La DARES a publié en avril une étude sur l’évolution des emplois selon leur niveau de qualification : en trente ans, elle observe une forte progression de l’emploi dans les métiers qualifiés et dans certains métiers peu qualifiés des services, et note une différence avec les évolutions constatées aux USA et aux Royaume Uni
La direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES) du ministère du travail a classé les métiers selon le salaire moyen observé en 1984 et réalisé ensuite une division par quartile selon le critère de la rémunération. Le quartile le plus bas se situait à l’époque en dessous de 5.5 € de l’heure, le plus élevé au-dessus de 8.65 €
Elle a ensuite regardé comment les parts des métiers concernés avaient évolué, ce qui donne le résultat suivant :
|
1982/1984 |
1992/1994 |
1999/2001 |
2010/2012 |
Quartile le plus bas |
24.2 |
21.2 |
21.0 |
20.6 |
2ème quartile |
24.6 |
22.0 |
21.8 |
19.1 |
3ème quartile |
26.0 |
26.9 |
26.1 |
24.3 |
Quartile le plus haut |
25.2 |
29.9 |
31.0 |
36.0 |
Part des deux plus haut quartiles |
51.2 |
56.8 |
57.1 |
60.3 |
Un mot sur la méthode. La DARES a défini une nomenclature des métiers par familles professionnelles avec trois niveaux : le premier compte 21 familles, le second 87 et le troisième 225. Le premier niveau correspond à des secteurs économique (le BTP, la Santé etc.). La répartition pour arriver à 87 familles se fait essentiellement sur des critères de niveau de qualification : ces familles peuvent donc être utilisées pour faire l’étude.
Sur trente ans, le niveau le plus qualifié est passé de 25.2% des emplois à 36.0% donc une augmentation de plus de 10 % de la part dans l’emploi.
On peut observer globalement deux périodes :
Pendant la première, celle des années 80 jusque 1992/1994, les deux quartiles les moins qualifiés perdent chacun entre 2.5 et 3 % de part de l’emploi total. Cette baisse se fait essentiellement au bénéfice du quartile le plus élevé (+4.7%), le gain du troisième quartile étant faible (+0.9%). Cette évolution selon le niveau de qualification se vérifie quand on regarde plus finement par métiers.
Dans les près de 20 ans suivants, la baisse des emplois les moins qualifiés est beaucoup plus limitée, de 0.6% seulement au total. Les emplois les plus qualifiés continuent à fortement augmenter : +6.1% sur la période. Ce sont les catégories intermédiaires que l’on voit baisser : respectivement – 2.6% et – 2.9% pour les deux groupes. Contrairement à ce qui se passe pendant la période précédente, l’analyse plus fine par métiers révèle des comportements différents selon les métiers.
Les auteurs de l’étude soulignent que le groupe des moins qualifiés, comprend au final des métiers dont la part a fortement baissé et d’autres qui ont augmenté.
Les emplois d’ouvriers non qualifiés du textile et du cuir sont ainsi passés de plus de 250 000 emplois en début de période à moins de 23 000 en fin de période, soit un volume divisé par plus de 11 ! La baisse est de 8.4% par an dans les vingt premières années et même de plus de 10% par an ensuite. Mais le plus gros des pertes se fait au début avec plus de la moitié des emplois perdus en 10 ans.
Les emplois qualifiés du même secteur passent en 30 ans de 150 000 à 69 000, avec une baisse en pourcentage qui augmente avec le temps. En début de période, il y a deux fois moins d’ouvriers qualifiés que de non qualifiés dans le secteur, et il y en a trois fois plus en fin de période ! Les emplois d'ouvriers du secteur sont passés de plus de 400 000 à 92 000.
On a donc deux phénomènes parallèles :
une évolution des qualifications dans le secteur, au détriment des moins qualifiés, mouvement qui est la conséquence des efforts d’automatisation. Les emplois qualifiés passent de 30 à 75 % du total
une baisse globale de l’emploi en raison des délocalisations et de la concurrence des pays à bas salaires.: le nombre total d'emploi est divisé par 5
Ce qui s’est passé dans le textile et le cuir dans la répartition des qualifications s’observe de manière plus ou forte dans l’ensemble de l’industrie
A l’inverse une famille professionnelle se distingue par sa croissance : celle des aides à domicile, aides ménagères et assistantes maternelles, Au point que la famille a été divisée en deux au début des années 90, ce qui permet de voir que si les deux sous familles voient leurs effectifs augmenter, ce sont les aides à domicile qui augmentent le plus. Au total, cet ensemble passe de 333 000 à 992 000 personnes. Deux raisons affectent cette évolution : les femmes travaillent de plus en plus (elles confient donc leurs enfants à des aides familiales et ne peuvent plus s'occuper de leurs vieux parents) et il y a de plus en plus de personnes âgées.
Cependant ces deux raisons avancées par la DARES ne suffisent pas à justifier l’évolution observée : le taux d'emploi féminin est déjà élevé en début de période et le nombre de plus de 70 ans n'a pas triplé. Il est probable que la loi promue par Martine Aubry dans les années 90 pour aider les particuliers employeurs (déductions fiscales) a conduit à « révéler » des emplois qui étaient jusqu’alors non déclarés. On notera en tous les cas que l’augmentation du nombre de personnes dépendantes est plutôt devant nous avec le papy-boom (les personnes nées en 1945 ont aujourd’hui 70 ans)
En faisant abstraction de ce cas particuliers des aides à domiciles et assistantes maternelles, la DARES montre sur le graphique 1c, qui croise l’évolution de l’emploi dans les familles professionnelles et leur niveau de rémunération, que la tendance est linéaire, : plus les familles professionnelles sont qualifiées, plus elles sont en croissance
La DARES montre cependant ensuite que si cette évolution se retrouve dans le BTP et l’industrie, il n’en est pas de même dans le tertiaire. On a en fait une plus grande dispersion des évolutions. La famille qui diminue le plus est celle de l’armée en raison de la fin de la conscription (et la chute du Mur de Berlin !)
Au final, la DARES ne trouve pas en France la polarisation observée dans les pays anglo-saxons avec une hausse des emplois faiblement ou fortement qualifiés nous dit la DARES. Il faut cependant noter que cette affirmation est vraie pour l'ensemble de la période mais beaucoup moins pour sa deuxième partie (voir plus haut)
INon seulement c’est la tendance dans la dernière période, mais c’est aussi ce qui est annoncé pour les vingt prochaines années dans certains projections, en raison des progrès technologiques qui pourraient affecter plus de la moitié des métiers : par exemple, la vente par Internet détruit des emplois de vendeurs, en crée quelques-uns dans l’informatique et beaucoup dans la logistique
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