Ce jeudi matin j’entendais une journaliste reprendre l’antienne de l’obsolescence programmée avec l’inusable exemple de l’accord des industriels américains sur la durée de vie des lampes. Comme quoi, les idées reçues ont la vie dure, même quand toutes les informations nécessaires ont été données sur le sujet.
Lors de mes lointaines études, j’ai suivi des cours de résistance des matériaux. La question était de savoir les dimensions que l’on devait choisir pour qu’un produit soit suffisamment solide pour résister aux contraintes qu’il allait devoir subir. Par exemple, si je construis une passerelle de 1 mètre de large pour laisser passer des piétons, je n’ai pas les mêmes contraintes que si je construis un pont sur lequel vont passer sur 4 voies des camions de 45 tonnes !
On comprendra aisément que la poutre de 20 cm sur 20 qui peut être suffira pour ma passerelle sera insuffisante pour supporter les poids lourds. Dis autrement, pour être plus résistant, il faut généralement être plus gros et donc plus lourd (on peut aussi jouer sur la forme et sur le matériau). En général, ce qui est plus résistant est plus lourd et plus cher (il y a plus de matériau).
Or, il est rare que la résistance (qui a un lien direct avec la durée de vie) soit le seul critère de choix. Par exemple, si je suis hollandais, je n’ai aucun scrupule à choisir un vélo lourd et solide (d’autant plus que mon vélo pourra s’entasser avec – ou sous !- des centaines d’autres dans un local spécial). Si j’habite un pays fortement vallonné voire montagneux, j’y regarderais à deux fois ! En fait, le poids et le prix vont souvent être des critères aussi voire plus importants dans mon choix.
Il existe un producteur français qui garantit ses produits à vie, c’est FACOM. Les clés de ce producteur sont quasiment impossibles à casser ou même à tordre. Evidemment, elles ne sont pas vraiment légères, ni faciles à ranger dans une petite trousse à vélo ! Et leur prix est cohérent avec le volume de matériau utilisé et la garantie donnée.
Pourquoi le consommateur achète-t-il donc d’autres clés que les FACOM ? Parfois, c’est parce que le poids est un inconvénient pour l’usage qu’il en a. Parfois parce qu’il préfère payer beaucoup moins cher un autre produit qui ne sera pas aussi résistant, sans être pour autant fragile. Faut-il dire que tous les concurrents de FACOM font de l’obsolescence programmée ? Et si oui, que vaut vraiment ce concept ?
Dans le cas bien connu des lampes à incandescence, le compromis n’était pas dans la durée et le poids mais entre la durée et la couleur de la lumière. La lumière naturelle nous vient d’un soleil qui brûle avec une température de surface qui se situe autour des 6500 degrés. Un filament de lampe chauffé à une température inférieure à celle du soleil ne donne pas une lumière aussi blanche (en fait d’autant plus rouge que la température est basse). La concurrence aux USA s’est à un moment faite autour de cette question de couleur. L’un des moyens de pouvoir élever la température consistait à trouver un matériau plus résistant. Mais une autre solution consistait à chauffer plus fort un matériau donné, ce qui faisait que le filament durait moins longtemps. L’accord évoqué avait donc comme objectif, non pas de baisser la durée de vie, mais d’empêcher que la concurrence sur la couleur(ou plutôt la blancheur de la lumière) entraîne une baisse de la durée de vie.
Il est vrai qu’il existe dans un garage de pompier une lampe qui a presque deux siècles. C’est une belle durée, sauf qu’il est presque abusif de parler de lampe : celle-ci n’éclaire pas grand-chose, puisque seule 0.3% de l’énergie dépensée se transforme en lumière. On pourrait dire que c’est un radiateur légèrement lumineux…
J’avais cette remarque de journaliste en tête en lisant un article sur le parc de véhicules motorisés en Diésel. L’affaire Volskwagen vient de rappeler que les normes imposées sont de plus en plus exigeantes sur une multitude de paramètres (CO2, particules, oxydes d’azotes etc.) et que s’il doit respecter toutes ces contraintes, le Diésel retrouve les défauts qu’on lui reprochait il y 30 ou 40 ans : il est plus poussif que le moteur à essence.
Mais au-delà de ce cas d’espèce, le problème est qu’il ne suffit pas que les nouveaux véhicules soient plus propres, s’il existe dans le parc une grande proportion de véhicules qui ont été produits avec d’anciennes normes (les exigences ont beaucoup augmenté en 40 ans, les véhicules ayant 15 ans sont incontestablement plus propres que ceux d’il y a 40 ans mais beaucoup moins que ceux d’aujourd’hui).
Or, il se trouve que pendant que la fable de l’obsolescence programmée prenait de l’ampleur, les véhicules automobiles vendus en Europe devenait de plus en plus résistant et durables. L’une de ces raisons est que les normes imposées en sécurité passive ont presque doublé le poids des voitures. A cause de ces normes, on prend des produits plus résistants et on ne voit plus de trous dans les planchers des vieilles voitures. Résultat, l’ancienneté du parc a beaucoup augmenté (de mémoire de plus de 60% mais j’ai la flemme de chercher la valeur exacte). Et maintenant, on y voit un inconvénient pour ce qui est du respect des normes de pollution !
Allez, un petit résumé : quand on conçoit un produit, sa résistance à l’usure n’est jamais qu’un critère parmi d’autres et on fait des compromis. Quand on choisit de donner la priorité à un critère, on peut un détériorer un autre. Et un frigo plus silencieux et moins consommateur d’énergie sera probablement aussi moins durable… !
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