L’étude prospective sur les métiers en 2022 montre une perte de plus de 400 000 emplois en France entre 2002 et 2012, alors que le secteur avait été créateur net d’emplois dans lé décennie précédente et le serait de nouveau dans les projections à l’horizon 2022 ; Une étude très récente de l’INSEE sur le commerce extérieur du pays éclaire les raisons de cette situation
En lisant le passionnant rapport sur les métiers en 2022, que j’ai déjà évoqué, on trouve page 59 un tableau qui donne les principales caractéristiques du scénario macro-économique central qui sous-tend la projection sur les emplois pour les années 2012 à 2022. Il présente aussi les résultats observés dans la décennie précédente, entre 2002 et 2012. Je les reproduits ici.
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Taux de croissance annuel moyen |
Contribution à la croissance |
PIB |
1.0% |
|
Consommation des ménages |
1.3% |
0.8% |
Investissements |
1.2 % |
0.2% |
Consommation des administrations |
1.6 % |
0.4% |
Solde extérieur
|
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- 0.3% |
On peut lire ces chiffres de deux manières : en notant que la France a augmenté son train de vie plus vite que sa production en s’endettant, ou en notant que la dégradation du solde extérieur a coûté 0.3% de croissance par au PIB. On reviendra plus bas sur les explications de la dégradation du solde extérieur
Le rapport sur les métiers donne page 116 un tableau sur les créations nettes d’emplois par domaine professionnels dans le scénario central
Domaine professionnel |
1992- 2002 |
2002- 2012 |
Effectifs en 2012 |
2012 -2022 |
Agriculture |
-383 |
- 112 |
948 |
- 76 |
Bâtiment |
- 23 |
115 |
1886 |
128 |
Industrie |
108 |
- 417 |
3205 |
43 |
Transports, manutention |
218 |
- 43 |
1893 |
83 |
Commerce, hôtellerie-restauration |
298 |
240 |
3984 |
426 |
Métiers de services aux entreprises |
559 |
348 |
4206 |
451 |
Métiers de services aux particuliers et aux collectivités |
600 |
329 |
3049 |
313 |
Éducation, santé, culture |
654 |
651 |
4320 |
476 |
Administration publique, armée, police |
- 255 |
16 |
2163 |
- 66 |
Autres |
54 |
- 148 |
154 |
12 |
Ensemble |
1828 |
978 |
25 808 |
1774 |
Avec les données ci-dessus, j’ai recalculé ce que cela faisait comme effectif en 1992, 2002 et 2022
Domaine professionnel |
1992 |
2002 |
2012 |
2022 |
Agriculture |
1443 |
1060 |
948 |
872 |
Bâtiment |
1794 |
1771 |
1886 |
2014 |
Industrie |
3514 |
3622 |
3205 |
3248 |
Transports, manutention |
1718 |
1936 |
1893 |
1976 |
Commerce, hôtellerie-restauration |
3346 |
3744 |
3984 |
4410 |
Métiers de services aux entreprises |
3299 |
3858 |
4206 |
4661 |
Métiers de services aux particuliers et aux collectivités |
2120 |
2720 |
3049 |
3362 |
Éducation, santé, culture |
3015 |
3669 |
4320 |
4796 |
Administration publique, armée, police |
2402 |
2147 |
2163 |
2097 |
Autres |
248 |
302 |
154 |
166 |
Ensemble |
23002 |
24830 |
25 808 |
27582 |
Sur trente ans on note la formidable croissance des services aux entreprises (+ 41 %), aux particuliers et aux collectivités (+ 58%) et de l’ensemble Education, santé culture (+ 59%). L’ensemble commerce hôtellerie restauration augmente de 32 %. Dans le même temps, l’ensemble administration, armée police est en baisse (du fait de la fin de la conscription) et l’agriculture perd près de 40 % de ses effectifs de 1992, alors que ceux-ci avaient déjà très fortement décru pendant les décennies précédentes.
Le total des effectifs augmenterait de près de 20 % sur les trente ans, avec un taux de chômage qui a baissé pendant la première période, augmenté pendant la seconde et qui baisserait de nouveau pendant la troisième. Les créations nettes d’emplois seraient équivalentes dans la décennie en cours que dans la première, et supérieures d’environ 800 milliers à celles de la période de 2002 à 2012.
