète les mots d’un certain JMLP), à obliger les responsables
socialistes à regarder en face des questions qu’ils préféraient ignorer
jusqu’à présent. Mais elle n’a montré ni sa capacité à les interpréter,
ni sa capacité à trouver des solutions. Après avoir glosé sur les
citoyens experts, elle nous dit qu’elle saura s’entourer d’experts pour
résoudre les problèmes qu’en tant que Présidente elle aura désigné
comme prioritaire.
Sa vision du rôle du président de la République
est l’inverse de celui prôné par N Sarkozy ou DSK, qui se voient en
supers premiers ministres. Elle se voit définissant le cahier des charges
à suivre par son gouvernement, à partir des priorités et des valeurs
que les Français auront choisi à travers elle. Malheureusement, si elle
a montré qu’elle savait entendre les inquiétudes de nos concitoyens,
elle n’a pas montré sa capacité à les traduire dans des objectifs
adaptés ou dans une stratégie d’action. C’est comme cela qu’on se
retrouve avec une « solution » comme l’interdiction aux entreprises
bénéficiaires de délocaliser ou l’idée de deux adultes dans les classes difficiles.
Dans un pays qui
vient de montrer qu’il a un problème crucial de croissance, elle
affirme dans Le Monde du 11 novembre : « Aujourd’hui, le pays est bloqué
parce qu’on a un État central qui s’oppose aux régions sous prétexte
que les régions sont dirigées par les socialistes. Si l’on crée un
mouvement de confiance et si l’État central tire dans le même sens que
tous les acteurs économiques, on peut relancer durablement une
croissance durable. J’y crois »
Et bien pas moi !
Et pourtant je suis pour que les régions prennent le leadership dans la
micro économie. Mais cette déclaration, c’est de la bouillie pour chat.
Ségolène Présidente, ce n’est qu’une façon renouvelée de rester dans l’immobilisme et dans le non traitement des problèmes majeurs comme celui du déficit budgétaire ou de la croissance.
Paru le 15 novembre sur mon ancien blog
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