L’accord entre le gouvernement grec et ses créanciers européens représente pour les deux parties un échec retentissant et des conditions pires que ce qui était en discussion il y a 8 mois. C’est la conséquence de leur intransigeance commune et de ce que celle-ci a coûté à l’économie du pays, qui est au bord de l’asphyxie
Fin 2014, les ministres des finances européens exigeaient de Antonis Samaras, le premier ministre conservateur de l’époque, un excédent primaire de 3.5% du PIB en 2015 et de 4.5 % du PIB en 2016, de manière à pouvoir commencer à réduire la dette. Aujourd’hui, ils en sont à valider un nouveau plan d’aide massif d’environ 30% du PIB grec, plan dont il n’est même pas sur qu’il puisse suffire, tant il comprend de mesures irréalistes pouvant tuer le malade plutôt que de le guérir.
Au début de l’année, Alexis Tsipras se faisait élire sur des promesses de fin de l’austérité, de départ de la troïka, d’augmentation des petites retraites et du salaire minimum. Au bout de trois mois, il devait renoncer à ses promesses d’augmentation face à ses créanciers européens. Il y a moins d’un mois, il soumettait les demandes des européens à un référendum où il a appelait à voter « non ». A peine 10 jours après la large victoire du non, il signe un accord qui permet à la Grèce de rester dans l’euro au prix de concessions exorbitantes : annulation de la plupart des décisions prises depuis 6 mois, contrôle de la part des créanciers de toutes ses décisions, mises en œuvre immédiate de ce qu’il refusait hier..
Comment en est-on arrivé là ? Simplement en sacrifiant l’économie grecque sur l’autel des idéologies des deux parties. Depuis qu’ils ont compris que Syriza risquait d’arriver au pouvoir, les ménages grecs et les entreprises ont massivement retiré leurs capitaux des banques nationales (les avoirs des entreprises et des ménages dans les banques grecques ont été divisés par deux en trois ans…).
Le comportement des négociateurs grecs depuis 6 mois a conduit une part de plus en plus importante de leurs interlocuteurs à penser qu’il valait encore mieux une sortie de la Grèce de l’euro. La décision de ne pas payer l’échéance du au FMI en juin et de recourir au référendum a détruit le peu de confiance qui restait chez les créanciers : la Grèce est obligée aujourd’hui de donner des signes (inimaginables hier) de sa bonne volonté pour qu’un plan d’aide d’urgence soit débloqué et encore devra t-elle probablement donner ces signes à toutes les étapes de la mise en œuvre.
L’ensemble des acteurs économiques intervenant en Grèce (et d’abord évidemment les clients et fournisseurs étrangers) ayant perdu toute confiance dans les autres, l’économie grecque est en train de s’asphyxier à toute allure : comme l’a reconnu le premier ministre Tsipras, c’est l’effondrement économique qui guette à très court terme (quelques semaines) un effondrement dont la Grèce ne se relèverait que par une dévaluation massive et une récession sans doute aussi massive, le rebond prenant probablement plusieurs années. Les chiffres fournis par la banque centrale d’Athènes au gouvernement doivent être particulièrement catastrophiques pour que Tsipras ait accepté à ce point ce qu’il refusait hier.
Vouloir assurer les recettes de l’État par une augmentation de la TVA comme l’exigent les créanciers n’est sans doute pas une mesure adaptée dans un pays connaissant déjà un travail au noir massif. On peut penser que la seule solution alternative efficace rapidement aurait été une nouvelle baisse des salaires (en premier lieu ceux des fonctionnaires), qui aurait contribué à la récession également mais qui aurait dopé à terme le commerce extérieur. Mais cette mesure, si tant est qu’elle aurait été efficace, parait impossible à mettre en œuvre.
Au final, les Grecs et leurs créanciers ont réussi à beaucoup perdre en quelques mois. Yanis Varoufakis fait porter toute la responsabilité de ce résultat aux créanciers européens. C’est faire rapidement abstraction de sa propre responsabilité et de celle du gouvernement grec dans l’affaire.
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