A vouloir rejeter tous les remèdes qui présentent le moindre risque, on en est à jeter le bébé avec l’eau du bain, comme l’illustre une tribune d’un pharmacologue dans le Monde des sciences et de la médecine ce mercredi. Le retour de bâton peut être terrible, comme le montrait, hélas, l’actualité du lendemain
A propos d’un médicament dont je n’avais jamais entendu parler (à base de dompéridone), Bernard Bégaud, professeur de pharmacologie, critique les méthodes de calcul utilisées pour mesurer les conséquences néfastes d’un médicament donné, méthodes dont on oublie trop souvent qu’elles sont approximatives et tournées (sans doute assez légitimement) vers la prudence : reprendre un chiffre de 231 morts par an quand ce résultat comprend, entre autres approximations, un coefficient prudentiel de 2.8, est pour le moins simpliste en effet.
Mais surtout, le professeur explique qu’on ne peut se contenter de souligner les risques sans d’une part regarder les bénéfices, et surtout sans comparer avec les solutions alternatives. Si j’ai un médicament qui fait 100 morts par an, mais que sans médicament on en a 10 000 et que les autres médicaments disponibles en font 500, il faut bien sur garder ce médicament, malgré les 100 morts.
Or des médicaments qui ont un effet thérapeutique autre que placebo, il n’y en a guère qui n’aient pas aussi des effets secondaires néfastes ! Ce qui parait assez logique quand on y réfléchit.
La mise en évidence de ces effets secondaires possibles pousse aujourd’hui une partie de la population à repousser des solutions médiales pourtant utiles. Tout ce qui se dit autour de la vaccination en est l’exemple le plus parfait. Comme souvent aujourd’hui, ce qui devrait être une analyse scientifique autour des avantages et risques d’une action médicale est pollué par la rumeur et les fantasmes complotistes de plus en plus présents dans la population et dont la propagation est facilitée aujourd’hui par Internet.
Mais ignorer la réalité médicale peut avoir des conséquences terribles. C’est ce que vivent aujourd’hui en Espagne des parents qui, sensibles aux arguments des anti vaccins, n’ont pas vacciné leur enfant de 6 ans contre la diphtérie, une maladie qui était éradiquée en Espagne depuis trente ans, mais qui peut toujours y revenir puisqu’elle existe encore dans d’autres pays. L’enfant était jeudi entre la vie et la mort et il a fallu aller chercher en catastrophe en Russie un antidote, la diphtérie n’étant pas éradiquée dans l’ex URSS.
Les parents « avaient délibérément choisi de ne pas vacciner leur enfant » et se plaignent aujourd’hui d’avoir été « trompés par les groupes anti-vaccins qui les ont convaincus du bien-fondé de leur cause sans leur expliquer les dangers secondaires »
Les magazines scientifiques ou médicaux rappellent l’importance de la vaccination. Sur Slate, Jean Yves Nau signale à cette occasion la situation inquiétante pour notre pays de la vaccination contre la rougeole, maladie qui peut être mortelle et pour laquelle il n’existe pas de traitement : 10% des jeunes adultes ne sont pas vaccinés. Près de 200 cas ont été déclarés depuis le début de l’année dont les trois quarts en Alsace. Depuis 2008, d’après l’Institut national de veille sanitaire, la France a connu plus de 23.500 cas déclarés ayant entraîné 1.500 cas de pneumopathie grave, 34 formes neurologiques compliquées avec séquelles graves et 10 décès.
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