Qui a gagné et qui a perdu dimanche soir ? Chacune des trois grandes forces en présence peut se targuer de certains résultats, à condition de bien les présenter et de cacher tout ce que ce scrutin peut révéler de négatif pour elle, pour ce scrutin ou les suivants.
La presse désigne la droite (alliée au centre) comme vainqueur sans conteste du scrutin, qui la voit gagner 28 départements, pour en gouverner demain les deux tiers. Elle a obtenu plus de 2400 élus soit près de 60% des sièges. Nicolas Sarkozy a martelé dimanche soir que la 5ème république n’avait jamais vu une telle victoire, sans préciser s’il s’agissait du nombre de départements gérés demain par son camp ou du nombre de départements gagnés.
Sur le nombre de départements, les choses sont claires : la droite a géré au moins 70 départements entre 1985 et 1998. Elle a ensuite perdu des départements à toutes les élections qui ont suivi jusque 2011. En gros, elle a perdu quand elle était au pouvoir à l’Élysée et gagné quand elle était dans l’opposition.
Sur les gains, la cuvée 2015 est effectivement très loin devant les autres cuvées de gains pour la droite par rapport aux 11 sièges gagnés en 1982 ou aux 12 sièges gagnés par la gauche en 1998. Il faut dire que jusqu’à présent, seule la moitié des départements étaient renouvelables à chaque fois, ce qui évidemment limitait les écarts. Mais même à cette aune, 2015 est un cru exceptionnel.
Et pourtant, avant les élections, certains à droite avaient rêvé de gagner entre 30 et 40 départements, tant l’impopularité du gouvernement est forte. Dans ces conditions, qu’est ce qui empêche la droite de revenir au nombre de départements qu’elle a connu entre 1985 et 1998 ? Qu’est ce qui fait qu’elle n’a réuni que 36.60 % des voix au premier tour, à peine le niveau de la gauche, qui était à 36.70% ? En 2008, elle faisait 40.71 % dans ma moitié des cantons renouvelables cette année-là, sans compter les 4.42% du Modem. En 2011, dans l’autre moitié des départements, elle atteignait 31.74 % (le Modem était à 1.22%)
Ce qui l’a fait gagner, ce ne sont pas les voix réunies au premier tour, mais la division de la gauche au premier tour, et au second, les reports venus de l’extrême droite comme de la gauche pour la mener à 45% des suffrages. Le pays a t-il si envie que cela de revoir son ancien président ?
Le FN peut s’enorgueillir d’avoir dépassé de 11% son score de 2011(et de 20% celui de 2008 !). Certes, il n’obtient pas de départements, mais sa présidente s’était bien gardé d’anticiper ce type de succès, alors que le patriarche du clan s’était précipité à Carpentras pour fêter la victoire attendue dans le Vaucluse avec sa petite fille. Il a continué son implantation avec des scores supérieurs à 30% dans beaucoup de départements, au point que Marine le Pen n’hésite pas à prédire un vrai succès aux régionales.
Le score du FN, certes inférieur à ce que prévoyaient certains sondages qui le mettaient à 30%, est même (légèrement) supérieur à celui obtenu aux Européennes : 25.24% contre 24.86%. Mais si on y regarde de plus près, on s’aperçoit qu’il y a deux zones où l’on n’a pas voté cette fois ci, deux zones où le FN fait de mauvais scores : Paris, où il a fait 9.1% aux européennes, et la métropole lyonnaise. Sur le petit tiers du Rhône qui a voté, le FN a fait 28. 61 % contre 20.65% sur l’ensemble du département du Rhône. Il faudrait faire un calcul détaillé commune par commune, mais le score du FN aux européennes sur le territoire qui a voté cette fois a du être de 25.5% environ. En fait le FN est en (très léger) recul entre les deux élections.
Mais surtout, le FN n’arrive pas à transformer son score du premier tour en sièges, en raison du scrutin majoritaire : au second tour, il gagne dans 27 cantons alors qu’il était présent dans plus de 1000 ! Moins de 3 % de victoires, ce n’est pas faible, c’est extrêmement faible ! Bien sûr, c’est la conséquence du suffrage majoritaire, mais celui-ci n’a pas été inventé contre le FN, il existait bien avant ! Le PC en a aussi été victime, jusqu’à ce que l’union de la gauche lui assure des reports conséquents au second tour. Ses insuccès sont la conséquence de l’isolement du FN.
Reste donc la gauche. A 36.70% elle est très loin de ses 47.77% de 2008 et de ses 48.97% de 2011. On a vu plus haut ses pertes considérables. Surtout, elle est profondément divisée, ce qui lui a coûté d’être absente de nombreux seconds tours et qui risque de la priver de présence au second tour de la présidentielle de 2017 !
Et pourtant, on peut estimer que le PS a sauvé les meubles. Au regard de ce qu’on lui prévoyait d’abord. Au regard des moins de 14% des européennes (il est vrai scrutin historiquement défavorable aux deux grands partis de gouvernement) aussi. Au regard des records d’impopularité de l’exécutif. Après tout, elle ne descend pas dans les profondeurs des années 90, quand le chômage était déjà au plus haut.
Il y a eu de fait un petit redressement depuis 6 mois. Un effet 11 janvier ? Je croirais plutôt à un effet amélioration de la situation économique ou au moins du moral des ménages. L’indicateur mesuré par l’INSEE est à 93 en mars contre 86 en mai 2014, au moment des européennes.
Evidemment, l’espoir du gouvernement est là : une reprise économique qui se traduise par une amélioration de l’opinion citoyenne. Le gain ne pourra être que partiel d’ici les régionales, mais dans ce domaine les retournements peuvent être relmativement rapide ;
Dimanche soir, Nicolas Sarkozy a estimé que les français avaient condamné la politique gouvernementale menée. Je pense au contraire et avec Najat Vallaud Belkacem qui le disait le même soir que les français n’ont pas d’avis très arrêté sur la politique à mener : ce sont les résultats qu’ils regardent.
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