Le rapport annuel du Conseil d’orientation des retraites aborde dans son tout premier chapitre les questions démographique qui affectent la question des retraites : indice de fécondité, solde migratoire, espérance de vie par sexe, état de santé après 55 et 65 ans. Le rapport compare les projections faites en 2007 et les résultats observés depuis.
L’indice conjoncturel de fécondité ou somme des naissances réduites, mesure le nombre d'enfants qu'aurait une femme tout au long de sa vie, si les taux de fécondité observés l'année considérée à chaque âge demeuraient inchangés (INSEE). Il sous-estime le taux de fécondité final quand les naissances ont lieu de plus en plus tard, ce qu’on a observé ces dernières décennies. Cela explique peut-être qu’il ait progressé d’un peu plus de 1.85 en 2000 à un peu plus de 1.95 six ans plus tard. La projection moyenne de 2007 se situait à 1.95, avec deux autres hypothèses à 1.80 et 2.10. Depuis, le taux n’augmente plus mais se maintient légèrement au-dessus de 1.95, donc un peu au-dessus du scénario central. Ce n’est pas faute d’enfants (comme certains de ses voisins) que la France a un problème de financement des retraites.
Le solde migratoire est en baisse depuis 2007, probablement en raison de la crise et malgré les drames de certains pays d’Afrique ou du proche Orient. Le fait qu’on prenne ici le solde et non le nombre d’entrée est logique mais est l’occasion de rappeler qu’une partie des migrants ne font que passer pour aller vers des pays qu’ils considèrent comme mieux adapté à leur situation (pour des questions de langue par exemple) et que d’autres viennent passer quelques années seulement.
Le solde migratoire était évalué à 100 000 par an dans le scénario central alors qu’il avait tendance à augmenter au début des années 2000 (75 000 environ en 2000, 120 000 environ en 2006). Il est descendu ensuite et se situe sous les 50 000 depuis 2009. Il peut évoluer à l’avenir car il est probablement assez sensible à la conjoncture.
Puisqu’on parle ici de retraites, les hypothèses sur l’espérance de vie portent sur celle à 60 ans. Les gains observés sont plus faibles que ceux à la naissance : une partie des gains de celle-ci est le résultat de la baisse des décès avant 60 ans.
Pour les femmes, l’espérance de vie à 60 ans, qui était de moins de 26 ans en 2000, se situait à près de 27 ans en 2007. Le scénario central la voyait à 32.3 ans en 2060, soit un gain d’environ 1 an par décennie. Ce scénario central est actuellement respecté (avec des variations annuelles liées par exemple à la virulence des épidémies de grippe : il est possible que l’espérance de vie recule progressivement en 2015 du fait d’une forte grippe).
Pour les hommes, l’espérance de vie à 60 ans, qui était de 20.5 ans en 2000, se situait à 22 ans en 2007. Le scénario central la voyait à 28 ans en 2060, soit un gain d’environ 1,2 ans par décennie. Le résultat observé se situe, plus haut , au niveau du scénario le plus favorable, qui vise 30,1 ans en 2060 et un gain de 1.6 ans par décennie. On observera que les scénarios prévoient un gain constant, alors qu’il est probable qu’il ait tendance à diminuer avec le temps. Le résultat pour les hommes me parait à ce titre plus conforme à long terme avec le scénario central que celui pour les femmes.
Il reste que sur une quinzaine d’années, le gain d’espérance de vie a été de deux ans pour les femmes et de près de trois ans pour les hommes. C’est considérable : il n’y a pas besoin d’aller chercher ailleurs les questions de financement des retraites.
Et, pourtant, au-delà de la croissance de l’espérance de vie (observée depuis 1750 environ, et de près de trois mois par an depuis un siècle !), ce sont les aléas de la pyramide des âges qui expliquent que les dépenses de retraite aient augmenté plus vite ces derniers temps : la part du PIB consacrée aux retraites est passée de 12 à 14 % entre 2000 et 2013.
Le nombre de personnes arrivant à l’âge de 60 ans était, avant 2005, compris entre 500 000 (point bas en 2000) et 600 000 (en 1990 et en 2004). Avec l’arrivée des enfants du baby-boom, ce nombre est passé à plus de 800 000. Les projections le voient durablement (c’est-à-dire pour au moins 70 ans !) autour de cette valeur, le point le plus bas étant au-dessus de 700 000.
Les effets inéluctables de l’augmentation de l’espérance de vie sur les dépenses de retraite ont ainsi été masqués par le creux de natalité de l’entre-deux guerre, comme le passage à la retraite à 60 ans avait été facilité en 1982 par le creux de natalité lié à la guerre de 14 (ceux qui arrivaient à l’âge de 65 ans en 1980, 1981, 1982 ou 1983 étaient nés de 1915 à 1918, années de faible natalité).
A partir de 2005, la population des retraités n’a plus été gonflée par des cohortes de 500 000 nouveaux retraités, mais par des cohortes de 800 000 nouveaux retraités (même si le durcissement des conditions d’accès à un peu atténué le phénomène).
A partir du bas de la page 14, le rapport aborde, conformément à ce que lui demande la loi, la question de la vie « en bonne santé » ou « sans incapacité ». On sait que le concept de vie en bonne santé n’est pas encore défini de manière suffisamment précise pour en tirer des enseignements indiscutables. Le rapport utilise le concept de « limitation d’activité » qui peuvent être « sévères » ou « modérées ».
La figure 1.4 page 15 montre que la durée de vie sans limitation d’activité après 65 ans (le temps pendant lequel on peut vraiment « profiter » de sa retraite) est en moyenne d’environ 9 ans pour les hommes et de plus de 10 ans pour les femmes. Entre 2004 et 2013, elle est en progression chez les hommes (un an de gagné au moins) mais irrégulière chez les femmes, avec une baisse puis une remontée.
La figure 1.5 page 16 montre que 10% des hommes ou des femmes de 55 à 65 ans ont des limitations sévères d’activité et environ 30% des limitations modérées. On notera qu’il ne semble pas y avoir de différences notables entre les 55/ 59 ans et les 60/ 64 ans et que la situation semble plutôt se détériorer avec les années.
Dans le rapport émis par France stratégie et la DARES sur les métiers en 2022, on trouve des informations sur les questions de santé selon les métiers. Page 34, le tableau 2 montre la proportion de fins de carrière pour des raisons de santé : elle est de 5% pour les cadres, 7 % pour les indépendants, 11% pour les professions intermédiaires, 15% pour les employés qualifiés comme pour les ouvriers qualifiés, 20 % pour les employés peu qualifiés et 22 % pour les ouvriers peu qualifiés. Page 38 le tableau 4 donne des résultats plus détaillés par métier, avec des résultats parfois curieux : par exemple les 23 % de départs pour raisons de santé ou d’inaptitude chez les employés de la banque ou de l’assurance ou les 17% des formateurs (qui ne comprennent pas les enseignants je précise !) contre 13% en moyenne tous métiers confondus.
Un dernier mot concernant la part des femmes. J’ai déjà noté dans mon article précédent que le taux d’activité des femmes de 50 64 ans était passé de 38% en 1990 à 60 % en 2013 (tableau 1.17 page 29), ce qui marque la fin d’un processus de féminisation de l’emploi commencé bien avant. La part des femmes dans l’emploi. Dans la version publiée par la DARES du rapport déjà cité, on voit page 23 avec le graphique 7 que la part des femmes dans l’emploi est passée de 43 % en 1990 à 48 % en 2012.
Les commentaires récents