Le nouveau premier ministre grec issu de la gauche dite radicale veut renégocier la dette publique de son pays, essentiellement détenue par le FMI ou les institutions européennes, pour financer une relance de type keynésienne. Le fait que le pays a réussi à atteindre un excédent primaire, c’est-à-dire avant paiement des intérêts, lui donne les moyens politiques de sa posture dans la négociation.
Dans le réveil des démons, paru en décembre 2011, et après avoir expliqué que le montant de la dette de la Grèce au regard de ses capacités économiques, il faudra bien un jour accepter de la restructurer, c’est-à-dire d’une manière ou une autre abandonner une partie des créances, Jean Pisani Ferry écrit page 113 : refuser de procéder à une restruturation préparée, c’est prendre le risque de devoir le faire à chaud, sous la pression politique, ou en réponse à la déclaration unilatérale d’un nouveau premier ministre, c’est-à-dire dans les pires conditions.
On y est. Un point rapide de la situation s’impose pour essayer de comprendre ce qui se joue aujourd’hui.
Dans son livre de 2011, Pisani Ferry note que la création de l’euro a donné des marges de manœuvre extraordinaires aux pays du sud de la zone : en effet, de l’introduction de l’euro dans les transactions financières au 1er janvier 1999 jusqu’à l’aveu par le premier ministre grec d’alors de l’état réel de la dette (les déclarations du pays à Eurostat étaient trafiquées) la Grèce a bénéficié quasiment des mêmes taux d’intérêts que l’Allemagne, soit un niveau beaucoup plus bas que ce qu’elle subissait précédemment. Malheureusement, elle a gaspillé cette manne, comme elle a partiellement gaspillé les fonds structurels européens reçus depuis 30 ans pour l’aider à rattraper les autres pays de l’Union Européenne. Le crédit facile des années 200 à crée de l’inflation, comme dans d’autres pays du sud, ce qui a dégradé sa compétitivité.
Le résultat fut catastrophique pour les finances du pays. Il faut cependant noter que les grecs ne sont pas les seules coupables de cette situation : on peut aussi incriminer des institutions européennes inadaptées à la régulation des différences entre pays de la zone et la pratique mercantiliste de l’Allemagne. Mais il est vrai que le fait d’avoir présenté des comptes truqués ne plaide pas vraiment en faveur des autorités su pays.
En 2010, les marchés prennent conscience de oa situation financière du pays et se montrent de plus en plus réticents à prêter aux grecs :l’écart avec les taux allemands grandit à 2, puis 4 puis bientôt plus de 10 points. Si toute la dette grecque, qui dépassait un an de PIB avait dû supporter des taux à 12 ou 15 %, ce sont 25 ou 30% des recettes publiques qui n’auraient servi qu’à payer des intérêts.
Pisani Ferry note que les réactions des institutions européens ont été beaucoup trop lentes pour les marchés qui travaillent et réagissant au jour le jour, mais n’ont pris que quelques trimestres, ce qui est déjà rapide quand il faut qu’une quinzaine de pays se mettent d’accord !
La troïka (le FMI, la BCE et l’Union Européenne a accepté de prêter massivement à la Grèce en échange de mesures drastiques du pays pour diminuer son déficit et même dégager un excédent.
Les dirigeants du pays n’avaient pas vraiment le choix : sans compter les intérêts et remboursement s de la dette, ce qu’on appelle le solde primaire était négatif. C’est-à-dire que si la Grèce avait refusé de payer ses créanciers (avec donc l’assurance de ne plus trouver aucun préteur), elle n’avait pas les moyens de payer ses dépenses courantes.
Les mesures prises depuis 4 ans ont eu des conséquences sociales calamiteuses, mais elles ont redressé les comptes : le solde primaire, de 2.4% du PIB en 2011, était positif à 0.8% en 2013, et prévu à +1.5% en 2014 et + 3% en 2015. Entre 2010 et 2013 (2009 n’est probablement pas représentatif), les exportations ont augmenté de près de 30% et les importations diminué de 9%
C’est donc une situation financière en cours d’assainissement dont hérite le nouveau gouvernement, puisque la dette des banques a également été restructurée en 2013. Le seul point noir est celui de la dette à rembourser et sur laquelle il faut payer des intérêts, devenus beaucoup plus raisonnables mais encore non négligeables (quoique beaucoup plus faibles que ce que payait a Grèce avant l’entrée dans l’euro). Par ailleurs, la chute des prix du pétrole est aussi une bonne nouvelle pour le pays, comme pour beaucoup d’autres au sein de la zone.
Le rapport de force avec les créanciers s’est inversé : quand le solde primaire est négatif, le créancier a un besoin vital de prêteurs. Quand il est positif, ce sont les créanciers qui peuvent craindre de ne pas être remboursés.
Le nouveau gouvernement fait le pari de la réussite d’une politique résolument keynésienne ; l’austérité a entrainé une chute du PIB, une politique expansive aura pour objectif d’activer la croissance ce qui à la fois augmenterait les recettes fiscales et diminuerait le poids de la dette comptées en % du PIB.
Le risque est de manger très vite les marges de manœuvres chèrement acquises depuis 4 ans, et de relancer l’inflation, celle-là même qui a érodé la compétitivité du pays dans les années 2000 et enfin de plus profiter aux fournisseurs étrangers qu’aux entreprises nationales, lesquelles ont très peu investit depuis 5 ans, en raison de la situation. La réussite du pari pris dépend aussi de la tendance économique des pays de l’Union Européenne, favorisée par la chute du prix du baril, le recul de l’euro et les achats de dettes par la BCE. On verra, mais honnêtement, les chances de réussite me paraissent faibles : la Grèce est en train de faire le feu de joie qu’a eu la France en 1981 et risque de devoir faire ensuite le plan de redressement qu’a fait la France en 1984.
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