L’entreprise Total annonce une réduction de 2000 (sur 100 000) de ses emplois en 2015 en précisant qu’il n’y aura pas de licenciements mais que les recrutements seront fortement réduits. Dans une entreprise aux salaires élevés et où les départs de salariés se font surtout pour la retraite, les ajustements se font progressivement.
La division par deux du prix du baril en quelques mois est globalement une bonne nouvelle pour l'économie française , mais pas forcément pour tous ses acteurs. Elle exigeait de la direction de Total qu’elle prenne des mesures pour réduire ses dépenses. En fait, les premières mesures avaient déjà été prises il y a un an ce qui prouve que la chute des prix n’est pas tombée du ciel mais que la surproduction avait été anticipée par les acteurs du marché.
Les investissements qui avaient connus un pic à 28 milliards de dollars (Total est une entreprise mondialisée qui compte en dollars…)sont descendus à 26 milliards en 2014 et sont projetés entre 23 et 24 milliards en 2015, soit une baisse de près de 20% en deux ans. Les variations peuvent être beaucoup plus fortes dans les investissements que dans les effectifs.
D’autant que Total est une entreprise qui a un turn-over très faible. Il est vrai que la technicité nécessaire ne permet guère l’intérim (mais Total peut faire appel à des sous-traitants, eux-mêmes très qualifiés). Mais les salaires très élevés (sans compter une participation et des intéressements très coquets) n’incitent pas au départ. D’autant plus que la taille de l’entreprise et une poltique promouvant la mobilité interne y compris entre branches permet de vrais parcours diversifiés de carrière. Quand il faut s’adapter (par exemple à la fin du gisement de Lacq) l’entreprise anticipe et prend son temps et gère avec les départs en retraite et les mesures d’âge
Cette logique correspond à ce que cherchent à faire beaucoup de responsables des ressources humaines : gérer « en douceur » ou « à froid » les évolutions d’effectifs, plutôt que de passer par des plans sociaux (on dit plan de sauvegarde de l’emploi maintenant) toujours très lourds à gérer et déstabilisants pour l’entreprise ou au moins les sites concernés.
Cette méthode apparemment de bon sens n’est pas goûté par tous les acteurs. Il est vrai qu’elle peut cacher des pratiques contestables : les politiques d’attrition, qui se traduisent chez certains par des baisses de 5, 10 ou 15 % des effectifs par an, s’appuient souvent sur un recours important à la précarité (intérim et CDD) et aux ruptures conventionnelles sur incitation de l’employeur (ce qui n’est pas la règle pour cette mesure) voire aux licenciements individuels sur des prétextes les plus divers. Il y a aussi des chèques valises qui peuvent être très conséquents : une entreprise technologique a ainsi conclu un accord dit de GPEC qui prévoie, en cas de départ d’un emploi dont les besoins sont en baisse, des indemnités assez élevées pour qu’on ait cru bon de les plafonner à plus de 300 k€ !
Pour un ancien inspecteur du travail réputé, la bonne solution est de supprimer tout travail précaire et de fonctionner par PSE, ceux-ci étant bâtis sur des critères collectifs (notamment dans l’ordre des licenciements, l’ancienneté étant largement privilégiée). Malgré tous les défauts évoqués ci-dessous, on ne peut pas suivre une telle analyse qui ne donne pas sa chance aux individus pour gérer leur carrière et saisir les opportunités en fonction de leurs critères personnels, jamais réductibles à ce qu’une législation collective peut privilégier. Aux représentants du personnel de surveiller ce qui se passe.
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