L’industrie à elle seule explique plus de la moitié de cette mauvaise performance de la décennie 2002 / 2012, avec la perte de 417 milliers d’emploi, contre des gains (certes faibles) dans les deux autres périodes. La part des emplois industriels est en baisse, c’est normal, du fait de gains de productivité plus rapides que dans les services et du fait que les gains de pouvoir d’achat profitent plutôt aux services. Mais la comparaison entre décennies montre qu’il y a eu un phénomène particulier dans la décennie 2002 / 2012, avec la disparition nette de 15 % des emplois initiaux.
On comprend aisément qu’il y a un lien entre la dégradation du solde extérieur et cette perte d’emplois dans l’industrie. L’INSEE va nous éclairer avec l’article récemment paru dans le document INSEE Références de 2015, sur les performances comparées des entreprises françaises sur le marché interne et le marché international.
L’étude ne porte pas exactement sur la même période puisqu’elle couvre la période 1999/ 2011. Elle traite le thème de la stratégie de marge des entreprises, qui n’est pas le sujet ici. Mais elle commence par une analyse de l’évolution du solde extérieur, que nous allons reprendre.
En France, les échanges de biens et services se sont dégradés presque continûment depuis la fin des années 1990. D’un excédent de 31,1 Md€ en1999, la France a commencé à enregistrer un déficit dès 2005, qui s’est creusé jusqu’en 2011. Sur les trois dernières années, le déficit s’est réduit et s’établit à 39,2 Md€ en 2014. Au total, sur ces quinze dernières années, le solde extérieur de la France s’est ainsi dégradé de 70,3 Md€.
Les auteurs examinent les secteurs qui sont la cause de cette dégradation de 70 milliards. La hausse du prix du pétrole, passé de 17 $ à 74 $ le baril sur la période, a augmenté la facture pétrolière de 39 milliards, ce qui explique plus de la moitié de la dégradation du solde extérieur. Mais sur le long terme, une telle évolution devrait être compensée par des progrès ailleurs, ne serait-ce que parce qu’on vend plus de biens et services aux pays exportateurs de pétrole : le déficit avec ces pays ne s’est d’ailleurs que peu alourdi. Les pays avec lesquels le solde s’est le plus dégradé sont la Chine et l’Allemagne, puis la Belgique, l’Espagne et l’Italie.
Le solde sur les produits manufacturés était positif de 21 milliard en 1999 et de 23 milliards en 2002 et négatif de milliard en 2011, avant de revenir à un quasi équilibre sur 2013. Si on va plus dans le détail, hors produits énergétiques, on constate une dégradation d’environ 15 milliards sur chacun des secteurs des biens d’équipement et des autres produits industriels, et un maintien de l’excédent de l’agro -alimentaire.
Le secteur des transports voit son excédent augmenter d’environ 10 milliards, mais cela recouvre deux évolutions contraire : l’excédent de 9 milliards de l’automobile s’est transformé en déficit et
le même excédent initial dans les autres matériels de transport a bondi à plus de 32 milliards d’euros, grâce à Airbus évidemment.
La dégradation dans l’automobile illustre bien les difficultés des secteurs confrontés à la concurrence allemande. Certes, on peut demander à nos entreprises industrielles d’innover et de monter en gamme dans leurs produits, mais quand leurs concurrents font la même chose, la question des coûts comparés reste un élément clé. Or dans ce domaine, l’Allemagne a à la fois bénéficié de sa position géographique pour sous-traiter les pièces les plus simples dans les ex pays de l’Est et bénéficié de la modération salariale pour voir ses prix évoluer plus favorablement que ceux de ses concurrents français.
Sur la période, la part des entreprises dans la valeur ajoutée a augmenté en Allemagne quand elle baissait au contraire en France. Le résultat se voit sur les résultats de Volkswagen ou Mercédès d’un côté, ceux de Renault et PSA de l’autre.
L’enjeu pour les emplois industriels et les emplois de toutes nature en France d’ici 2022 est que la modération salariale française actuelle conjuguée aux hausses allemandes, permette un rétablissement des marges et un développement des activités sur le territoire. C’est bien sûr à cette condition que sera obtenue la baisse du chômage projetée à l’horizon 2022.
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